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 romans, récits, nouvelles 
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Je les retrouverai
(3123 jours sans elles)

(Catherine Eme-Ziri)
De couleur en mauve...
(Christelle Ravey)
Amours en fugue
(Christelle Ravey)
Le Doigt sur la bouche
(France Lestelle)

Bambi Bar
(Yves Ravey)

Le Passage et autres nouvelles
(Sylvie Huguet)
Bétail
(Michel Guet)
Du Pacifique à l'Atlantique par les Andes Péruviennes et l'Amazone
(Olivier Ordinaire)

Saturne
(Christophe LArtas)

Lumière d'argile
(Fatma Omar)

Le Boulanger frnçais de Chengdu
(Chantal Serrière)

Les rendez-vous de la Toussaint
(Yves Couturier)

L'Enveloppe vide
(Marie-Claude Duxin)

Les Îles Mariannes. T1 : l'héritage
(Dominique Mausservey)
L'infini regard
(Claude Clair)

Le Crachoir solitaire
(Nihil Messtavic)

La Maison qui monte - Journal d'Églantine
(Yvonne Gabillet-Pernot)

Le Mausolée de chair
(Jonas Lenn)

Contes et légendes de l'âne
(Gérard Chappez)

Le Collier du Bodhisattva
(Bernard Grandjean)
Kyrie Eleison (1,2,3)
(Martine Maffly)

Le Cri du milan
(Lola Sémonin)

Le Poisson d'Absentès
(Mario Morisi)
Kamikaze Mozart
(Daniel de Roulet)

Voyage aux Indes orientales
Un jeune Allemand au service de la V.O.C. : Afrique du Sud, Maurice, Java (1671-1676)

(Johann Christian Hoffmann)

Népal et pays himalayens. Une voyageuse française dans l'Himalaya en 1908
(Isabelle Massieu)

Le Poids de l'air
( François Migeot)

Khephren
(Marie-Odile Goudet)

L'Arbre dehors
(Patricia Gavoille)

Expédition nocturne autour de ma cave
(Jean-Claude Pirotte)

Le vieux grimoire de Luxeuil
(Danièle Vogler)

Sarah ou le chant des passions
(Guy-Louis Anguenot)

Portraits de mémoires
(François Perche)

L'Île ronde
(Laurence Alfonsi)

Autour de Voisard

Après la forêt
(Nathalie Démoulin)

Tais-toi !
mes enfants parlent !

(Anne Grospiron)

Le Jeu du tigre et des antilopes
(Bernard Grandjean)

La Petite Maison jaune
(Roger Faindt)

Chronique américaine
(Daniel de Roulet)

héroïnes
(Christophe Fiat)

L'Écueil de nos jours
(Sylvie Parthenay)

Les Errances Drouon
(Claude Louis-Combet)

Les Raisons de Vivre
(Hervé Pierre)

Mourir pour Wassereau
(Christian Giboudeau)
Une femme entre parenthèses
(Marie-Thérèse Renaud)

Le Valle di Paraso
(Mémoires oubliées I/III)

(Pierre-Marie Mayol)

Les Étonnantes aventures administratives de Marinette Poussin
(Claire Marick)

L'endormi
(Benoît Deville)

Le Coup de bambou
(Régis Dubœuf)

Les Figurants
(Stéphane Boudy)

Un amour de guerre
(correspondance intime
1915-1916)

Lettres réunies par
Martine Bazennerye

Chant de notre Rhône
(C.F. Ramuz ; préface de Claude Louis-Combet)

Le Mât du ciel
(Daniel Leroux)

Les Parallèles de Riemann
Simon Kuntz

Dictionnaire Zéro
(Nicolas Boissier
Grégory Noirot)

Voyage en Abyssinie
(un aventurier français au royaume de Choa :
1842-1843)
(Rochet d'Héricourt)

Je meurs comme un pays
(Dimìtris Dimitriàdis)

Anything for John
(Christophe Fourvel)

Le Rêveur d'Ettueffont
(Sylvie Doizelet)
Cher Petit
(Lettre d'une maman à son fils sur le front en 1940)
Alain Jacquot-Boileau et
Paul Tubert
De l'amour à la mort
(passion, souffrance et liberté)
Histoires de femmes sous l'Ancien Régime

(Brigitte Rochelandet)

Les Dieux sont servis
(Nicole Tourneur)

Vilaines Romances
(Stéphane Mouret
& Jérôme Sorre)

Une petite vie marocaine
(Mustapha Kharmoudi)

Voyage dans l'intérieur de Madagascar et à la capitale du roi Ramada Ier
(un peintre découvre la grande île - 1825-1826)
André Copalle

À L'Heure !
(Olivier Bleys)
Au nom de l'esprit
(Jean-Marie Jacquet)
L'Homme qui marche n'a pas de visage
(Christophe Blangero)
Montevideo, Henri Calet et moi
(Christophe Fourvel)
Cendres vives
suivi de
Le Carré du ciel

(Françoise Ascal)

Issues
(Françoise Ascal)

Le Monde selon Baggio
Ou Le Bouddha de Caldogno
suivi de Orfeo Baggio
(Mario Morisi)

Ils ont cru aux larmes des femmes
(Roger Faindt)
Le Club des pantouflards
(Christian Cottet-Emard)
Une impériale imposture
(du Consulat au sacre)
(Joël van der Elst)
La Ferme de l'oubli
(Gilles Galliot)
Trois jours dans l'été
(Mémoires oubliées)

Pierre-Alain Mayol
L'Avion-musique
(Stéphane Boudy)

Opération grand véhicule
(Bernard Grandjean)

Visitations
(Claude Louis-Combet)

Cantilène et fables pour les yeux ronds
(Claude Louis-Combet)
Catacombes
(Virgile Magnin-Feysot)
Un autre que Moi
(Bernard Friot)
Public Enemy
(Jacky Schwartzmann)
Un Automne sur la colline
(Françoise Ascal)
La Carrière et L’Enfant
(Claude-Yves Bailly)

Le Fils de l'idole
(Arnaud Friedmann)

Blanc
(Claude Louis-Combet)

Ouvertures
(Claude Louis-Combet)

L'Heure canidée
(Claude Louis-Combet)

L'Homme qui tombe
(Daniel de Roulet)
La Spirale de Lug
(Jonas Lenn)

L'embardée
ou
Les Quartiers d'hiver

(Jean-Paul Goux)

Voix
(Benoît Deville)

Le Dieu errant
(Jacques Abeille et Corinne Desportes)
Castor Paradiso
(Mario Absentès)

Fabrique de Faulx
(Emmanuel Darley)

La Table de veille
(Françoise Ascal)

La Traversée de l'Europe par les forêts
(Alain Fleischer)

Les Unités perdues
(Henri Lefebvre)
Bouquet autrichien
(Sous la direction de Jeanne Benay)
Lenz
(Georg Büchner)

La Mélodie préférée
(Arnaud Friedmann)

Pris au piège
(Yves Ravey)
Le Silence
(Élisabeth Monnot)
Le Tapisseau Byzantin
(Christelle Ravey)

XOO le Primate
(Michel Louis)

Lettres de Paris
(Ezra Pound)

De couleur... mauve
(Christelle Ravey)

Chronique d'un Barbare
(Marie-Odile Goudet)

Le Silence des roses
(un été 1944)

(Roger Faindt)
Cigarettes littéraires
(Daniel Destarac)

Le Médecin de Lhassa
(Bernard Grandjean)

D'île et de mémoire
(Claude Louis-Combet)

Le Vrai Faux Carnet de Saddam Hussein
(chronique des derniers jours de liberté)
(Stéphane Babey)
Avant l'éclipse
(François Migeot)
Trois Figures du Malin
(Christian Cottet-Emard)
La Poursuite du Passé
(Didier Tarin)
Les Friches heureuses
(Olivier Bleys)
et
Au fil du fer
(Fabienne Pasquet)
Les Enfants de la Vouivre
(Michel Dodane)
Amer Chocolat
(Marie-Thérèse Boiteux)
Le Moine noir
(Anton Tchekhov)
La Chaîne cassée
(Marie-Thérèse Renaud)
Les Mémoires de Caramel
(José Gauderon)

L'Adieu aux abeilles
et autres nouvelles
(Alexandre Voisard)

Une étrange odeur d’absinthe
(André Besson)

Le Chemin au bord de la mer
(Arnaud Friedmann)

Le Faux Identique !
(Benoît Deville)

Trois Petites Histoires de jouets
(Philippe Claudel)
Passavant la Rochère
(William Cliff)
Aller d'amont
(Pascal Commère)

La Trace au Louis
( Marc Forestier)
Les Planches au Roi
(Marie-Thérèse Boiteux)

Au pied de la lettre
Louis Hémon, chroniqueur sportif
(Geneviève Chevrolet)

Petites Nuits
(André Blanchard)

Obsidio
Faerie Hackers
(Johan Héliot)

À la recherche de Rita Kemper
(Luna Satie)
Hiver Noir
(Benoît Coulon)
Érotique du mensonge
(Serge Filippini)
L'Arpentée
(Françoise Ascal)
Le Secret des limbes intercepté
(Patrick Beurard-Valdoye)
Raconte Grand-Mère
(Marie-Thérèse Renaud)
Du sang dans les yeux
(Claude-Louis Combet)
Gueule d’Amour
(André Beucler)
L’Étoile et La Croix
(Daniel Susterac)
Qu’ai-je fait au Bon Dieu pour autant plaire au Diable ?
(Mireille Noroy)
     

Après la forêt

Irène a 20 ans et vit à Paris avec son amante, Soho. Elle a quitté les Vosges, la grande forêt obscure où étouffait son adolescence et travaille à présent chez un fleuriste. Parmi ses clients réguliers, figure un dénommé Petronijevic, qui fera d'elle une maîtresse docile et comblée. L'univers d'Irène est dominé par les sens, les effluves de fleurs et de corps nombreux, le chaud et le froid, la présence des couleurs, la douceur ou le râpeux des joues. Elle donne son corps avec désir mais beaucoup plus mal les mots qui butent dans sa bouche. Elle bégaie. Ses mots sont définitivement gourds depuis les sentiers épineux d'une histoire familiale où l'on ne se comprenait pas et qui fut fatale à Isabelle, la soeur d'Irène. La parole est donc avant tout celle qui fut hurlée, entre un père buté et violent et une soeur frondeuse et blessée ; celle aussi qu'Irène devait taire pour protéger sa soeur. Isabelle un jour a claqué la porte, puis plus tard s'est noyée. Alors la vie d'Irène est devenue une vie avec la morte, un bout de vie et de mort mélangés, dans cet état de la lumière entre chiens et loups où le sexe nourrit ses plus belles promesses. Comme ballottée, Irène cherche des bras pour se protéger des murs. Et sent le monde pour ne pas avoir à le dire.

M'extraire de mes vêtements et de toutes les tabagies. Couler une eau fumante, m'y enfoncer jusqu'au cheveux. Flotter bouche ouverte brumisée dans des grincements de tuyauteries. Entendre des réveils, des pas pressés, des enfants jetés à 7 heures dans un emploi du temps. Toutes les fenêtres se couvrent de buée. Je m'assoupis dans la clepsydre.


Après la forêt est composé de brefs paragraphes d'une belle densité sensible, qui font rapidement alterner jusqu'à les confondre, moments passés et présents. Natalie Démoulin compose un personnage funambule, à la fois libre et en manque d'air, éthéré et lesté d'un poids terrible. Le sexe la conduit à un oubli de soi, velouté et fragile, tandis que le cadavre de l'histoire familiale remonte peu à peu à la surface narrative, dérangeant ce que le courant s'était appliqué à charrier et à mélanger de beautés.

Natalie Démoulin est né en 1968 à Besançon. Après la forêt est son premier livre.


Nathalie Démoulin
Éditions du Rouergue
Collection : la brune
Parution : février 2005
Diffusion/Distribution :
Actes Sud/Union Distribution
128 p. 9 €
I.S.B.N. : 2-84156-639-0

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Tais-toi !
mes enfants parlent !

L'héroïne de Tais-toi ! mes enfants parlent semblent aimer beaucoup les chiens et ne pas supporter les enfants... de son compagnon. Elle s'en plaint pendant les 142 pages que dure son livre, dialoguant à bâtons rompus avec la petite voix de sa conscience qui apporte ici la contradiction, le débat, le dialogue qu'elle ne parvient pas à avoir ni avec ses chiens (on s'en doute), les enfants de son compagnon (on s'en serait douté) et son compagnon lui-même. Car pour lui, pas question de recomposer un couple dont le territoire empièterait sur le domaine royal de sa progéniture. La prose d'Anne Grospiron joue avec les clichés des magazines féminins : coincée entre « la belledoche » acariâtre, la belle-soeur envahissante et raciste, deux petits démons qui ne respectent rien, elle hurle son Au secours, s'en remet à une psy qui la culpabilise un temps et décrit à grand renfort de dérision les soirées télés, les repas où on ne peut pas en placer une et la course sans merci (mais perdue d'avance) à la conservation de son territoire intime.

Anne Grospiron s'était faite remarquer en 1995 par un premier roman, L'Empyrée, paru dans la collection blanche de Gallimard. Elle est née en 1969 à Saint-Claude, dans le Jura.

 


Anne Grospiron
Éditions Aréopage
Adresse : 23, rue de la comédie
-- 39000 Lons-le-Saunier
Site Internet : http://www.areopage.info
Mél. : editions@areopage.info
Parution : mai 2005
142 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-908340-35-6

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Le Jeu du tigre et des antilopes

Betty Bloch est enseignant-chercheur à l'Institut de Tibetologie de l'Université de Calcutta. Spécialiste du Tibet littéraire et du Sanskrit, elle est amoureuse de ce pays annexé par la Chine et d'un agent des services secrets...chinois. Sorte de Tintin féminin, elle a aussi le don pour poser ses pieds au coeur d'intrigues que Bernard Grandjean invente pour mieux nous faire apprécier les cultures indiennes et tibétaines. Le Jeu du tigre et des antilopes nous mène sur la trace de trafiquants de shahtoosh, une étoffe beaucoup plus douce que le pashmina (et beaucoup, beaucoup plus chère) mais qui nécessite d'abattre la bête qui en est parée, l'antilope tibétaine. Derrière ce juteux et illicite marché, ou devant, comme on voudra, se profilent une secte et un gourou au regard perçant que la quête mystique ne rend pas indifférent aux charmes des jeunes occidentales. Pour des lecteurs lassés d'Agatha Christie ou curieux de Lhassa.

Bernard Grandjean est franc-comtois d'origine et vit aujourd'hui à Strasbourg. Le Jeu du tigre et des antilopes est la cinquième enquête de Betty Boch à paraître dans la collection Mystères et boule d'opium ; et son sixième roman aux Éditions Kailash. Voir également Le Médecin de Lhassa

 


Bernard Grandjean
Éditions Kailash
Parution : septembre 2005
Diffusion/Distribution :
Harmonia Mundi
228 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-84268-132-0

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La Petite Maison jaune

Roger Faindt est l'auteur de six romans édités par divers éditeurs franc-comtois comme Aréopage ou feu Marie-Noelle. Le précédent avait revêtu la couverture des éditions du Sekoya et sonnait parfaitement juste, nous en avions dit grand bien. Le Silence des roses, c'était son nom, qui redonnait vie à quelques jeunes résistants tués par les Allemands au moment de la Libération, restituait à merveille les sentiments confus, le poids des peurs, les grandes et les toutes petites histoires que tissaient ces temps obscurs. Son dernier livre est un recueil de nouvelles, « douze plus une », La Petite maison jaune, mise en avant peut-être parce qu'elle concentre les couleurs dominantes du livre, le manque et cette mélancolie particulière que fomentent les souvenirs heureux à certains moments de l'existence. Il est vrai que beaucoup de ces nouvelles mettent aux prises des gens avec une absence, et que deux ou trois textes risquent des incursions dans un avenir glacé où le lien et l'affection ont presque disparus.

Toutefois, on peut trouver Roger Faindt moins à l'aise dans le registre de la nouvelle que dans celui du roman, qui par sa durée, lui permet d'installer des personnages attachants et de révéler des personnalités plus complexes.

Roger Faindt est né en 1956 et vit à Besançon.


Roger Faindt
Les éditions du Sekoya
Parution : septembre 2005
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
84 p. 14,50 €
I.S.B.N : 2-84751-029-X

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Chronique américaine

Ces Chroniques américaines ne surprendront personne par leurs motifs, ceux-ci appartiennent aux souvenirs habituels du voyageur revenu du nouveau monde. Leur prose discrète épouse les langueurs des motels du middle-west ou se pose dans un retrait panoramique, quelques jours après les attentats du 11 septembre 2001, dans un loft branché de Brooklyn. On suivra l'auteur parmi la foule du marathon de New York et à Woodstock à la recherche du site du fameux concert de 1968. On se rendra avec lui aux abords du circuit d'Indianapolis où il adresse une lettre à Louis Chevrolet, compatriote jurassien venu grandir son rêve sur le sol américain. Dans la dernière « Chronique », Daniel de Roulet nous avouera qu'il aime contempler L'Helvétie, un bateau à aubes qui navigue sur le lac Léman mais que Helvétie fut aussi le nom d'un navire affrété par un de ses ancêtres et qui « convoya » 485 esclaves noirs d'Afrique aux Etats-Unis. On l'aura compris, Helvétie, comme États-Unis sont des noms qui recouvrent des beautés comme des ignominies. Si le livre n'abuse pas des allégories, une autre image au moins se prête à l'interprétation, elle concerne la fameuse « maison sur la cascade » conçue par l'architecte Franck Loyd Wright et dont la restauration a coûté soixante quinze fois plus cher que sa construction mais que chaque orage inonde. L'Amérique trompe ainsi son monde et ses millions ne suffisent pas à lui éviter de prendre l'eau. Mais il arrive que les policiers de l'Iowa paie le repas d'un étranger simplement parce qu'il est étranger. À travers ces portraits, ces brefs instants de partage, la question du bien ou du mal revient sans arrêt, comme revient le pittoresque avec des personnages haut en couleurs, tel ce violoniste hongrois, tenancier d'un bar perdu au bord de la mythique route 66. Le livre de Daniel de Roulet semble chercher à éprouver les clichés de l'Amérique, à substituer l'expérience au discours, et par delà, la littérature à la carte postale. Le livre est admirable. En se coltinant ce que l'on savait déjà trop ou dont la littérature et le cinéma avaient fini par nous lasser, il nous séduit, nous traverse, rappelant avec force ici, la puissance de la littérature.

Daniel de Roulet vit dans un village du Jura français depuis plusieurs années. Il est Suisse et a publié de nombreux livres aux thèmes et aux formes variées, tel Nationalité frontalière (Chroniques, éditions Metropolis), Malcolm X (Desmarets, 2004) ou L'homme qui tombe (roman, Éditions Buchet Chastel, 2005) pour ne citer que les derniers parus.


Daniel de Roulet
Éditions Metropolis
Site Internet : www.editionsmetropolis.com
Parution : avril 2005
136 p. 19 €
I.S.B.N. : 2-88340-154-3

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héroïnes

Disons-le tout de suite, ce livre est le meilleur de l'auteur, ce livre est remarquable. Il relègue un peu les précédents au rang de prototype, en un temps où dans ses éprouvettes, Christophe Fiat dosait ses « effets ritournelle ». Car c'est comme cela qu'il s'est fait connaître : en s'appropriant le concept « Deleuzien » de ritournelle, c'est-à-dire en faisant danser le texte autour d'un thème ou d'une redite (La Ritournelle, une anti-théorie, Éditions Léo Scheer, 2002). Mais d'autres éléments le caractérisent : sa guitare électrique qu'il utilise pour ses lectures et son goût pour une iconographie rock'n'roll, trash et comics. Les textes de Christophe Fiat ont presque toujours tourné autour de personnages empruntés à la mémoire populaire récente et anglo-saxonne : Batman, King Kong, l'actrice porno Laure Sinclair. Et aussi, il faut bien le dire, les textes de Christophe Fiat ont toujours tourné autour de la sexualité, d'une fascination pour les femmes qui ont joué avec leur image sexuelle. Alors, sur ce plan déjà, héroïnes est un aboutissement puisque le livre est constitué de cinq portraits, de cinq novellisations d'un film qui n'existe pas mais que tout le monde a visualisé un jour dans sa tête (comme on dit qu'un écrivain novellise un scénario télévisuel), de cinq portraits de femmes qui concentrent tout ce que Christophe Fiat peut aimer chez les femmes : Courtney Love, Sissi, Isadora Duncan, Wanda de Sacher-Masoch et Madame Mao.

héroïnes n'interroge pas l'histoire. Le livre subjective un peu la romance, c'est-à-dire l'empreinte que les vies laissent en n'étant plus et que recueillent aussi les magazines glamour. Si l'on excepte Courtney Love, qui tout de même n'arrive pas à la cheville des quatre autres (cela n'empêche pas que son portrait est, avec celui d'Isadora Duncan, le plus réussi du livre), si l'on excepte donc Courtney Love par laquelle Christophe Fiat commence pour ne pas commencer par Sissi (ce qui rappellerait trop Alain Decaux) toutes ont bousculé l'ordre masculin et toutes ont été suffisamment désirables et désireuses pour ne pas que l'ordre masculin ne les broie : ainsi Sissi, sans laquelle l'Empereur François-Joseph n'aurait pu séduire la Hongrie grondante ; Isadora Duncan qui dépensait pour son art révolutionnaire l'immense fortune de l'homme qui vendait des machines Singer au monde entier ; Wanda qui fut la première femme à ritualiser une domination féminine sur son mari ; et Madame Mao pour qui seul compte l'épanouissement personnel. Christophe Fiat raccourcit les vies et c'est ainsi qu'elles deviennent héroïques. La seule page 204 en dit beaucoup : Pendant six mois elle se lance dans deux directions : l'art et la vie (...) Mais le problème de Lan Ping (Madame Mao) c'est qu'elle n'est pas reconnue comme communiste comme ceux qui ont fait la Longue Marche. Le problème aussi c'est que Lan Ping n'est pas non plus admise comme intellectuelle capable de rédiger ou d'enseigner. Il faut donc qu'elle parte du bas de l'échelle et prouve qu'elle est une vraie idéaliste et une vraie révolutionnaire. Lan Ping a deux atouts qui sont 1. son style Shanghai et 2. son talent pour attirer l'attention des hommes. Elle est ainsi obligée de se replonger, comme à son arrivée à Shanghai, dans son rôle de jolie femme à forte personnalité. Une fois encore elle comprend que la femme Lan Ping est plus importante que l'actrice Lan Ping ou la communiste Lan Ping.
Lan Ping a décidément tout compris.

Christophe Fiat est né à Besançon et vit aujourd'hui à Paris. Héroïnes est son douzième livre. On peut aussi visiter les sites Internet : http://www.christophefiat.com et http://www.revuemi.com


Christophe Fiat
Éditions Al Dante
Parution : septembre 2005
Diffusion/Distribution : Vilo
216 p. 20 €
I.S.B.N. : 2-84761-092-8

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L'Écueil de nos jours

L'Écueil de nos jours désigne un moment péremptoire de l'existence que l'auteur décline ici sous huit expressions possibles dans autant de nouvelles. Moment de la sortie du coma et du retour à la vie traité avec humour dans L'éveil ; d'un changement radical de vie chez un jeune adulte dans Je hisserai la grand voile ; moment de rupture affective dans Brasilia et dans À tire-d'elle. Ultimes moments de vie d'une femme dans Le Dernier été et d'un enfant dans Souffle de mer. L'envie d'en finir dans Rimini-Sens et de se révolter une dernière fois dans La Maison de Pierre ; autant de bouts d'histoire restitués par la plume précise d'une jeune auteure qui parvient à ciseler chaque atmosphère avec une économie de moyens et une réussite égale.

L'Écueil de nos jours est le premier livre de Sylvie Parthenay.


Sylvie Parthenay
Éditions Le Manuscrit
Le Manuscrit.com
20, rue des Petits-Champs -- 75002 Paris
Site Internet : http://www.manuscrit.com
Parution : août 2005
136 p. 14,90 € (le livre), 7,45 € (en format PDF)
N° I.S.B.N. : 2 7481 4908 4

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Les Errances Drouon

Claude Louis-Combet est né en 1932 ; il vit à Besançon. Très peu de gens connaissent cet ermite de la littérature, dont la rumeur dit avec insistance qu'il restera parmi les grands écrivains de l'époque. Et c'est là, à Besançon, dans le plus grand retrait, avec la plus grande discrétion, qu'il a poursuivi pendant ces dernières années ce qu'il est possible d'appeler son grand-oeuvre, ciselant chaque mot, sculptant la phrase, arrachant du coeur de la matière ténébreuse une prose lumineuse, à la manière d'un grand maître anonyme du gothique flamboyant. Du plus profond de la chair pécheresse, de la matière opaque, surgit la promesse de Lumière : celle de la résurrection des corps. Et voici, au bout d'une longue et douloureuse gésine, miraculeusement, Les Errances Druon.

La légende de saint Druon remonte au XIIe siècle, précise Claude Louis-Combet. dans le texte de la 4e page de couverture, couleur café crème, de ce livre magnifique et dérangeant, paru chez Corti à la rentrée de septembre. Un livre de la rentrée littéraire donc, et pourtant totalement incongru, tant il défie toute catégorisation temporelle : livre insituable, non datable. Claude Louis-Combet, enfant, est bercé par les hagiographies, ces récits édifiants de vie de saints que l'Église va produire au long des siècles. Mais le temps de l'enfance va également être celui des expériences primordiales, des effrois premiers, qui vont fonder chez lui un imaginaire luxuriant.

Les Errances Druon se donnent donc en première approche comme l'histoire, bien documenté à partir des Petits Bollandistes, de la vie de ce saint médiéval du nord de la France. Mais très vite le récit se révèle être un voyage intérieur, où le " mythobiographe ", comme se définit lui-même le narrateur Claude Louis-Combet, offre une méditation profonde, violente, hallucinée parfois, lyrique aussi, sur la vie de l'esprit d'un homme d'aujourd'hui - pris entre le désir de l'impossible sainteté et celui de la chair, du plaisir érotique, tiraillé entre le rêve de pureté, l'idéal d'unité ontologique et la séduction de l'enfer, la fascination pour les maléfices du monde corporel. Fascination a quelque lien avec le latin fascinus qui, nous apprend Pascal Quignard dans Le Sexe et l'Effroi, désigne chez les Romains le sexe masculin.

Contrairement à Jean Genet qui choisit une fois pour toutes de se vouer au Mal et à ses multiples figures, Claude Louis-Combet reste en permanence dans la tension entre ces deux pôles : l'idéal de sainteté se trouvant pris dans l'éternel retour de fantasmes archaïques.

On retrouvera dans Les Errances Druon de très nombreuses filiations à la fois formelles et thématiques : bien sûr, la littérature du fantasme et de l'imaginaire - celle de Sade ou de Bataille, mais on perçoit aussi de fortes résonances avec la langue très pure des Sermons de Bossuet, ou bien encore les fulgurances baudelairiennes, ou bien enfin les éblouissements des tableaux de Jérôme Bosch. Mais - et c'est là la marque d'une grande oeuvre - c'est un texte unique, singulier et irréductible à toute catégorisation, que nous offre Claude Louis-Combet.

Certains lecteurs pourront éprouver un profond malaise face à la prégnance de certains fantasmes mis en voix par le mythobiographe - et leur lecture n'aura rien d'illégitime, même si la force de la langue, qui transfigure la réalité des choses désignées, évite une adhésivité trop forte et insoutenable à un univers psychique singulier.


Claude Louis-Combet
Éditions José Corti
Parution : septembre 2005
Diffusion/Distribution : Volumen
288 p. 19 €
I.S.B.N. :   2-7143-0904-6

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Les Raisons de Vivre

Commençant et s’achevant par L’Écrivain, ce parcours en lisière des Grandes Alpes passe par Paolo, par François et par Michel. Paolo est un enfant fragile dont la sensibilité est mise à l’épreuve lorsqu’il apprend que Bianca, la camarade dont il est tombé amoureux, est atteinte d’un mal incurable. François, quarante ans, n’est pas bien dans sa peau. Avant de se rendre à un rendez-vous d’embauche qui le sortira de l’ornière du chômage, il part faire une course en montagne qui avorte à cause du mauvais temps. Michel, guide de haute-montagne pré-retraité, décide, avant de raccrocher pitons et cordées, d’organiser une dernière sortie. Ils ont un point commun : la Dent Parrachée, un sommet mythique pour eux. Et un autre que vous découvrirez au bout de cette ascension en pointillés. Mélancolique, parfois gauche, mais avec, de temps à autre, sa petite musique.


Hervé Pierre
Éditions Gunten
Collection : Adelaïde
Adresse : 10, place Boyvin -- 39100 Dole
Site Internet : http://www.editionsgunten.com
Parution : septembre 2005
93 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914 211.36.8

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Mourir pour Wassereau

Auteur de La Blancheur du Lys (une fiction fondée sur les logiques échiquéennes parue chez le même éditeur), Christian Giboudeau propose à ses lecteurs, dans Mourir pour Wassereau, un enchaînement de tribulations qui donnent à la fois à sentir les racines chrétiennes des plateaux pontissaliens et les affres d’une possible résurrection de la « bête brune ». Dans une atmosphère parfois apparentée à celle des Maudits, des Aventuriers de l’Arche perdue ou de certains «J’ai lu», voici le lecteur lancé sur les pistes qui conduisent au «Nommo», le code et la carte secrets édictés par Himmler avant la chute du régime nazi et confiés au colonel Krügel qui en fit graver la reproduction sur un vitrail voué à la transmission de l’Esprit du IIIe Reich et à l’avènement d’un IVe. C’est compter sans Soeur Diane, Ivi et Mandana, les champions du Bien et en l’occurrence, nos protecteurs. Un bémol mais qui concerne le contenant : l’intitulé générique des Éditions du Batsberg tend à faire croire que ce livre fait partie d’une collection Polars régionaux tout en abusant du code visuel Mystic fantasy.

Christian Giboudeau est né à Dole en 1967, il travaille actuellement en Isère.


Christian Giboudeau
Editions du Bastberg
Collection : Polars régionaux
Parution : septembre 2005
Site Internet : www.bastberg.com
317 p. 12,50 €
ISBN - 2-84823-045-2

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Une femme entre parenthèses

Marie-Thérèse Renaud a publié à ce jour trois romans : Raconte grand-mère, chemin de vie, La Chaîne cassée et Une femme entre parenthèses. Trois fois, la figure dominante du livre est une femme ayant atteint un âge certain, celui qu'on dira des bilans ou des certitudes. Trois fois l'histoire l'amène à interroger l'attitude ou le destin de femmes beaucoup plus jeunes, petites-filles dans son premier livre, jeune femme retrouvée morte dans le second, terroristes en herbe dans son dernier. On touche là la corde maîtresse des livres, on sent avec force comment cet échange, ce double regard est ce qui tient lieu de moteur d'écriture. Il est à la fois dialogue inter-générationnel et paroles de femmes entre elles. Il induit un regard rétrospectif sur sa propre vie ; c'est sur cette corde que résonnent les livres de Marie-Thérèse Renaud.

Une femme entre parenthèses est l'histoire d'une séquestration un peu absurde, dans un hôtel de cure italien. Deux jeunes gens d'une grande naïveté politique veulent obliger un client allemand de l'hôtel travaillant pour les services secrets de son pays à intervenir pour la libération d'un jeune ami à eux, tombé de l'autre côté du Rhin, dans un coup de filet anti-islamiste. Florence Russelet est « l'autre » cliente de cet hôtel de cure, l'amante passagère de l'Allemand ; gardée elle aussi en otage, elle est chargée de convaincre son compagnon de circonstance de faire ce que lui demandent les jeunes gens.

Ce temps « entre parenthèses » sera pour Florence l'occasion de revisiter les moments importants de son passé, de s'interroger sur les histoires d'amour qui ont jalonné sa vie et de construire un dialogue difficile avec ses jeunes gardiens et complice avec la responsable de l'hôtel, femme de l'autre bord mais proche comme toujours chez l'auteur, parce que de la même génération.

Une sorte de syndrome de Stockholm mais à double sens clôt le livre sans que l'empathie générale ne permette pour autant d'éviter tout drame.

Marie-Thérèse Renaud
Les éditions du Sekoya
Parution : septembre 2005
Diffusion/Distribution :
Maison du Livre
de Franche-Comté
222 p. 19,50 €
I.S.B.N : 2-84751-035-4

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Le Valle di Paraso
(Mémoires oubliées I/III)

Un rêve hante Emilie Acquaviva, un rêve qu’elle veut exorciser en fuyant sur le continent avec son promis. Première marche d’une trilogie que l’éditeur qualifie de saga atypique au temps du Front populaire, de la guerre d’Algérie et des années Mitterrand, Valle di Paraso s’apparente à cette pratique sexuelle, aux limites de la torture, où l’un des partenaires étouffe l’autre avec un foulard, afin qu’Éros et Thanatos s’épousent à l’orée de la petite mort et du grand passage. Car c’est d’asphyxie qu’il s’agit dans cette tragédie ; et Émilie Acquaviva - la fille d’un «Don» terrien et «padrone» des âmes de son clan, n’en réchappe que trahie et pantelante, par une voie aussi tortueuse que les sentes qui se faufilent dans le maquis corse. Mais plutôt que de Corse, ne serait-ce point de Grèce antique qu’il s’agit ? Et d’un monde que le grand Sigmund n’eût point désavoué, tant il est question - dans Valle di Paraso - entre père total, mère disparue, frère inverti et sœur en recherche, de briser l’éternel recommencement de la faute. Un (premier) roman fort, âpre, tout en nage et de poussière ; que la fatalité de l’enfermement et du désir infeste en silence.

 

Pierre-Marie Mayol
Éditions Gunten
Adresse : 10, place Boyvin -- 39100 Dole
Site Internet : http://www.editionsgunten.com
Parution : juin 2005
296 p 20 €
I.S.B.N. : 2-914211-33-3

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Les Étonnantes aventures administratives de Marinette Poussin

Comment être Persan dans l’administration en 2005 ? Candide en rond-de-cuir. Le Sapeur Camembert dans le tertiaire. Les aventures administratives de cette jeune femme passionnée par son travail sont édifiantes. Marinette Poussin (Amélie Poulain ? Marinette Pichon ?) fait partie de ses jeunes cadres allègres qui donnent le meilleur d’eux-mêmes où qu’ils soient. Après avoir puisé les secrets de son métier auprès de fonctionnaires en chefs successifs, elle se met à dos ses col-lègues, prête le flanc aux critiques d’un ambitieux manipulateur, et mérite une promotion au bout de l’Empire. De là naît une furieuse envie de voyager et de s’initier aux mystères de la géopolitique. Une excursion dans un monde parallèle aux noms de fantaisie qui séduit dans sa première partie ; même si le miroir politique de le seconde partie est parfois sans tain. De l’humour et de la malice. Du badinage à la langue de fiel. Distrayant quoique (secrètement) néo-libéral. Spécial collègues de bureau pour les fêtes.

Claire Marick
Les éditions du Sekoya
Collection : Graine d'auteur
Parution : septembre 2005
Diffusion/Distribution :
Maison du Livre de Franche-Comté
192 p. 14,50 €
I.S.B.N : 2-84751-034-6

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L'endormi

Impression de malaise après lecture. Neaj - osons dire Jean ? - a perdu la mémoire. A-t-il forcé sur l’alcool ? Est-ce plus grave ? Les phrases sont brèves. Le tempo cadencé. Neaj se perd. Rencontre. Assassine toutes les femmes qu’il croise. Entre-temps, oublie ses actes. Pas de philosopher. Neaj est un serial killer qui pense. Maintenant on comprend. La faute à Dieu. La faute au temps qui passe et qu’il tue. Impression de nausée mal perçue. De mauvaise digestion du Mal et de ses remugles. Parfois en caractères gras, comme si l’on ne comprenait pas. Le texte est publié par Manuscrit.com.

Benoît Deville
Éditions Le Manuscrit
Le Manuscrit.com
20, rue des Petits-Champs -- 75002 Paris
Site Internet : http://www.manuscrit.com
Parution : août 2005
136 p. 14,90 € (le livre), 7,45 € (en format PDF)
N° I.S.B.N. : 2 7481 5135 6

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Le Coup de bambou

Édité avec difficulté, ce témoignage sur la Guerre d'Indochine -- tout comme son auteur -- revient de loin. C'est un livre étonnant, autant le dire tout de suite. On sait le danger des livres de témoignages sur la guerre. Entre les flambeaux pacifistes (À l'Ouest, rien de nouveau de E.M. Remarque. Ou Death of a Hero de R. Aldington) et les épopées aux relents bellicistes ou romantiques, il n'y a guère de place pour la modestie éclatante des histoires vécues. De ce point de vue et à notre avis, Le Coup de bambou touche au coeur de la cible. Parce qu'il est né d'une incroyable aventure humaine. Parce qu'il est d'une pudeur et d'une ironie étonnantes par rapport aux enjeux. Parce qu'il démontre que son auteur, les mains couvertes de boue et de sang, a su s'ouvrir à ce qui se passait au jour le jour, se nourrir de mille connaissances (la faune, la flore, les peuples, les parlers et les croyances) et surtout, avec le temps, demeurer inflexible face à l'histoire, même si elle a été ravalée par les Etats-Majors ou par les historiens de la nouvelle république démocratique Viêtnamienne. Car entre le moment presque naîf où un soldat de 20 ans (déjà héros de la Résistance) et son copain quittent leur campement marocain pour rejoindre les bambous humides des confins de la Chine et du Tonkin et celui où le sergent-chef Duboeuf sort par miracle des camps de rééducation et du bagne d'Hô-Chi-Minh, il nous amène à vivre un quotidien hallucinant qu'il a la force de ne pas interpréter pour nous et qu'il parvient à nous raconter sans pour autant rester neutre devant l'horreur et l'imbécillité, le courage et la folie. Loin des banalités racoleuses de ces films où les journalistes s'encanaillent avec les espions dans les palaces d'Hanoï ou des massacres dans la jungle, il nous plante dans la Baie d'Along le jour où les armées de Tchang-Kai-Tchek passent la frontière chassés par l'Armée rouge de Mao, il nous boucle dans la fabuleuse cité de Cao-Bang assiégée, il nous jette avec ses hommes dans la fange et dans les marais. Et il nous prend par la main pour nous montrer ce qu'a été le destin de centaines de pauvres Français abandonnés par leurs officiers supérieurs et par les politiques, totalement inconscients des manipulations russes, chinoises ou américaines qui réduisaient leurs espoirs de survie à néant. Un livre émouvant. Bien plus : salutaire. Même si l'auteur se perd un peu dans le foisonnement de ces notes. Même si l'auteur aurait pu, peut-être, faire avec moins de ces lieux-communs dont les hommes qui vont mourir ont probablement besoin mais que la lecture supporte mal : Regards de tristesse de ceux qui vont mourir dans la fleur de l'âge et se savent condamnés, regards implorants une parole réconfortante que je n'ai pas le temps de leur dire, regards voulant passer un dernier message à un être cher par mon intermédiaire, regards quémandant un peu d'eau que je n'ai pas, regards cherchant un dernier espoir, regards de jeunes de vingt ans fauchés très loin, trop loin de leur pays natal. (p.170). Mais aussi : (..) du Gu, dont le bois fraîchement coupé prend une teinte jaune moirée qui se transforme en un magnifique rouge brun qui capte la lumière ; du Lim, ou bois de fer, servant à fabriquer les charpente ; du Soam ou Lilas du Japon au feuillage si léger... (p.176). Et p. 182 : Comment cela, catholiques ? ; -- Nous avons tous été instruits par les Pères, et un jour, les élèves sont devenus aussi instruits que les maîtres, mais hélas ! ils ne trouvaient que du travail subalterne. Alors il fallait que ça change !

Régis Duboeuf -- Chevalier de la Légion d'Honneur, Médaillé Militaire et Croix de Guerre -- vit à Dole, dans le Jura.
Les Éditions Bénévent pratiquent le compte d'auteur.

Régis Dubœuf
Editions Bénévent
Site Internet :
www.editions-benevent.com
239 p. 21 €
I.S.B.N. : 2-848711.456.5

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Les Figurants

Les Figurants est la chronique d'un homme aux prises avec les bris coupants d'une adolescence tardive, le célibat, le voyage, la précarité professionnelle choisie ou subie comme une fausse preuve de sa liberté d'adulte. Le narrateur n'ignore rien de ses impasses. Il possède même toute une théorie sur les erreurs d'aiguillage que lui et pas mal de ses congénères subissent dans le début de ligne droite que constitue la trentaine, après les faciles virages des premières années de l'âge adulte. Ainsi, concernant le thème éminemment central de sa relation avec les femmes, il bute sur les pièges de la période d'essai, et empile les « C.D.D amoureux », n'accédant jamais à ce qu'il nomme « le temps de l'élaboration » : phase nécessaire, selon lui, pour qu'une relation devienne stable et qui coïncide sans doute avec la période de la complicité sexuelle sans la lassitude, des sorties de douche sans rentrer le ventre et des copains qu'on voit moins sans s'en rendre compte. Convié comme il le dit avec humour par le « Ministère des affects », à comprendre les caractères furtifs et versatiles de la relation amoureuse contemporaine, il met en avant une corrélation entre précarité professionnelle et amoureuse, petits boulots et petites relations, puis des mécanismes plus complexes tel que la coïncidence jamais atteinte, qu'il développe entre l'ombre cafardeuse de Houellebecq et la finesse combative de Bernard Stiegler. La petite tristesse qui court le long de ce livre vient du sentiment que le rôle est écrit, qu'il n'y a rien à inventer et que nous sommes nombreux à prêter notre carcasse désirante aux seconds plans du grand scénario planétaire. L'humour, quant à lui, tient sans doute au fait que sans la gêne existentielle, il n'y aurait pas de plaisir. Car le narrateur a beau partager la névrose de la boule de flipper, promise à sa chute finale et ballottée au gré des bumpers, il trouve un certain plaisir à rebondir de femmes en femmes (Mélanie, Marion et celle qu'il nomme L'écureuil) ou sur des projets conviviaux (comme ouvrir avec deux copains une boutique de restauration rapide qui s'appellerait « Croque la vie »).

Il s'agit là du troisième roman de l'auteur, professeur de philosophie et nomade, dont les attaches se situent du côté de Bordeaux. Et il nous tarde de lire ses prochains livres, car Stéphane Boudy est un écrivain qu'on est curieux de regarder vieillir. À la manière de quelques héros anciens de littérature jeunesse, qui passait de roman en roman du jeu de bille aux grands émois amoureux, on souhaite le voir se coltiner les grandes questions des âges à venir : la paternité, la crise du milieu de la vie, le démon de midi, la cinquantaine, la retraite, le départ des enfants de la maison familiale. Ça devrait aider pas mal de gens.

Stéphane Boudy
Éditions Gunten
Collection : Adélaïde
Adresse : 10, place Boyvin -- 39100 Dole
Site Internet : http://www.editionsgunten.com
Parution : septembre 2005
118 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211.29.5


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Un amour de guerre
(correspondance intime
1915-1916)

Constant et sa femme Gabrielle s'écrivent chaque jour. Nous sommes en 1915. Lui est confiné dans des tranchées, du côté de l'Alsace. Elle, gère son petit commerce dans un village du Jura. Le livre reprend intégralement leur abondante correspondance. Constant délaisse les réconforts matériels qu'elle lui propose et avoue au fil des lettres, supporter de plus en plus difficilement la frustration sexuelle. Elle lui répond avec beaucoup de tendresse, lui propose de s'accommoder « d'une femme propre, sans sentiment » ou lui prodigue les conseils pour se soulager tout seul. Un jeu érotique s'installe qui se fiche des indiscrétions de la hiérarchie militaire ; leurs sexes qu'ils nomment avec complicité Lulu et Lulette dévoilent de plus en plus leurs ardeurs. Lui veut lui réserver toute sa semence, elle s'inquiète des irritations que pourrait causer « à Lulu » trop de chatouillements.

Une correspondance sans grande qualité littéraire mais qui touche par cette détresse érotique, et l'amour qui lie les deux êtres. Par la dernière lettre, bien sûr, tant redoutée, et qui annonce la mort de Constant.

Lettres réunies par
Martine Bazennerye
Éditions Le Manuscrit
Le Manuscrit.com
Collection : lettres retrouvées
Adresse : 20, rue des Petits-Champs
-- 75002 Paris
Site Internet : http://www.manuscrit.com
Parution : août 2005
290 p. 21,90 € (le livre), 7,90 € (en format PDF)
I.S.B.N. : 2-7481-6204-8


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Chant de notre Rhône

J'aurais voulu que mes personnages fussent suffisamment humains pour être parfaitement accessibles aux autres hommes, d'où qu'ils proviennent. J'aurais voulu réconcilier la région et l'univers, le particulier et le général, appuyé fortement sur un coin de pays, mais tâchant de le déborder par l'ampleur des sentiments qui y trouvent naissance, et qui le dépassent pourtant jusqu'à rejoindre par delà les frontières de mêmes sentiments nés d'ailleurs, mais analogues à leur sommet (si j'ose dire), car il y a quand même une communauté humaine.

Cette citation extraite d'une lettre de C.F. Ramuz aurait pu illustrer toute l'oeuvre de l'écrivain vaudois, né en 1878 et mort en 1947. Ce mouvement des sentiments « par delà les frontières », trouve en le fleuve un vecteur exemplaire, lien fluide qui lie aux lointains riverains comme aux ascendants et à leur culture. Le vin et les vignes, si souvent présents chez Ramuz, parlent de cette identité. Ils imbibent le corps de l'homme avec les parfums de la terre. L'eau qui court et le vin que l'on boit autorisent l'immobilité car ils sont nos voyages possibles et nos voyages en dedans. Le fleuve et le vin sont un lien. Le fleuve est comme le texte. Tout deux finissent par évoquer l'amour, puisque le fleuve du texte a drainé les sentiments les plus hauts dans la profondeur de soi. Cela est dit admirablement par Ramuz ; admirablement (comme toujours) par Claude Louis-Combet qui signe ici une postface de la même qualité que n'importe lequel de ses textes plus personnels.

On est vite charmé par cette prose dont les propositions répétitives jouent une mélodie d'une étrange modernité, sur des motifs surannés, sur un paysage disparu. Le tout dégage un humanisme humble qu'il n'est plus du tout donné de lire et dont on accepte facilement les douceurs jamais niaises.

C.F. Ramuz
Postface Claude Louis-Combet
Éditions Les Amis de Ramuz
Adresse :
université François Rabelais
Secrétariat de littérature comparée — 37000 Tours
Parution : août 2005
50 p. 14 €


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Le Mât du ciel

Daniel Leroux fait le portrait d'un homme silencieux. Il s'agit d'un cas embarrassant pour la société des hommes. Florent Costel ne sut jamais ni lire, ni écrire. Il fut classé dans la catégorie des simples d'esprit inoffensifs, et plus personne ne parla de lui. L'homme a pour lui sa beauté et le fait de vivre dans un monde rural. Il devient commis dans une ferme, s'avère être un excellent travailleur. Daniel Leroux, responsable de la maison d'édition L'Atelier du grand Tétras, suit ce destin entêté à ne rien vouloir, dans les diverses fermes où il vécut et travailla. La littérature a produit une grande famille de taiseux. Le Bartleby de Melville travaille dans un bureau et suggère la révolte. Le Meursault de Camus tue et provoque la haine. Cet enfant différent, rustre, campagnard, ne produit aucune violence et ne veille pas particulièrement à sa tranquillité. Il existe dans les failles du temps. Il est calme, muet parmi les autres et induit par sa seule présence une clarté ; il semble être porté par une ineffable croyance dans un revers du monde, constitué de silence et de lumière insensée. Pour cette raison, il est possible de faire de Florent Costel une figure christique tant il suggère l'amour, une véritable foi dans le devenir. Les femmes qui vivront sous le même toit que lui puiseront dans la fixité de ses regards un apaisement, parfois une force indestructible et nouvelle.

On pourra voir Florent Caostel comme un être de résistance, dont l'absence de volonté ne laisse aucune prise aux réalités. Une sorte d'espoir de voir un monde résister à la machine de la modernité. Un monde disparu auquel on sait l'auteur très attaché.

Daniel Leroux
Éditions L'Atelier du grand tétras
Adresse : Au-dessus du village -- 25210 Mont-de-Laval
Parution : octobre 2005
176 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-911648-15-3


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Les Parallèles de Riemann

Un amas de secrets familiaux, dense et froid comme un noeud de vipères, sert d'architecture à ce court roman où s'entremêlent les narrations des différents protagonistes. On écoute d'abord la voix de l'enfant enfermé, proscrit, dont le nom n'apparaît pas tout de suite. Celui du père à jamais meurtri par la mort de sa fille et de la mère, qui aimera ses enfants envers et contre tout. On découvrira au fil des pages, Jacques, l'autre fils et sa femme Jeanne. Les histoires intimes vont peu à peu se télescoper comme se télescoperont drames passés et présents ; à croire que les campagnes cachent toujours des cadavres et que certains destins sont vraiment maudits.

Un premier livre publié, par un auteur alsacien d'une quarantaine d'années, plutôt bien écrit et agréable, et qui enrichit une collection d'un niveau très honorable aux côtés des livres de Stéphane Boudy (Les Figurants) et de Marie-Odile Goudet (Chronique d'un Barbare) pour ne citer que ceux que nous avons déjà lus et plutôt appréciés.

Simon Kuntz
Éditions Gunten
Collection : Adelaïde
Parution : janvier 2006
Diffusion/Distribution : Alpro
148 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-42-2


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Dictionnaire Zéro

Nés en 1977, les auteurs ont fondé le groupe Zéro en 2003. Ce livre est leur première publication, le fruit organisé, sous la forme d’un glossaire, de leurs investigations lexicales et conceptuelles. Ce qui suit peut s’assimiler à un vide-grenier, assurent Nicolas Boissier et Grégory Noirot en préambule : Ce qui suit pourrait également servir de Manifeste (...) à notre groupuscule, le groupe Zéro, dont l’ambition (outre le décodage de tous les points G. de la croûte terrestre) est la capture éphémère du point de l’esprit traqué entre autres par les surréalistes (...). Faute de liens inter ou hypertexte (c’est bien dommage), cela ne fonctionne pas à tous les coups et l’on tombe parfois dans le calembourbeux... : barysphère : n’a rien à voir avec le barissement des éléphants. Ce qui n’est pas le cas pour trouvaille dont les Zéros écrivent : Imaginez une découverte dont la croissance aurait été stoppée privativement. Amusant ou agaçant, astucieux ou surprenant, à goûter peu ou prou. Comme un vide-grenier, les poches vides.

Le Groupe Zéro est né à Dijon au début des années 2000.

Nicolas Boissier
Grégory Noirot
Éditions Melville
Diffusion/Distribution : Fédération-Diffusion/U.D.
148 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-915341-32-X


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Je meurs comme un pays

Retraduction répondant au désir de l’auteur d’un texte datant de 1978, ce petit livre édité par les Solitaires Intempestifs est d’après son traducteur, Michel Volkovitch, une oeuvre sombre (qu’une certaine perfection au fond de l’abîme fait briller «comme un diamant noir»), osmose politique, onirique et hyper-réaliste d’un homme-enfant et de son pays massacré par les funestes Colonels. Je meurs comme un pays est une longue plainte jonchée de cadavres et de fantômes, de femmes violées et d’enfants détruits. Comme le déploiement inexorable d’une horreur sourde, indélébile. Beaucoup devinrent fous. Beaucoup sombrèrent dans une langueur incurable, qui les fait se traîner comme des âmes démantibulées entre les chars d’assaut rouillés et les tentes aux munitions inexistantes. Terrifiant. Car l’occupation dura des siècles. Ne dure-t-elle pas encore, et presque toujours, un peu partout dans le monde ?

Dimìtris Dimitriàdis
Traduit du grec par Michel Volkovitch
Éditions Les Solitaires Intempestifs  
Adresse : Château de la Bouloie, 1, chemin de Pirey
-- 25000 Besançon
Site Internet : www.solitairesintempestifs.com
Parution : septembre 2005
46 p. 7 €

I.S.B.N. : 2-84681-097-4


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Voyage en Abyssinie
(un aventurier français au royaume de Choa :
1842-1843)


Ce livre est étonnant. Réédition d’un livre paru à l’âge d’or de la littérature d’exploration et de l’orientalisme, Voyage en Abyssinie est le carnet de voyage, ma foi fort littéraire, de Charles François Xavier Rochet, dit Rocher d’Héricourt où il narre les tribulations d’un aventurier français au royaume de Choa, autrement dit dans la fameuse Corne d’Or de l’Afrique. Et l’on peut citer l’avant-propos en guise de mignardise : L’esprit chevaleresque, et la générosité de Rochet rend son personnage attachant. Réaliste, intrépide, l’auteur n’en oublie pas pour autant de chasser tout préjugé à propos des populations dont il partage le quotidien. Écho du monde de Lawrence d’Arabie ou des voyages commerciaux d’Arthur Rimbaud, ce récit ferait bien d’intéresser les fans de Rallye Raid ou de Dakar. Histoire de leur rappeler ce qu’était l’aventure, la vraie, faite de bravoure et d’intelligence, entre mission diplomatique et expédition exploratoire.

Rochet d'Héricourt
Éditions La Lanterne magique
Adresse : 38 B, rue Narcisse Lanchy -- 25000 Besançon
Parution : 2 ème trimestre 2005
190 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-916180-00-1


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Anything for John
(exercices d'admiration :
John Cassavetes -
Robert Bresson -
Robert Guédiguian - Mademoiselle Julie)

Quatre suites de petites proses dans l’univers des cinéastes Cassavetes et Guédiguian, du film Pickpocket de Robert Bresson et autour du personnage et des interprètes historiques de Mademoiselle Julie.

Christophe Fourvel
Éditions La Dragonne
Parution : octobre 2005
Diffusion/Distribution : la Dragonne/Les Belles Lettres
70 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-913465-39-0


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Le Rêveur d'Ettueffont

Pour Bachelard, Qui nous dira tous les chants de l'enclume... L'enclume ! Un des plus beaux mots de la langue française. Bien qu'il donne un son sourd, ce mot n'en finit pas de sonner. Pour le poète Emile Verhaeren, le moindre bruit était une torture, le moindre son frappa à sa tête comme un coup de marteau.

L'enfant d'Ettuefont regarde dans la forge son père travailler. Lui ne veut pas maîtriser le feu. Il aime les feux follets, les zébrure violentes du ciel. Il aime sortir dès que l'orage gronde, le désir électrisé par le ciel tumultueux. Sylvie Doizelet le rappelle, les dieux de l'orage et ceux de la forge sont les mêmes, il ne faut pas l'oublier. L'auteur dresse trois tableaux des âges de la vie. Peu à peu l'enfant de l'orage grandit et frappe le fer à son tour ; il n'est pas déçu. Il trouve dans les couleurs du métal de quoi nourrir sa rêverie. Mais l'orage qu'il aimait, c'était aussi l'eau, l'union de l'eau et du feu dans une liberté violente. Oui, c'est l'éclair libre qu'il chérira, à la fin de sa vie, quand il aura à son tour rendu les outils.

Le portrait imaginaire d'un homme, dans les trois moments essentiels de sa vie est une évocation, dans ce livre de commande, des forges d'Etueffont.

Le Rêveur d'Etueffont appartient à la collection Suites de sites, initiée par le Centre Régional du Livre de Franche-Comté et le Musée des Techniques et Cultures Comtoises. Onze ouvrages, à ce jour, portent ainsi le regard d'écrivains sur d'anciens sites industriels de la région. Paraît simultanément : À L'heure ! par Olivier Bleys.

De Sylvie Doizelet, nous nous souvenons notamment du très beau portrait de l'écrivain américain Sylvia Plath (La Terre des morts est lointaine, 1996) paru dans la collection L'un et l'autre des éditions Gallimard. Elle est l'auteur d'une douzaine d'autres ouvrages et de plusieurs traductions. Elle vit aujourd'hui une partie de l'année à Arbois.

 

Sylvie Doizelet
Éditions Virgile
Collection : Suite de Sites
Parution : 4 ème trimestre 2005
Diffusion/Distribution :
Les Belles Lettres
52 p. 10 €
I.S.B.N. : 2-9144481-38-1


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Cher Petit
(Lettre d'une maman à son fils sur le front en 1940)

Un destin coupé net par la deuxième guerre mondiale. Le père était mort à la guerre précédente, la mère écrit des lettres qui lui reviennent. L'horreur ordinaire du vingtième siècle, dans ce court roman qui s'attache à suivre la vie de quelques soldats, de leur enrôlement pour le service militaire jusqu'à la mort d'un des leurs.

Alain Jacquot-Boileau et
Paul Tubert
Les Éditions de Franche-Comté
Adresse : 31, rue Jean Jaurès -- 70000 Vesoul
Mél. :
franchecomte.edition@wanadoo.fr

Site Internet :
www.fc-edition.com

Parution : 4ème trimestre 2005
126 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-915402-56-6


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De l'amour à la mort
(passion, souffrance et liberté)
Histoires de femmes sous l'Ancien Régime

Un livre qui rappelle en dix tableaux, si besoin en était, l'incroyable amas de cadavres de femmes sur lequel notre histoire s'est construite ; des destins broyés sous la force de l'effroyable étau religieux qui enserrait les êtres et la société. On perçoit là un rêve criminel qui perdura des siècles, celui d'une pureté du corps, des sentiments, où l'humain, au fond, était rejeté sous la responsabilité de Satan. Dix femmes sont donc « chargées » ici, par Brigitte Rochalandet, d'illustrer souvent par leur sang, l'obscurantisme qui fit loi.

La première histoire est celle d'une femme qui accouche seule et tue son enfant. Elle sera pendue. Le père était un homme dont elle ne connaissait pas le nom, mort sur les routes après lui avoir fait l'amour une unique fois.

La deuxième est l'histoire d'une jeune fille de douze ans violée par un charbonnier et qui restera muette, après ce traumatisme, jusqu'à la mort étrange de ce dernier.

La troisième femme est accusée de sorcellerie parce que sa mère qu'elle n'a presque pas connue, l'a été avant elle. Elle subira la torture trois jours durant.

La quatrième est une « mal faite », elle ne peut être pénétrée par son mari, qui, après plusieurs tentatives, renonce malgré l'amour qui les unit. Sous la pression sociale, elle choisira le suicide.

La cinquième histoire évoque l'abomination dont sont victimes les protestants avant l'Édit de Nantes et le courage d'une jeune fille élevée dans la piété catholique.

La sixième est l'histoire d'un couple de tailleurs saphiques.

La septième est l'histoire d'un couple adultère uni dans la passion des livres.

La huitième est l'histoire et le combat d'une femme enfermée de force dans un couvent à l'âge de seize ans.

La neuvième raconte l'histoire d'une jeune fille de famille pauvre qui travaille dans une saline, jusqu'à ce que les difficultés de sa famille la conduisent au vol et à la contrebande.

La dixième raconte l'histoire d'une autre jeune fille, boiteuse, élevée par son père et qui voudrait entrer au couvent alors que ce dernier souhaite un mariage d'intérêt.

Chaque nouvelle est précédée d'une mise en perspective historique de la question traitée.

Brigitte Rochalandet est l'auteur de huit livres ayant tous traits aux femmes et/ou à la Franche-Comté. Citons ici : Destins de femmes en Franche-Comté, XVI-XVIIIème siècles (Éditions Cêtre, 2005) Les Maisons closes autrefois (Éditions Minerva, 1998) Franche-Comté mystérieuse (Éditions Cêtre, 2001) et Monstres et merveilles en Franche-Comté (Cabédita, 2003).

Brigitte Rochelandet
Éditions Cêtre
Collection : Cêtre poche
Site Internet : http://www.editions-cetre.com
Parution : février 2006
Diffusion/Distribution :
Maison du Livre de Franche-Comté
380 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-87823-156-2


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Les Dieux sont servis

Au commencement était le verbe haut : il s'agit d'une dispute conjugale. David voudrait un enfant mais Justine répond sèchement qu'il ne doit pas y compter. Les mots disent ce que l'on pense, ce que l'on croit penser et notre humeur du moment. Ce cocktail n'est pas toujours facile à interpréter. David comprend à ce moment-là qu'il lui faut partir. Se séparer de Justine, tellement égocentrique qu'elle a étouffé en elle tout instinct maternel. Il claque la porte, se fait renverser par une voiture et meurt.

Les Dieux sont servis
est un roman qui joue donc à partir du pire. Justine subit la vilaine ironie du sort qui a donné pour conséquence à sa dispute ordinaire, un drame irrémédiable. S'en suivra une suite très sombre, une escapade dans la folie, une escalade qui se voudrait salvatrice mais qui ripe, elle aussi, sur les plaques malencontreuses du destin.

Nicole Tourneur peint une atmosphère gris foncé sur laquelle sont projetées des zébrures d'humour et des clartés fugaces. Le lecteur touche du doigt un comique de l'absurde, prend quelques bols d'air en montagne. Il surnage dans le malheur des autres et arrive facilement au terme des 158 pages de ce quatrième livre de l'auteur paru chez Gunten après Les Fenêtres, Laurie ou le souffle du papillon et Passé compliqué.

Nicole Tourneur
Éditions Gunten
Collection : Adélaïde
Site Internet : www.editionsgunten.com
Parution : janvier 2006
Diffusion/Distribution : Gunten/Alpro
160 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-43-0


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Vilaines Romances

L'éditeur dolois La Clef d'argent n'avait plus donné signe de vie depuis quelques années. Le financement d'une telle entreprise, la difficulté à trouver des textes de qualité empruntant au fantastique populaire du début du XXe (car ainsi se définit la ligne éditoriale) expliquent probablement ce long silence. Parmi ses publications, (la revue Codex Atlanticus, des essais ou écrits historiques concernant des figures tutélaires comme Lovecraft par exemple), La Clef d'argent avait permis la naissance de héros qui, sous la plume d'un ou de plusieurs auteurs, revenaient irrégulièrement s'afficher en librairie. Il s'agissait d'une part de Coolter et Quincampoix inspecteurs rattachés à « l'Institut d'Ethnocosmologie Appliquée de Dole » (six volumes leur ont été consacrés) et d'autre part, du Club Diogène, huit personnages en quête de hauteur mais en panne d'enquête après une première aventure, paru en 2003, sous la plume de Stéphane Mouret et de Jérôme Sorre et sous le titre Chef d'oeuvre. Ce sont ces derniers qui font leur réapparition aujourd'hui. Les revoilà au complet ou presque, sur les pas d'une prostituée fantôme, capable de se volatiliser au pire moment pour le client, emportant sa seule bourse d'argent.

Fantastique populaire du début du XXe : au regard de ces ouvrages, cela semble signifier un goût pour le mystère et l'irrationnel mais également pour l'éloquence, le pavé pluvieux, les hôtels borgnes et l'élégance décatie.

Ceux qui voudront en savoir plus se rendront sur le site de l'éditeur.

 

Stéphane Mouret & Jérôme Sorre
La Clef d'argent
Collection : Le Club Diogène
adresse : 22, avenue Georges Pompidou -- 39100 Dole
Site Internet : www.clef-argent.org
142 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-908254-47-6


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Une petite vie marocaine

Une petite vie marocaine désigne celle d'un policier de Casablanca qui, suite à un coup d'état ayant renversé le roi du Maroc, est appelé à s'expliquer devant un tribunal. Le livre est un long monologue entrecoupé des suspensions d'audience ou des pauses que prend le narrateur pour se désaltérer. Car celui-ci connaît la valeur de l'eau et prend son temps pour boire. Enfant pauvre de la campagne, analphabète, il torture sans état d'âme, mais sait jouir d'un parfum de jasmin ou de la beauté calme d'une nuit étoilée. Son soliloque est émaillé de digressions sur ses origines, à la lumière desquelles il observe le monde et trouve du sens à son petit destin, car vu du ciel, comme lui disait son père, il a bien conscience de n'être pas plus qu'une fourmi. Policier par nécessité et par ce souci de l'ordre, car pour lui, l'ordre est fondamental et qu'importe ceux qui l'imposent, il reste aux yeux de ses collègues citadins, un « bouseux » ; la dichotomie ville-campagne définit à ses yeux la société marocaine bien mieux que les clivages politiques ou économiques. Il torture mais reste un exclu, à la fois victime d'une hiérarchie lettrée et citadine mais aussi dépositaire d'un savoir ou « d'une sagesse » qu'il doit à son expérience fondatrice, originelle, de l'extrême pauvreté et de la vie à la campagne. Le narrateur a grandi avec le sentiment de n'être pas plus qu'une fourmi et cela l'a rendu humble, mais a aussi rendu tragiquement dérisoires à ses yeux, les actes sanguinaires qu'il a commis. La dernière partie du livre raconte l'incarcération et la torture d'un prisonnier politique de la plus grande importance et dont la ruralité éclairée, instruite, le mutisme charismatique hypnotisent véritablement le policier. Ce sont d'ailleurs les propos recueillis par le narrateur auprès du prisonnier, où plutôt la surinterprétation grotesque qui sera faite naïvement par sa hiérarchie de ses prétendus aveux qui conduira aux émeutes et à la fin du régime. On perçoit là toute la force et toute l'ambiguïté de la langue puisque si le prisonnier humanise à merveille son tortionnaire, il provoque en même temps une sorte d'adoration aveugle, de fascination qui sont constitutives de la personnalisation du pouvoir et de la dictature. Nous pourrions ainsi imaginer, dans une fin différente, notre policier devenir tortionnaire pour son prisonnier devenu dictateur de la nation ; puisque peu importe les pouvoirs, pourvu qu'ils assurent l'ordre. Et si en plus, ils savent apprécier le parfum du jasmin...

À travers ce témoignage fictif, l'auteur revisite les pages récentes les plus douloureuses de l'histoire du Maroc, réussit à éviter toute simplification, et montre l'impossible chemin qui mène à la démocratie tout peuple maintenu dans l'ignorance. Que voulez-vous, je n'étais qu'un ignorant, et je ne suis pas prêt de quitter la galaxie des ânes, dit notamment le policier.

Mustapha Kharmoudi publie en même temps un recueil de poésie, Vagabondages, également aux Éditions Le Manuscrit. Il habite Besançon.

 

Mustapha Kharmoudi
Éditions Le Manuscrit
20, rue des Petits-Champs
-- 75002 Paris
Site Internet : http://www.manuscrit.com
Parution : août 2005
166 p. 14,90 € (le livre),
7,45 € (en format PDF)
N° I.S.B.N. : 2-7481-5902 0


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Voyage dans l'intérieur de Madagascar et à la capitale du roi Ramada Ier
(un peintre découvre la grande île - 1825-1826)

Le peintre voyageur André Coppalle quitte sa Bretagne natale pour enseigner le dessin au Collège royal de l'île Maurice. Après avoir posé sa candidature, il devient en 1825 le portraitiste du « roi de Madagascar », Radama 1er. Il part alors pour les terres malgaches ; c'est d'ailleurs à ce moment-là que débute son récit que publiera l'Académie Malgache en 1909 et 1910 dans ses bulletins. Après avoir décrit son arrivée dans l'île, il narre sa traversée dans l'intérieur des terres jusqu'à la capitale située sur les hauts plateaux, détaille ensuite son séjour dans le palais du roi Radama et, enfin, achève son récit par le retour à Foulpointe. Loin de l'exotisme, ce récit aux allures de carnet et de journal se veut précis. C'est le regard du peintre qu'on découvre à travers les descriptions minutieuses qu'il fait des paysages et celui de l'humaniste quand il parle de ses rencontres. Ce texteimportant pour les amateurs de récits de voyage et les amoureux de Madagascar - n'a jamais été publié du vivant de l'auteur, malgré plusieurs tentatives.

André Copalle
Éditions La Lanterne Magique
Adresse : 38bis, rue Narcisse Lanchy -- 25000 Besançon
Parution : avril 2006
166 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-916180-02-8


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À L'heure

Les livres de la collection Suite de Sites sont des commandes passées à des écrivains pour des textes libres, évoquant un site industriel de la région, devenu avec le temps, les faillites, les fermetures, la reconversion, un musée des techniques et cultures comtoises. Olivier Bleys fait donc partie de ces braves soldats monnayant leurs talents contre un peu d'attention pour nos fleurons de l'ère industrielle. Il fut parachuté à Beaucourt, médita sur Japy, sortit de sa mémoire un réveille-matin, tenta un peu de phrénologie à partir des portraits qu'il aperçut de Frédéric Japy, le fondateur, évoqua brièvement la région, lista les objets fabriqués sous l'enseigne illustre parmi les plus insolites. Gagna ainsi sa vie en rédigeant ce texte, intitulé À L'heure ! et qui évoque ces sonneries de réveil qu'on entend venir d'appartements voisins en se demandant pour qui et pourquoi ce petit bruit résonne.

 

Olivier Bleys
Éditions Virgile
Collection : Suite de Sites
Parution : 4 ème trimestre 2005
Diffusion/Distribution : Les Belles Lettres
58 p. 10 €
I.S.B.N. : 2-9144481-43-8


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Au nom de l'esprit

Dernière d'une lignée d'aristocrates, Nadège végète dans la villa familiale en ruine avec sa soeur attardée Marie-Claude qui, à 52 ans, a un physique de grand-mère et qu'on cache depuis sa naissance. Les parents sont morts, la maison fuit de partout et c'est avec aigreur que Nadège voit disparaître son nom de famille. Du jour au lendemain, à force d'entendre parler de Ben Laden, elle décide elle aussi de s'attaquer à tous les symboles de la religion chrétienne. Elle veut mettre à bas «l'ordre religieux le plus riche de la planète» en créant le Nouvel Ordre Druidique de Franche-Comté. Un matin, l'épicier vient lui livrer ses provisions et là, Nadège a l'idée de convoquer l'esprit de son oncle pour l'impressionner. La soeur au grenier se transforme malgré elle en esprit frappeur. Nadège parvient à convaincre l'épicier de jouer au casino. Il remporte une somme importante. À partir de là, Nadège va s'associer à l'épicier crédule afin de mener à bien son projet de destruction de la religion et de faire reluire le blason familial. Ils prennent Nadège Lamotte de Champtave de Salins pour une fin de souche dégénérée. La surprise n'en sera que plus grande lors de mon avènement. À partir de là, un parfum d'apocalypse plane au-dessus de Salins : des chandeliers se mettent à voler, des guéridons à se soulever, des curés à mourir.

 

Jean-Marie Jacquet
Éditions Aréopage
Adresse : 23, rue de la comédie -- 39000 Lons-le-Saunier
Site Internet : http://www.areopage.info
Mél. : editions@areopage.info
Parution : mars 2006
288 p. 19 €
I.S.B.N. : 2-908340-54-9


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L'Homme qui marche n'a pas de visage

Christophe Blangero habite en Lozère et travaille dans le Territoire-de-Belfort, au sein du Théâtre Le Granit auprès duquel, il est « écrivain associé ». En 2001, il a effectué une résidence d'écriture à l'Espace Gantner et a, suite à ce séjour, publié un livre distribué par Le Centre régional du Livre (toujours disponible et toujours gratuit) dans lequel le mouvement de la marche et le mouvement de l'écriture se donnaient déjà la main pour tricoter des phrases et une présence. Le titre de cet ouvrage était en partie énigmatique à qui n'est pas rompu aux pratiques des arpenteurs. En partie seulement car D'un possible retour à fil perdu, tel était son nom, laissait entendre avant tout l'idée d'un « retour ». Cela sautait aux yeux de qui tenait en main l'ouvrage. Le livre que vient de faire paraître Christophe Blangero a renoncé à beaucoup de ce qui faisait ce premier opus. Il a surtout renoncé à cette hypothèse du retour qui servait de sésame pour une affirmation plus tranchante puisqu'il s'intitule : l'homme qui marche n'a pas de visage.

Cet homme qui marche sur le bord d'une route, c'est tout juste si nous ne l'écrasons pas, dit très vite le texte. Il est vrai que quelque chose du formatage social moque jusqu'aux fondements de l'être, l'écriture comme le pas. Comme si la cadence de déplacement naturelle de l'homme, laquelle s'effectue à la vitesse du mètre par seconde, était devenue un médiocre équipement dans la course pour l'ascension sociale note également Blangero. Marcher et a fortiori hors des villes, dans un des départements les moins peuplés de France, ressemble à un acte de résistance, une connivence que « l'homme qui marche » pourrait entretenir avec les méditatifs, les sages, les fous, les absents, mais ce dédain pour la société n'est pas au coeur du livre, car l'histoire que nous narre l'auteur est celle d'un mouvement plus intime. Entre les longues foulées d'une prose au présent qui raconte l'avancée, la roche, l'ivresse du mouvement parmi l'escarpée et le silencieux, des pages de textes en italique reviennent sur l'enfance du marcheur, la claustration dans des années de maltraitance, closes, lacérées par un père ivrogne qui, quelle que soit la lumière distillée par toutes les marches à venir, n'apparaîtra jamais sous un profil ne serait-ce que supportable. L'homme qui marche n'a pas de demeure, pas d'enfance autre que celle élevée sous une pluie de coups. Il poursuit aujourd'hui dans plus de sérénité, les pas affolés de ses premières fugues qui le tiraient le plus loin possible du huis clos infâme. Non le sol comme lieu d'appartenance à une lignée, à un lopin/Mais au contraire, le sol comme lieu de germination, de fécondité, de renaissance. Résonne inévitablement dans cette ascension sans sommet et sans terme, le « non dupe erre » de Lacan. L'homme qui marche loin échappe à son passé au prix de son visage. Il est avide de ce territoire qui ne lui fut pas accordé. Mais la qualité de l'auteur est d'avoir fait en sorte que tout ne s'arrête ni à la fuite ni à l'ivresse. L'homme qui marche ne s'abîme pas comme Lenz dans un épuisement griffé d'épines sauvages. Il ne ressasse pas son histoire mais regarde, apprend, respire. Se donne un plus ambitieux dessein que celui d'être agi par son passé. Il s'est initié aux techniques des arpenteurs, à la patience des entomologistes. Il connaît les arbres et aime le granit. La montagne l'accouche d'un néant hérité, d'un balbutiement sans espoir, et le voilà dans le chantier de ce lui-même nouveau, observant tout du vivant autour de lui : Il rêverait de s'abandonner sans réserve aux délices de l'énumération et de trouver dans cet inventaire l'espoir d'un autre alphabet qui porterait les marques d'un langage nouveau, établi à la frontière précise où corps et monde se départagent.

Enfin, L'homme qui marche existe dans un lieu. Non pas dans les nimbes, non pas en lui mais en Lozère, ce territoire qui forge dans son âpreté des plumes parmi les plus exigeantes d'aujourd'hui (Millet, Michon, Bergounioux). Citons, pour finir, ces quelques phrases, illustratrice d'un style : En ces terres impénétrables et désolées faites pour le mutisme, l'homme qui marche a frôlé non pas un pays hostile à la langue, mais son pied a heurté un continent qui se passe souverainement d'elle, d'une impitoyable lenteur, continent qui recèle quelque chose d'impalpablement fermé et creux, pareil a un cénotaphe qui rendrait toute profanation inutile, désespérante, inféconde.

Christophe Blangero est né en 1971.

Christophe Blangero
Éditions Virgile
Parution : avril 2006
Diffusion/Distribution : Les Belles Lettres
188 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-914481-48-9


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Montevideo, Henri Calet et moi

Un récit écrit au fil d'un voyage à Montévideo, sur les traces de l'écrivain français Henri Calet, qui séjourna dans la capitale uruguayenne pendant l'année 1930.

Avec cinq photographies couleur de Lin Delpierre et trois lettres inédites d'Henri Calet à l'ami uruguayen, Luis Eduardo Pombo.

Christophe Fourvel (texte) ; Lin Delpierre (photographies)
(avec 3 lettres inédites d'Henri Calet à Luis Eduardo Pombo)
Éditions La Dragonne
Parution : mai 2006
Diffusion/Distribution : la Dragonne/Les Belles Lettres
80 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-91346-545-5


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Cendres vives
suivi de
Le Carré du ciel

Constitués de fragments de prose rédigés sur une période de seize années, Cendres vives (1980-1988) et Le Carré du ciel (1988-1996) furent initialement édités séparément aux Éditions L'Atelier de la Feugraie. Aujourd'hui épuisés, ces deux volumes sont réunis sous la couverture rouge des éditions Apogée, où Françoise Ascal, en 2004, choisit de publier La Table de veille, troisième volume de ce chantier d'écriture toujours en mouvement et qui concernait les années 1996 à 2001.

Les premières pages de Cendres vives sont d'une grande beauté. L'auteur y revient sur les jours qui précédèrent la mort de son père, alors qu'elle était encore enfant. Une sombre mélancolie court sur les vertèbres d'une prose dont la chair vibre de mille sensations, de mille attentions au jardin où l'enfant apprend à vivre. L'écriture glisse sur ce temps sans rien gommer de ce qui le heurtât, le rendit sombre, effrayant ou simplement ennuyeux. Il est vrai que la prose de Françoise Ascal a souvent la douceur du velours ; l'oeil qui lit, la main qui touche oscillent entre harmonie et blessure, parcourent le tissu de vie comme une broderie limpide, avec des motifs qui piquent la chair et la rendent insensible à ce qui, jusqu'alors, la ravissait. Parmi ces meurtrissures qui affleurent quelques pages plus loin, les souffrances d'enfants laissés presque inertes et sans lendemain par un accident ou une maladie. L'auteur travaille en effet dans un service hospitalier particulièrement difficile. Elle parle de ces êtres sanglés sur leurs chaises, gémissant, bavant en attendant l'échéance rapprochée de la mort. Le jardin et l'écriture se disputent parfois sa conscience en berne, subissent son mépris de vaincu (écrire, produire de la « littérature », ce sous-produit honteux du vivre). Il y a chez cet auteur une fascination pour la part de l'être capable de s'absorber tout entier dans un temps présent « sans lever la tête », sans tenter de balayer du regard sa condition ; pour l'être qui n'écrit pas ; pour l'esprit serein qui sait s'immerger tout entier dans le plus riche présent et qui porte en lui, vif et presque tangible, le passé d'avant sa naissance, les ombres des mères qui adoucissent le futur.

Le Carré du ciel marque une petite rupture : plus recueilli, plus tissé par les impressions d'écrivain : en lisant, en écrivant, en écoutant la musique de Schubert, de Bach (j'écoute comme on prie) en apprenant à voir avec les yeux de Gauguin ou de Munch, la perception de l'alentour accroît son rayon. Plus de talents extérieurs forcent la chambre close de la souffrance où les jeunes mortes tournent autour de l'auteur ; un tétraplégique rampe sur le sol pour atteindre la fenêtre d'où il se jettera, puisant une force venue « d'on ne sait où » pour se dé-livrer. Les enfants greffés ne parviennent pas à inhaler l'air dans leurs nouveaux poumons, empruntés à d'autres destins brisés. Il arrive que l'humanité abîmée, tordue, cassée, emplisse l'espace. Au plus près du mutisme de ceux qui souffrent le temps d'une vie amputée, qui respirent encore sur le seuil du royaume des morts, l'auteur évalue le poids d'une vie, de sa vie, cherche à ressentir l'existence comme on se donne parfois au soleil, les pores de la peau ouverts jusqu'à ce que des larmes coulent sur les joues ; des larmes dont on ignore beaucoup, tant elles proviennent de la joie, de la tristesse, de la nostalgie, de la beauté comme de la souffrance d'être encore là.

Françoise Ascal
Éditions Apogée
Parution : mars 2006
Diffusion/Distribution : PUF/U.D.
158 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-84398-212-x


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Issues

En même temps que la réédition de Cendres vives suivi de Le carré du ciel, paraît Issues, un recueil de textes courts : 16 narrations brèves racontent la cristallisation d'un moment ou son effacement, les derniers reflets ondoyants de vie dans le regard du gisant, du vieillard, de celui qui ne participe plus à la ronde des jours que par la pensée ou le souvenir. Si beaucoup de ces issues promises sont la mort, il s'agit parfois d'une envolée ou d'une deuxième chance tardive.

Françoise Ascal
Éditions Apogée
Parution : mars 2006
Diffusion/Distribution : PUF/U.D.
78 p. 13 €
I.S.B.N. : 2-84398-211-1


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Le Monde selon Baggio
Ou Le Bouddha de Caldogno
suivi de Orfeo Baggio

À lire Mario Morisi, écrire que Baggio fut un joueur de football est aussi éclairant que de dire que Picasso dessinait ou que Faulkner pratiquait l'écriture. Visiblement, la presse italienne et les tifosi ont vu dans son touché de cuir la marque d'une divinité, une fenêtre ouverte sur la perfection où je ne sais quelle épiphanie dans un monde de brutes. Quelques écrivains du monde entier ont déplié leurs métaphores hagiographiques comme des banderoles de supporters. Au bout du compte, les pieds du démiurge Baggio pensent ou, autrement dit (plus esthète), les anges chantent par ses pieds. Mais le jugement le plus drôle est sans doute celui de Roberto Benigni : Je ne comprends rien au football mais Baggio est si fort qu'il peut remporter la coupe Davis, le prix Strega, Liège-Bastogne-Liège et même , s'il fait un effort, la Palme d'Or au Festival de Cannes.

Mario Morisi, l'écrivain de Sampans, a mis en vacances un de ses hétéronymes les plus productifs de ces dernières années, Mario Absentès, auteur d'une série de romans noirs ( Mort à la mère , J'aurai ta peau Saxo , Castor Paradiso ...) pour se mettre en chasse, en son nom, du mythe italien. Mais l'auteur a le goût de la mise en abyme et du roman labyrinthique. Le Monde selon Baggio n'est donc pas un livre sur Baggio ni sur le mythe Baggio mais un roman autobiographique fracturé, une sorte de regard sur soi jeté un soir de cuite à travers les fragments d'un miroir... Le héros est un certain Ramon Bulgari, fils spirituel d'un penseur iconoclaste, auteur entre autres d'un Tuer, voler, désobéir ou Pousser les bébés au suicide : dernier recours de la liberté d'opinion. Venu en Italie pour participer à un colloque sur son père, un échange malencontreux de sacoches le met en possession, en lieu et place des écrits du philosophe Bulgari, d'une somme de notes autour d'un footballeur dont il n'a jamais entendu parler : Roberto Baggio. Ces documents appartiennent à un certain... Mario Absentès, originaire de Besançon et dont la biobibliographie est celle que nous connaissons.

Le roman va prendre tous les détours que suggère le profil complexe de son héros pour se métamorphoser en une sorte de cheminement en forme de pieuvre. La pieuvre justement, qui n'est pas loin dès qu'il s'agit de l'Italie, de football et d'argent, jettera son noir sur cette histoire pour en faire un livre de la désillusion aux accents Audiardiens. Si Baggio plane du début à la fin sur ces pages, Morisi va mettre en scène une vaste embrouille et pléthore de seconds rôles pris au jeu des rivalités footballistiques et financières. Mais le plus saisissant dans cette histoire, mis à part la dingomania qui habite la botte dès qu'il s'agit de Baggio, reste l'étonnant portrait de Ramon Bulgari, intellectuel vieillissant bouffé par mille maux, doté d'une libido en service minimum et d'un avenir proportionnel à la taille de son appendice sexuel...

En complétant la pensée de Nietzsche ou de Deleuze par une phrase d'humeur de Franck Zappa, en donnant à un footballeur la capacité d'éclairer le monde sans renoncer aux acquis de la psychanalyse, Morisi tente une philosophie vraiment à l'image de l'homme : rafistolée, bancale et prête à se dédire pour un coup de sang. Dommage que la somme des pages qui déifient, certes avec beaucoup d'humour, la star du ballon rond, provoqueront chez certains une overdose ; que l'on se perde parfois dans les zigzags narratifs que trace la conduite jubilatoire de Morisi. Il est sûr que quelques actions auraient mérité un jeu plus direct.

Le livre inclut aussi une pièce de théâtre, Orfeo baggio, créée à l'Opéra théâtre de Besançon en 2004. Autre attaque en biais du mythe Baggio. Un jour d'émeutes ou de fin du monde, dans un commissariat, un dénommé Robert qui prétend être Baggio et un émigré arabe sont retenus par deux flics. To be baggio or not to be sera l'une des questions clés du drame...

Mario Morisi
L'embarcadère éditions
adresse : 8, rue des Bohémies -- 95590 Nointel
Site Internet : www.lembarcadere.net
308 p. 18 €
I.S.B.N. : 2-914728-22-0


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Ils ont cru aux larmes des femmes

Le livre commence au lendemain de la guerre, dans une débauche de lâcheté et de cruauté mâle, quand sous les masques d'un honneur de pacotille, des résistants de la toute dernière heure tuent, tondent et humilient toutes celles que la vindicte désignait comme maîtresses des Allemands. Les bas instincts sont lâchés dans les rues de Besançon, comme dans toutes les villes de France. Bébert et Le Pointu, héros de la (vraie) résistance et du précédent roman de Roger Faindt, Le Silence des roses, assistent au calvaire de Thérèse dont ils connaissent l'engagement et dont la seule faute est d'avoir aimé un soldat allemand. Bébert est amoureux d'elle. Il est un jeune homme que la caresse des femmes terrorise plus que les combats du maquis. Lui et Le Pointu veulent venger ces victimes expiatoires et faire payer certains de leurs bourreaux, collabos déguisés, sadiques et tortionnaires, passés dans les sas trop lâches d'une justice prise de court. Ils ont cru aux larmes des femmes parle de l'après, de comment vivre et aimer une fois passées les tortures, les humiliations, les terreurs et de l'éternelle défaite des femmes.

Roger Faindt reprend avec ce livre, le fil de l'histoire de son beau roman, Le Silence des roses.

À noter la réédition aux éditions du Sekoya de La Lettre de Charlotte, prix Louis Pergaud 2001 et initialement paru aux éditions Aréopage, dont l'action se déroule au printemps 1941.

Roger Faindt
Les éditions du Sekoya
Parution : juin 2006
Diffusion/Distribution :
Maison du Livre de Franche-Comté
284 p. 19,50 €
I.S.B.N : 2-84751-040-0


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Le Club des pantouflards

Effron Nuvem est un chômeur de longue durée qui se nourrit exclusivement de tartines beurrées et de café au lait (matin et soir) et de sardines à l'huile à midi. Il sait saisir les changements de lumière, s'amuser des orgasmes (sonores) de sa voisine, disparaître dans un roman de poche trouvé chez un soldeur. Il a acquis le talent de l'ennui. Le manque d'argent lui a appris cette sensibilité aux choses disponibles et gratuites, comme on dit qu'une cécité développe l'odorat ou le touché. Le roman débute un automne et l'automne, dans les livres de Christian Cottet-Emard, est « une cartouche d'encre dans laquelle il ne reste que du gris ». Un jour de cette saison morose, Effron Nuvem fait l'acquisition inconsidérée d'une paire d'authentiques pantoufles artisanales. Le chausseur semble le prendre en sympathie et invite ce presque va-nu-pieds aux agapes luxueuses que s'offre régulièrement le club des pantouflards. Effron Nuvem, tout en demeurant très en retrait, se délecte de ce luxe tombé du ciel. Un jour, il devient membre de la confrérie. Lui, l'atome détaché du corps social retrouve une place dans une collectivité. On ne refuse pas un tel bonheur. Le club des pantouflards fait un peu de politique. Puis finit par tenir la ville sous sa botte. Effron Nuvem a maintenant un travail grâce au club. Une carte de crédit aussi, ce qui n'est pas donné à tout le monde...

Christian Cottet-Emard cisèle des petits livres à la musique modeste et juste où l'on respire l'air gris du temps. Il descend de Calet ou de Hardellet. Voisine avec Pirotte ou les premiers livres d'Éric Holder. Il vit aux confins du Jura et de l'Ain. Il a déjà publié Trois figures du malin (Orage-Lagune-Express, 2004), Le Grand Variable (Editinter, 2002), Jean Tardieu, un passant, un passeur (La Bartavelle, 1997).

Christian Cottet-Emard
Éditions Nykta
Collection : Petite Nuit
Adresse : Le Haut de Tallant, Cidex 505 -- 71240 Etrigny
Parution : avril 2006
76 p. 5 €
I.S.B.N. : 2-910879-76-3


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Une impériale imposture
(du Consulat au sacre)

Une Impériale Imposture décrit d'abord l'ascension dans l'armée de Bonaparte d'un jeune homme noble, Jacques Précy d'Arcourt, revenu d'Angleterre à 25 ans après un exil auquel l'avaient contraint sa condition et son ascendance, au moment de la révolution. Il accomplit la traversée du retour en compagnie d'une roturière, Jeannette qu'une famille noble emmena aussi de l'autre côté de la Manche avant de l'abandonner à la misère de la rue.
C'est la fin du 18e siècle, Bonaparte réalise le coup d'état du 18 Brumaire. Jacques et Jeannette sont amants et Jacques entre bientôt dans la troupe d'élite de la Garde consulaire. Il part se battre contre l'armée d'Autriche pendant la campagne d'Italie. Jeannette, par l'entremise d'une blanchisseuse, décide d'accompagner l'armée républicaine. Mais elle tombe malade et perd la trace de son amant aux abords des champs de bataille. Ils se retrouveront grâce à un jeune soldat, le futur Stendhal, qui rêve déjà d'Italie.

La suite verra les héros traverser le coeur de la grande Histoire puisque Jacques se retrouvera mêlé à l'exécution du Duc D'Enghien tandis que Jeannette, rattrapée par son passé, sera kidnappée pendant un attentat terroriste contre Bonaparte, avant d'être sauvée par Vidocq !

Une suite est annoncée à cette Impériale imposture. L'auteur a déjà publié L'Héritage de Lacuzon aux éditions Cabédita.

Joël van der Elst
Éditions Cabédita
Collection : Espace et Horizon
Site Internet :
http//www.cabedita.ch
Parution : avril 2006
Diffusion/Distribution (pour la France) : Maison du Livre de Franche-Comté, Rando Diffusion et Éditours
216 p. 23 €
I.S.B.N. : 2-88295-458-1


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La Ferme de l'oubli

Un homme arrive une nuit dans un village du Haut-Doubs qu'il ne connaît pas. Il est là parce qu'un ami, Marc, semble l'avoir chargé d'une mission. Ce dernier a disparu depuis de nombreuses années après une évasion. Il a laissé dans ce village une femme que l'homme va rencontrer et à qui il va avouer un secret.
Un roman du terroir qui joue sur les mystères des identités et qui alterne récit du présent et du passé.

Il s'agit du premier livre publié par Gilles Galliot.

Gilles Galliot
Les éditions du Sekoya
Parution : juin 2006
Diffusion/Distribution :
Maison du Livre de Franche-Comté
170 p. 18 €
I.S.B.N : 2-84751-037-0


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Trois jours dans l'été
(Mémoires oubliées)

David voit un jour arriver chez lui à l'improviste un ancien compagnon, Michel, avec qui il fut lié pendant la guerre d'Algérie. Michel a initié David à l'art, à la beauté des choses et à celle d'une femme, Djamila. Tous deux partageaient la même chambre, écoutaient Mozart, lisaient Steinbeck. Mais un jour Djamila est morte et David fut rapatrié en état de choc. Il laissa derrière lui un passé trop blessé pour survivre et revint réapprendre à vivre là où il était né, dans le Haut-Doubs, près de Pontarlier. Il prit du travail dans la scierie familiale et ne répondit jamais aux lettres que Michel lui adressa. Un jour il put aimer à nouveau. Il rencontra alors une femme avec qui il eut deux enfants. L'arrivée de Michel vient réveiller la blessure endormie. Pendant trois jours, les deux hommes vont mettre à nu leurs plaies dans un affrontement violent qui n'épargnera ni l'autre ni soi-même. Au fil d'un enchaînement narratif d'une grande intensité, Michel va révéler à David leur histoire, ce qui a précédé les mois partagés en Algérie, ce qui leur succéda, confrontant ainsi David à une vérité à laquelle il fut aveugle. Cette entreprise sans concession de relecture du passé fera émerger les forces souterraines en jeu dans les relations humaines : les rapports de domination entre les êtres, l'homosexualité, la puissance implacable des traumatismes enfantins dans le devenir des vies, le libre-arbitre, les souffrances tues et la subjectivité des regards sur une même histoire. Elle rappelle en outre la part d'ombre de l'autre, la part à jamais inconnue au-delà des sentiments forts d'affection, des passions et du quotidien partagés.

Pour finir, citons ce passage, tentative de décryptage de l'alchimie d'une première rencontre ou version à peine moins restrictive du célèbre aveu de Montaigne : « Parce que c'était moi parce que c'était lui »: Quand je t'ai aperçu dans la cour du quartier au sein du troupeau des recrues épuisées, malgré ta propre fatigue tu rayonnais par contraste d'une force à la fois eau et feu, limpide et intense, source de fraîcheur comme le lac ce matin, de chaleur comme ce feu devant nous. Au cours de notre vie, nous rencontrons quelquefois, au moins une fois, quelqu'un qui par sa seule présence, son aspect, son visage, son regard, apaise et fortifie. Il n'est pas besoin qu'il ait ouvert la bouche, nous ait adressé la parole. Il émane de lui silencieusement un bienfait, une grâce mystérieuse, inexplicable, douce et puissante à la fois qui nous envahit de sa sérénité. Il l'a reçue en partage, n'en possède pas le mérite, la transmet à l'insu. Tu étais ce quelqu'un...

Trois jours dans l'été fait suite à Valle di Paraso et sera suivi par un troisième volume, Le Tableau bleu, le tout constituant un cycle intitulé Mémoires oubliées.
Les trois volumes se lisent séparément, unis entre eux par les liens d'hérédité que partagent certains personnages.


Pierre-Alain Mayol
Éditions Gunten
Adresse : 10, Place Boyvin 
— 39100 Dole
Parution : avril 2006
Diffusion/Distribution : Gunten/Alpro
Site Internet : www.editionsgunten.com
232 p. 20 €
I.S.B.N. : 2-914211-45-7


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L'Avion musique

Le dernier roman de Stéphane Boudy remue la vase d'une rivière, en plein milieu de la jungle indochinoise. Nous sommes en 1954 et on y suit la déroute de quelques soldats de l'armée française, contraints à s'éjecter de leur avion en pleine territoire ennemi. Ils devaient sauter sur Diên Biên Phu quand un tir nourri a supprimé une aile de leur appareil. Lors de leur mission précédente, le lieutenant Merlin et ses hommes avaient envoyé des tonnes de tracts à destination de la population vietnamienne. Le livre évoque leur fuite éperdue le long d'une rivière hostile et mêle les destins de quelques êtres échoués dans ce crépuscule colonial, tout près de la maison qu'occupe Hô Chi Minh, homme lettré et combattant d'exception, figure d'un idéal qu'éclaboussent le sang et la souffrance des victimes mais qui a su rendre une dignité à chaque homme de cette terre.

On peut lire L'Avion musique comme un roman d'aventures à économie, qui rappelle que la guerre n'est pas un grand théâtre, un grand spectacle, une confrontation divine mais une multitude de destins en rade et pleins de questions sans réponse. Mais il est tentant de le regarder au-delà comme une histoire de mots. Car la guerre qu'envisage Stéphane Boudy est bien une histoire de langue, de ferveur, d'évidences à peine dissimulées sous les sacs de paroles absurdes que les hommes se racontent. Ainsi Merlin n'arrête pas de mentir et de se mentir ; à sa femme, à ses supérieurs, à son subalterne qu'il menace de cour martiale au fin fond de la débâcle. À lui-même bien sûr. L'avion musique serait donc une sorte d'hommage rendue à la profondeur, à la force et à la beauté de la langue mise à mal par l'entreprise d'endoctrinement, de propagande ou de communication... Dans cette parabole au moins, la "parole vraie" est victorieuse. Car les tonnes de tracts ne pèsent pas lourd face aux discours que sait si bien enflammer Hô Chi Minh ; face aux quelques mots justes et authentiques que le grand homme prononcera en présence de Merlin.

Stéphane Boudy vit à Bordeaux. L'Avion musique est son troisième roman à paraître aux éditions Gunten, après L'Exuvie et Les Figurants.


Stéphane Boudy
Éditions Gunten
Adresse : 10, Place Boyvin 
— 39100 Dole
Parution : juillet 2006
Diffusion/Distribution : Gunten/Alpro
Site Internet : www.editionsgunten.com
126 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-48-1


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Opération grand véhicule

Opération grand véhicule est le sixième épisode des aventures de la sympathique Betty Bloch, téméraire chercheuse de l'Institut de Tibétologie de l'université de Calcutta, à paraître aux éditions Kailash. Pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore, Betty est âgée de 26 ans, certainement séduisante sans être séductrice, possède un amour immodéré pour la culture tibétaine et de précieux amis moines auxquels elle rend visite le plus souvent possible, dans des monastères glacés et perchés à 4000 m d'altitude. Betty Bloch détient également un goût et un talent   pour la résolution d'intrigues « spirituo-policières ». On ne lui connaissait jusqu'à présent, sur les trois derniers épisodes, qu'un seul amant, un agent secret chinois énigmatique comme il se doit quant aux raisons qui l'amènent trop régulièrement à s'évaporer dans la nature. Mais au cours de cette nouvelle aventure, sa libido connaîtra deux élévations notables, dont une plutôt inattendue pour un cinéaste de Bollywood et une autre pour l'assistant de l'abbé Tashi Tchö Ling, « ce cher Tenzin » comme elle dit elle-même et pour qui elle en pince comme nous disons, nous, depuis pas mal de temps. L'intrigue d'Opération grand véhicule tourne autour de la disparition subite de deux religieux, maître dans la pratique Toumo ou « méditation de la chaleur intérieure » ; autrement dit, des hommes qui, nus au milieu des neiges, parviennent à sécher sur leurs corps, par la seule force de leur esprit, des couvertures trempées dans l'eau glacée. Dans ce contexte, la présence simultanée dans la petite ville himalayenne de Gangpong d'un photographe écossais et d'une équipe de tournage indienne ainsi que leur intérêt pour les pratiques spirituelles tibétaines ont tout lieu d'être étrange.

Un épisode comme toujours bien conçu et qui a le mérite d'être érudit avec beaucoup de légèreté.

Bernard Grandjean vit à Strasbourg. Il est d'origine franc-comtoise.


Bernard Grandjean
Éditions Kailash
Parution : septembre 2006
Diffusion/Distribution :
Harmonia Mundi
228 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-84268-141-x


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Visitations

Claude Louis-Combet publie, sous le titre Visitations, cinq portraits de femmes ou d'enfants, êtres exemplaires de l'univers de l'écrivain, traversés par la lumière commune de leur sensualité et du sacré. Chacun est convié par une force intérieure, par une voix brutale et énigmatique à s'extraire de la masse pâle des désirs ordinaires pour s'accomplir dans un acte fantasmatique et ritualisé. Pour cela, tous sont conduits à se confondre de tout leur être avec un geste de vie plus élevé que leur vie.

Comme toujours dans les livres de Claude-Louis Combet, il y a une grande évidence « de langue » capable de pénétrer un imaginaire source, originel, au sein duquel cohabitent la douleur, la transgression, le monstrueux, le morbide et le féérique ; de concevoir une réalité fusionnelle entre les corps amants ou entre les corps et l'imago. Ainsi Marie, la première figure de ce livre, qui se donne à Dieu dans un désir violent de sa chair, sexe dénudé, jambes écartées, absente au monde dans un instant gorgé d'imminence. Ainsi Artémise, chevauchant son amant-roi dans sa tombe et désirant l'éternité du coït au point de s'enterrer vivante. Le magique est chaque fois la récompense offerte à ces destins qui ont su épouser leurs pulsions, devenir mythiques et personnages de leurs propres théâtre de songes.

Parmi les derniers livres publiés par Claude Louis-Combet, citons D'Île et de mémoire et Les Érrances Drouon (respectivement 2004 et 2005) chez le même éditeur. Voir également, ci-dessous, Cantilène et Fables pour les yeux ronds.

Claude Louis-Combet
Éditions José Corti
Parution : septembre 2006
Diffusion/Distribution : Volumen
96 p. 13 €
I.S.B.N. : 2-7143-0923-2


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Cantilène et fables pour les yeux ronds

Cantilène et fables pour les yeux ronds réunit cinq textes parmi lesquels deux inédits (Bethsabée, à jamais et Io) ainsi que trois « fables » (Iris, L'homme à la licorne et ) déjà publiées en livres d'artiste par les éditions Shushumnà avec des gravures originales de Bérénice Constans que l'on retrouve (toutes ou en partie ?) reproduites dans ce livre.
Dédiés « aux obscurités du désir » chères à l'auteur, ces écrits remontent aux sources des mythes auxquels l'écrivain restitue la dimension sexuelle et magique, mêlant notamment dans , incontestablement le texte le plus ample et le plus abouti du recueil, la vision d'une extase et d'un enfantement monstrueux par un être vierge au bord d'une rivière. C'est, à lire, d'une extrême douceur, l'écriture étant chez cet écrivain plus que chez tout autre une transfiguration ; la douleur et la jouissance, les deux faces d'un même étonnement.

Voir également de Claude Louis-Combet, la présentation ci-dessus de Visitations.

Claude Louis-Combet
Éditions José Corti
Parution : septembre 2006
Diffusion/Distribution : Volumen
84 p. 13 €
I.S.B.N. : 978-2-7143-0924-0


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Catacombes

Victor est étudiant en quatrième année de médecine. Son père, également médecin, est mort dans des circonstances demeurées étranges. Le livre raconte la quête de vérité du fils sur cette mort. Mais les auspices sont mauvais. Lorsque Victor entame sa première garde à l'hôpital, l'écrivain fait résonner un tragique oracle : demain, tout ce qui débutera engendrera ta fin. Demain sera le début de ta chute. Les chapitres suivants scandent les étapes de cette chute : déchéance jour I ; puis II. Puis III.
 
La première flèche que la fatalité expédie à son endroit provoque la mort inattendue d'une jeune femme, au cours d'une intervention chirurgicale bénigne, à laquelle Victor participe. La mécanique est en marche, elle instille un dérèglement puissant de tous les repères du jeune homme, une avancée parmi les forces obscures, un crépuscule dardé par le soleil de Maldoror ; le livre baigne ainsi longtemps dans un fantastique romantique comme dans des humeurs pathogènes. L'hôpital est une peinture moderne de Bosch ou de Breughel, il déroule ses couloirs comme autant de tuyauteries organiques, où les murs semblent haleter dans notre dos, suinter leurs sécrétions poisseuses et la terreur. Dans les arcanes de son labyrinthe, Victor croise des messagers, clochards ou fous qui joueront le rôle de Pythie.
De cette géométrie informe taillée dans la matière de l'angoisse et de la mort convulsive, s'échappe d'abord un théâtre hyperréaliste nourri aux descriptions d'un glauque bien réel : car la recherche de Victor sur les causes de la mort de son père débute par une enquête dans le milieu de la prostitution, des boîtes échangistes, des filières des filles de l'Est. Virgile Magnin-Feyssot déploie un imaginaire alerte, une langue souvent baroque, référencée par les mythes fondateurs. Au fil des pages, la trame noue sa cordée pour une descente aux enfers au sens littéral du terme. Sous Besançon, parmi les ruines de la ville romaine de Vesontio, demeurent les autels de cérémonie antique où se pratiquait un culte au dieu Hadès... Les hommes s'approchent des dieux dans leur quête d'immortalité. Qu'arriverait-il s'ils venaient à se confondre ?

Ce premier livre est porté par une puissance d'écriture et une sorte d'entêtement, de certitude rares chez un jeune auteur. Peut-être eut-il fallu brider quelques moments trop complaisants ou gommer le tout dernier chapitre... Peu importe, Catacombes est bourré de merveilles. Il recèle en lui des promesses magnifiques quant aux livres à venir !

Virgile Magnin-Feysot
Éditions Gunten
Adresse : 10, Place Boyvin 
-- 39100 Dole
Parution : septembre 2006
Diffusion/Distribution : Gunten/Alpro
Site Internet : www.editionsgunten.com
308 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-46-5

Le Fils de l'idole

Le Fils de l'idole s'appelle Paul. Il grandit dans un pensionnat suisse, aime Mozart, ignore tout de ses parents. Un jour, il est convoqué chez un notaire pour acquérir son héritage ; il possède à 16 ans, suffisamment d'argent pour toute une vie ; mais c'est un drôle d'argent, donné de mains qu'il n'a jamais touchées, amassé en quelques années par ses deux parents, figures maudites du rock et suicidés à quelques mois d'intervalle.

Perdu tout en haut de sa fortune, il trouvera un moment d'équilibre auprès de Claire, un ex-fan de son père.

Arnaud Friedmann
est né en 1973 à Besançon. Le Fils de l'idole est son troisième roman après Le Chemin au bord de la mer et La Mélodie préférée, parus ces deux dernières années aux Éditions Gunten.


Arnaud Friedmann
Éditions de La Martinière
Parution : mars 2005
Diffusion/Distribution : Volumen
255 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-84675-162-5

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Blanc

Un homme demeure dans une chambre close, tenu à la masse étale du temps. Sa conscience est arrimée au rythme d'une lecture sans enthousiasme, à la rédaction de phrases mornes, dévolues à la sauvegarde de pensées obscures et enfermées dans des livres que plus personne n'entrouvre. Il est peut-être heureux. Ascète, il tend de tout son être à un retour vers l'indifférencié qui constitua le temps d'avant sa vie et qui la poursuivra. Il fait ce voyage le plus abouti de la porosité, du silence, d'un rendu de son être et de son âme à l'effacement. Ce processus opère aussi autour de lui ; il se manifeste par l'extension d'une tache blanche sur un mur. Celle-ci croît, absorbe d'abord les mouvements puis les formes et les reliefs ; elle annihile peu à peu les velléités de paroles et de désirs ; à partir d'elle procède la réintégration dans le vide originel. Le livre suit cette inclination. Il est le récit de L'accession à l'instance absolue de la négation.

Claude Louis-Combet est sans conteste une des voix les plus puissantes d'aujourd'hui. Il est l'auteur   d'une prose baignée par la grâce et apte à palper les zones les plus obscures de la conscience. Son oeuvre, hantée par les thèmes de la faute et de la rédemption, éclairée par une lumière mystique, attachée à l'auto-examen sans concession et minutieux des instances psychiques, compte aujourd'hui une quarantaine de titres.


Claude Louis-Combet
Fata Morgana
Parution : 1er trimestre 2005
(première édition : 1980)
Diffusion/Distribution :
Les Belles Lettres
95 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-85194-276-X

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Ouvertures

Ouvertures réunit deux textes inachevés de l'auteur, Théâtre de la répétition et Ophélie. Le premier devait constituer un essai de réflexion sur une certaine prédilection pour le même, pour l'identique, pour la fixité et la permanence ; les premières pages évoquent notamment Gildas et Vital de Mortain, deux saints prostrés dans une même totale inertie et les jeux d'un enfant, occupé à masquer le retour de ses pas dans la neige, s'évertuant à revenir à reculons jusqu'au point de départ en posant le pied exactement dans sa première empreinte en sorte que le même chemin parcouru dans les deux sens parût soumis à une seule direction, toujours la même -- comme si l'enfant, sorti de chez lui, n'était jamais revenu ou encore, plus subtilement, comme si le mouvement de retour ne pouvait que répéter le mouvement de départ au point de se confondre exactement avec lui.

Ophélie aurait dû être un roman, (...) le roman de la femme amoureuse du flux auquel elle s'identifie entièrement et qui l'appelle à se fondre en lui jusqu'à la dissolution complète de son être et de son histoire.

Ces deux « ouvertures » datent de 1986.

Voir concernant l'auteur, la notule précédente consacrée à son ouvrage, Blanc.




Claude Louis-Combet
Fata Morgana
Parution : 1er trimestre 2005
Diffusion/Distribution : 
Les Belles Lettres
75 p. 13 €
I.S.B.N. : 2-85194-633-1

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L'Heure canidée

À côté de photographies d'Alain Controu, montrant sur des draps blancs plissés le corps offert d'un chien, Claude Louis-Combet imagine le regard d'un promeneur que cette troublante image viendrait saisir, lors d'une balade en forêt. Attiré par des halètements univoques provenant d'une cabane en bois, l'homme pense d'abord à l'accouplement de deux êtres humains, pousse la porte et découvre cette chair animale, repue, étendue, dans une posture à la fois mâle et femelle.

L'obscénité ne sont que les ronces du passage pour une écriture toujours aspirée vers le haut, aimant d'abord fouler les chemins boueux de l'âme ; nourrie de cet écart, dans cette distance qui joint l'homme animal et l'homme divin, la prose de Claude Louis-Combet ainsi soumise à cette différence de potentiel, génére ici, une fois de plus, sa tension remarquable.

À chacun l'air dont il a besoin, et qui le pousse à unir, en une même extase, l'extériorité du monde et l'intériorité du coeur. Moi, cette rumeur d'amour à la rencontre de laquelle je venais, si elle ne me portait pas à une transe physique contre laquelle mon corps édifié en culpabilité chrétienne résistait, du moins libérait-elle en moi ma puissance de désir et la ralliait-elle à ces intimations d'ordre spirituel, sans lesquelles la jouissance ne se hausserait jamais au-dessus d'elle-même du côté du verbe, de la poésie et de la joie -- seule et unique parade face à la radicale désolation de la chair réduite à son plaisir.

Pour plus de détails sur l'auteur, voir la notule consacrée au récit intitulé « Blanc ».

 


Claude Louis-Combet
Éditions Léo Scheer
Parution : mars 2005
Diffusion/Distribution : Fédération-Diffusion
55 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-915280-74-6

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L'Homme qui tombe

Un ingénieur, responsable de la sécurité nucléaire se rend au Japon pour son travail. Dans l'avion, son attention est attirée par une femme blonde, menottée, qui lui rappelle un personnage peint par Edward Hopper. Le hasard fait qu'il la retrouve, sans ses menottes, dans l'avion du retour. C'est une clandestine Tchétchène reconduite hors de France et qui tente une nouvelle fois de passer la frontière munie de faux papiers. Les deux individus lient connaissance dans la zone de transit où ils sont maintenus en quarantaine à cause d'une épidémie sévissant en Asie.

C'est rapidement le coup de foudre entre les deux, l'ingénieur français et Tchaka la Tchétchène. L'homme tombe donc une première fois : amoureux. Ils deviennent amants dans des circonstances cocasses, s'aiment rapidement et au bord d'un gouffre. En effet, le livre s'achève avec la mort de l'ingénieur, tombant cette fois du toit d'un centre de rétention pour clandestins où il s'est hissé, devant les caméras de télévision, par amour pour Tchaka. Cette issue, nous la connaissons depuis le premier chapitre. L'Homme qui tombe est l'histoire des derniers jours de Georges vom Pokk, redéroulée dans sa tête pendant sa chute ; une version verticale des Choses de la vie de Paul Guimard.

L'honorable citoyen vom Pokk n'était pas destiné si tôt à franchir cet espace radical qui sépare un toit du néant. La veille encore, il moquait le combat pour les grandes causes, lui qui sait parfaitement que la complexité du monde a depuis longtemps rendu caduc tout geste péremptoire et « héroïque ». Durant les jours qui précèdent sa chute, l'homme suit plutôt une trajectoire molle ; une horizontalité à peine à l'écart du grégarisme dont il semble contrôler le tracé, avant de perdre pied, de plonger dans un tourbillon fomentée par le hasard autant que par Éros. Sa conscience politique se contente de noircir la situation, achevant de rendre insupportable le bilan des forces. Hors des zones de droits, dans le labyrinthe de la sécurité intérieure, il devient ce qu'il n'imaginait pas devenir. Être hors du droit, rend hors de soi :   ce pourrait être la chute (morale) de l'histoire.

Tomber, à y regarder de près, est peut-être le vieux rêve que se découvre l'homme du XXIème siècle. La belle échappée. Le fantasme d'abandon pour qui maîtrise le ciel, le terre, et un petit bout de l'univers.

Daniel de Roulet revendique sa « nationalité frontalière » - titre de l'un de ses livres. Ce Genevois né en 1944, vit depuis 2000 à Frasne-les-Meunières, dans le Jura français, à mi-chemin entre Genève, Bâle et Paris. Il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages.


Daniel de Roulet
Éditions Buchet-Chastel
Parution : mars 2005
Diffusion/Distribution : Volumen
178 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-283-02129-4

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La Spirale de Lug

Quand on considère sur une carte les concentrations de noms dérivés de celui de Lug ou de celui de Lusine, on constate que leur succession dessine, sur le sol de France, des courbes concentriques ; et si l'on tente de relever le dessin de ces courbes, il apparaît qu'elles ne sont pas, en réalité, concentriques mais appartiennent à une spirale.

Il plaira sans doute, aux plus assidus des lecteurs, de vérifier cette information d'une extrême importance, car si spirale il y a, celle-ci conduit peut-être à Terroma, un monde parallèle peuplé de géants. Est-ce parce qu'il connaissait le secret de ce passage que l'abbé W. Buchanam a été assassiné ? Coolter et Quincampoix, les deux enquêteurs de l'Institut d'Ethnocosmologie Appliquée de Dole, aux investigations desquels la Clef d'Argent a déjà consacré 6 volumes, mènent l'enquête dans la Sarthe. Un récit entre fantastique et complot politique qui ravira parmi les anciens lecteurs de Fantomette, tous ceux qui ont depuis élevé sensiblement leur niveau de langue.

Une suite est prévue, sous le nom Captifs de Terroma, chez le même éditeur.


Jonas Lenn
Éditions La Clef d'Argent
Collection : Ténèbres & Cie
Adresse : 22, Avenue Georges Pompidou -- 39100 Dole
Site Internet :
www.clef-argent.org
Parution : mai 2005
140 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-908254-46-8

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L'Embardée
Ou
Les Quartiers d'hiver

Le narrateur, écrit à Clémence et à Charles à propos de L'embardée, appartement conçu par son arrière grand père et dont ses parents viennent de se débarrasser, à son grand désarroi et à sa grande colère. Lui même architecte et descendant d'une lignée ininterrompue d'architecte, interroge dans sa correspondance les fondations de sa vie : l'origine de sa vocation, l'emprise héréditaire et sa part scandaleuse, sa conception de l'architecture comme de la ville. Le livre, d'une très grande qualité d'écriture, déploie des palettes lexicales étoffées : en premier lieu, celles qui permettent à l'auteur de restituer les formes bâties, la matière des intérieurs et des façades ; il y a aussi le nuancier de lumières où il trouve de quoi rendre aux ciels d'hiver leurs beautés erratiques et ainsi baigner la pierre dans un grand éventail de teintes. L'Embardée, le livre, finit ainsi par apparaître lui-même comme un édifice majeur, conçu selon une architecture puissante et racée : des murs pleins d'une prose régulière, qu'interrompent des motifs verticaux, véritables flèches propres à crever la sérénité de l'espace et élevées sur la violence des rancoeurs à l'égard « des mères » puis « des pères ». On trouve un trait Faulknérien à ce livre, lié à l'ampleur de la phrase bien sûr, du monologue, à la manière dont sont mis en lumière les créances et les débits généalogiques, mais aussi, à la force d'un portrait que réalise Jean-Paul Goux dans la première partie de son livre, à l'ambivalence des éclairages qui découpent la silhouette d'un personnage, professeur d'architecture, que l'on contemple à distance, dans sa parfaite alternance de rehauts et d'éclats.

Jean-Paul Goux est né en 1948, à Vesoul. Il habite Paris et enseigne la littérature à l'université de Tours. Il est romancier (La Commémoration, La Maison forte, Actes Sud, 1995 et 1999...) et essayiste (Les Leçons d'Argol, essai sur Julien Gracq, Temps actuels, 1982, La Fabrique du continu, Champ Vallon, 1999... Il a également consacré un livre à la mémoire collective ouvrière de la région de Montbéliard, Mémoires de l'enclave, paru aux Éditions Mazarine en 1986 puis en poche, aux éditions Actes-Sud Babel, en 2003.


Jean-Paul Goux
Éditions Actes Sud
Parution : avril 2005
Diffusion/Distribution : U.D.
192 p. 18 €
I.S.B.N. : 2-74275-475-X

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Voix

Ces « Voix » sont celles des ombres que projettent le corps des hommes ; on dira L'ombre si l'on veut, la part obscure des êtres traînée derrière leurs pas. Et L'ombre harangue le corps, l'âme, l'esprit qui lui sont attachée ; elle ne cesse d'invectiver ses maîtres, rêvant d'un affranchissement d'esclave et d'une liberté inédite.
Pourtant, que serait l'ombre sans le corps ?

Benoît Deville est bisontin. Il est l'auteur d'un récit, Le Faux Identique, paru aux Éditions manuscrit.com.

Trois Lunes Éditions Enr. est un éditeur canadien qui ne vend que via Internet et qui a beaucoup de progrès à faire dans la conception et la réalisation des livres sur papier.

 


Benoît Deville
Trois Lunes Éditions Enr.
22, rue de l'Évéché Est
Rimouski (Québec) G5L Ix5
Mél. : troisluneseditions@hotmail.com
Site Internet : www.troisluneseditions.com
Parution : avril 2005
52 p. 3,20 €
(ouvrage photocopié et agraphé)
I.S.B.N. : 2-923416-00-7

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Le Dieu errant

Le Dieu errant est un recueil de nouvelles écrit à deux mains. Il est composé de trois nouvelles, constituées chacune d'un diptyque réunissant les contributions respectives des deux auteurs. Chaque « chapitre » opère un changement de point de vue, et/ou un déplacement chronologique. Le Dieu errant fixe ses différentes scènes sur un canevas brodé par le fil du désir : scènes oniriques du premier diptyque où une jeune fille rencontre le plaisir dans les bras d'un probable « dieu errant » s'incarnant en chien, ou en compagnie d'un homme à la présence d'une douceur rassurante ; moments de la vie d'un homme qui trouve soulagement à d'horribles migraines en présence d'une femme inconnue qu'il s'applique à suivre et dont il devient, en retour, l'ange gardien ; et pour clore, deux épisodes de la vie sentimentale d'une femme qui conduit sa vie amoureuse avec une grande exigence sexuelle. Le livre regorge de sensualité ou d'érotisme et chemine en équilibre sur une crête possible entre les deux. Ces nouvelles révèlent la belle complicité de deux écritures qui se répondent et s'électrisent à la manière de deux corps ; cette connivence (littéraire) fait un écho remarquable à celle (charnelle) que vivent au moins furtivement les personnages du livre et ainsi en amplifie le ressenti chez le lecteur.

Jacques Abeille est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages parmi lesquels, Le Veilleur de jour (Flammarion, 1987), Celles qui viennent avec la nuit (L'escampette, 2000) ou encore Les Jardins statuaires (Joëlle Losfeld, 2004).

Corinne Desportes a été journaliste littéraire et lectrice au Seuil.

 


Jacques Abeille
Corinne Desportes
Éditions Virgile
Parution : mars 2005
Diffusion/Distribution : Les Belles-Lettres
142 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914481-34-9

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Castor Paradiso

Le Castor Paradiso est le nom d'un cinéma situé à Besançon dans le quartier Battant, c'est-à dire de l'autre côté du Doubs, la rivière qui encercle le centre historique et cossu de la ville. Gravite dans les rues de ce qui fut une colline vigneronne puis un quartier ouvrier tout un petit monde interlope ; poivrots, maquereaux, cloches, putes, junkies ou dealers. Nous sommes en 1988, Mitterrand vient d'être réélu, certains dans la ville rose s'en réjouissent, d'autres s'en moquent. Les idéaux comme les regrets se soignent au comptoir. On boit parce que le monde est moche à force d'injustices ou de décadences, on invoque Lénine ou Goebbels, on est dans l'excès ou dans l'indifférence, dans la parole ou dans l'action.

Un jour débarque Samiah, « une madone berbère en rupture de ban » qui fait craquer toutes les braguettes de Battant. Certains voudraient la maquer, d'autres abominent son pedigree maghrébin. C'est que la ville a ses bouffées Le péniste et cul béni. Le Castor paradisio qui projette le film de Scorcese, La Dernière Tentation du Christ va être incendié et Samiah va disparaître, après avoir soutiré pas mal d'argent à quelques petits bras du patronat local, puis s'être vantée d'avoir essaimé son HIV dans tout le quartier.

On connaît la truculence de l'auteur, sa manière latino-franc-comtoise de serrer ses portraits au comptoir sur des personnages de Pagnol convertis au Pontarlier. On a la confirmation dans chacun de ses livres que c'est bien le sexe qui fait tourner le monde. Le désir flotte dans les bouges comme une fumée épaisse aussi perceptible que celle qui émane des sangliers sous le nez d'Obélix. Les personnages ont tous un bout noir au fond du coeur ; soit parce qu'ils sont perfides, violents, racistes, soit parce que la vie ne les a pas épargnés, remplissant dès leur naissance la colonne des débits. Le plus souvent ils cumulent les deux, les pensées pas proprettes et une histoire pas rose. Le livre regorge de calculs véreux, de cachotteries, de mesquineries. Si le monde peut encore être sauvé, son salut viendra d'une femme ou d'un métèque ; eux seuls n'ont pas de drapeaux à défendre, vu que ceux qui sont rangés derrière les méprisent profondément. Ainsi donc va l'histoire de Samiah, du Fouilleux, de Lécot, de Lautrec, des Krachnik, de Pablo, de Sofiane et de quelques demi âmes mal logées dans des corps imbibés et obscurs, que viennent zébrer de temps à autre, les regards lucides et clairs d'Anne et de Saïd.

C'est le quatrième roman noir que Mario Morisi signe sous le pseudonyme d'Absentès après Mort à la mère, J'aurai ta peau, Saxo et Achevez Cendrillon, tous trois parus aux éditions Vauvenargues respectivement en 2000, 2001 et 2002. Mario Morisi vit près de Dole.

 


Mario Absentès
Éditions Tigibus
Collection : Quartiers noirs
Adresse :
4b, place de Lattre de Tassigny
-- 25000 Besançon
Site Internet : http://editionstigibus.free.fr
Parution : juin 2005
208 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914638-13-2

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Fabrique de Faulx

Ce qui frappe d'abord c'est la stature tranquille des bâtiments. Cette grosse ferme-atelier semblant toute d'un bloc construite autour d'un point de fuite, ce cours d'eau dont Archange est le nom, avec le logis à côté, les dépendances, le verger, le potager, toute cette terre attenante et puis les bois et puis le bois, monceaux de bûches pour les hivers, là, si vite parvenus. On vient de l'herbe, de la terre et puis voilà la pierre, la solide pierre des bâtis, le bois et puis, le fer, la sombre masse du fer, partout le fer, dans les outils, le mécanisme, matière première bien sûr, parvenues en barres régulières, élancées, ressortant objets tranchants, fins et élégants.

L'histoire du livre est celle d'un écrivain venu en Franche-Comté parce qu'il a accepté de répondre à une commande : écrire un texte sur la taillanderie de Nans-sous Sainte-Anne, devenue aujourd'hui un écomusée. Il ne faut pas perdre de vue cette histoire de l'histoire en lisant Fabrique de Faulx. Elle imprime en arrière-plan du récit une sorte d'existentiel cinématographique ; celui des polars américains où un homme arrive un jour par un train dans un coin retiré où il n'avait jamais envisagé d'aller. Le parallèle s'arrête là, Darley ne joue pas avec la littérature de genre, il a bien assez à faire avec la sienne de littérature, les tas de tas de tas d'affaires en cours, comme il le dit dès la première phase. Non, ce qui nous retient à cette histoire de privé, c'est le côté « enquête peu excitante », l'humidité de l'herbe aussi peut-être, quand elle se couple à la solitude, aux chambres d'hôtel pour un et aux regards des vaches ; aux lieux qui ne sont que des endroits pour les souvenirs ; le côté contraint qui commence par une fouille instinctive, en aveugle, l'intime conviction de ce que furent les ombres disparues, la poussière d'un temps révolu, remuée, comme ça, façon cuillère à café qui touille le mitan de l'ennui. L'auteur empoigne son sujet avec une vague idée, une sorte de présomption : oui, il y a peut-être à l'origine de sa venue, le souvenir de son père, une faux à la main. Ensuite, une fois déroulée la pelote personnelle, il convient d'épuiser le lieu : description du site, des bâtiments, inventaire des outils fabriqués sur place (pour l'amour des noms), s'arrêter sur la matière travaillée, l'acier, soumise à la volonté entêtée de l'homme, récapituler la méthode, pointer la distance entre le bloc du départ et la finesse de la lame obtenue. Comprendre que dans cet écart avait tout lieu de se tenir l'orgueil. Noter l'omniprésence de l'eau, puis se tourner vers les gens, les Philipert, « fabricants de faulx », hommes domestiquant le feu, transformant le fer, saisir sur les visages photographiés en noir et blanc jaunis le saut des prénoms sur l'arbre des générations, Albert, Émile, la guerre, les morts. Remarquer le rôle des femmes, appelées pendant les combats de la bordure discrète au centre déserté et finir par prendre la mesure de cette vitesse qui engloutit à merveille les traits juvéniles de 1905 pour en faire des cadavres plus que décomposés un siècle après.

Puis s'en retourner par la route du sud « presque » en même temps que les hirondelles. L'enquête est finie, quelques jours ont passé, comme on voudra. Emmanuel Darley va reprendre " le fil des tas de tas de tas d'affaires ".

Fabrique de Faulx appartient à la collection Suites de sites, initiée par le Centre régional du Livre de Franche-Comté et le Musée des Techniques et Cultures Comtoises. Neuf ouvrages, à ce jour, portent ainsi le regards d'écrivains sur d'anciens sites industriels de la région. Paraissent simultanément : Fougerolles par Jean-Claude Pirotte et La Traversée de l'Europe par les forêts d'Alain Fleischer, ce dernier comme son titre ne l'indique pas, évoquant les lunetteries de Morez.

Emmanuel Darley publie régulièrement des textes pour le théâtre et des récits. À noter dans sa bibliographie déjà très riche, l'auteur a à peine 40 ans, le remarquable et remarqué Un des malheurs, paru aux Éditions Verdier en 2003.


Emmanuel Darley
Éditions Virgile
Collection : Suite de sites
Parution : 4e trimestre 2004
Diffusion/Distribution :
Belles Lettres
68 p. 10 €
I.S.B.N. : 2-914481-29-2

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La Table de veille

La Table de veille, troisième opus des carnets de Françoise Ascal après Cendres vives (Paroles d'aube, 1995) et Le Carré du ciel (Atelier de la feugraie, 1998 ), réunit des notes écrites entre 1996 et 2001.
La santé faiblissante de la mère de l'auteur entoure ces pages de sa clarté infime. Ainsi on dirait cette ouvrage écrit à deux, une y inscrivant   ses mots et l'autre, la ténuité de sa lueur finissante, son souffle à bout comme une bougie. La mort surviendra sur le fil de ce livre, versant les dernières pages du côté du deuil. Mais comme toujours chez Françoise Ascal, l'inquiétude ou la tristesse en jeu dans l'écriture se modulent au gré des saisons et la beauté des floraisons parvient encore à stimuler une sensualité éprouvée. On y retrouve la maison de Melisey en Haute -Saône, celle de l'Arpentée (Wigwam, 2003) : Trois jours à Melisey : nettoyage, feu, tailles et tontes.
B. a tracé pour moi un sentier dans les herbes qui mène à la rivière. Notre voisin nous offre un panier qu'il a tressé avec les jeunes saules du bord de l'eau.
Peu à peu, je me libère du sanctuaire.
Le sanctuaire enferme. Prison d'amour figé. L'amour circule mieux dans l'irrespect des formes. L'amour est plus fécond aujourd'hui où je m'autorise à décrocher tous les crucifix.
On y perçoit encore cette mélancolie douce propre à l'auteur, les renoncements passagers du courage, les moments de faiblesse que combat l'attention aux signes menus du beau dehors. La Table de veille trouve ainsi la force de laisser passer, parmi la tristesse de la perte, la beauté des couleurs saisonnières. Elle supporte le répit de humer ou d'observer le monde autant que la douleur de percevoir plus grande lassitude ( Les mots d'amour sont fatigués. Ont-ils une trop longue route à faire pour revenir au bord des lèvres ?) Elle accueille aussi des livres, ceux qui savent dire en une phrase le trouble qui vous assaillait sans nom (Ponge, dans le poème intitulé « La Table » : J'écris le plus souvent pour ma consolation... J'y vais (à ma table) comme à ma mère, à ma consolatrice. »


Françoise Ascal
Éditions Apogée
Parution : octobre 2004
Diffusion/Distribution : P.U.F.
96 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-84398-164-6

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La Traversée de l'Europe par les forêts

Gregor H. quitte la Transylvanie et la ville (imaginaire) de Mòrhàz, devenue cité roumaine. Nous sommes sans doute en 1935, au moment où la minorité hongroise subit les exactions des fascistes aux commandes à Bucarest. Il sait qu'à l'autre bout de la forêt qui oxygène le coeur de la vieille Europe, il y a la France, le Jura, et plus précisément encore, une ville jumelle et lointaine de Mòrhàz, berceau de la lunetterie française, Morez.
Gregor H. quitte donc Mòrhàz, la capitale des ciseaux (il en emmène quelques spécimens avec lui comme une richesse, un fil d'Ariane pour la mémoire et un talisman) pour Morez, capitale de la lunette et avant cela, pour une grande solitude dans la forêt. L'isolement et le silence fabriquent une durée vertigineuse et le vert des arbres est un miroir de l'âme. Ainsi, lorsqu'il parvient au terme de ce grand voyage, il ne sait pas très bien s'il est parvenu à traverser l'espace où le temps : autrement dit, est-il bien arrivé en France au terme d'un périple littéralement hallucinant et improbable de plusieurs centaines de kilomètres dans l'obscurité sylvestre ou n'a-t-il fait que tourner en rond et revenir à Mòrhàz en une époque différente de la précédente ? Morez n'est-elle pas la ville de Mòrhàz tombée par bonheur aux mains des Français et ainsi rebaptisée puis poussée à muter au point de remplacer, emblème pour emblème, le ciseau par la lunette ?

La Traversée de l'Europe par les forêts constitue sans doute le plus inventif des livres de la collection Suites de sites, dédiée à des sites industriels de la région. (Voir notamment Fabrique de faulx par Emmanuel Darley). Cette collection, créée conjointement par le Centre régional du Livre et le Musée des Techniques et Traditions Comtoises compte aujourd'hui neuf titres.

Alain Fleischer, photographe et écrivain prolixe, publie régulièrement aux Éditions du Seuil dans la collection Fiction and Cie créée par Denis Roche. Parmi ses publications récentes, citons La Hache et le Violon, Les Angles morts et Les Ambitions désavouées.


Alain Fleischer
Éditions Virgile
Collection : Suite de sites
Parution : 4e trimestre 2004
Diffusion/Distribution :
Belles Lettres
70 p. 10 €
I.S.B.N. : 2-914481-28-4

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Les Unités perdues

Les Unités perdues font l'inventaire, sur 90 pages, d'oeuvres égarées ou brûlées depuis des écrits d'Aristote jusqu'à ceux de Michelle Grangaud. Chaque mention comporte une phrase ou deux, rarement plus. Ce cortège d'événements est une sorte de travelling sur un paysage enfoui, un monde dicté par la disparition, l'inachèvement ou le renoncement. Car s'y côtoient les actes volontaires, malveillants, juste malencontreux et les occasions ratées.

La simple désignation de tous ces manuscrits brûlés ou égarés, de ces pellicules détruites, de ces tableaux recouverts, provoque un agréable vertige. Nous sommes sensibles devant le possible et le non advenu. Nous brûlons nous-mêmes au milieu de ces ombres qui fonctionnent comme des stimuli appétitifs, des énoncés suggestifs pour notre imaginaire. De fait, cette résurgence joue son jeu d'ombres sur la paroi de notre caverne et nous permet d'entrevoir une histoire possible du monde.

Le mérite d'Henri Lefebvre est de faire un objet de cette longue litanie de l'avorté ou du disparu : toutes ces oeuvres universelles qui n'ont pas connu, suite à un « accident », la durée qui leur était promise, ont aujourd'hui cette (deuxième) chance de réaliser ensemble ce livre dont il est à espérer qu'il ne disparaîtra pas.

La première version du Chant du monde de Jean Giono, inachevée, lui a été dérobée en 1933. Deux carnets manquent des Carnets Intimes de Sylvia Plath ; l'un perdu, l'autre détruit par Ted Hughes. L'autobiographie d'Agrippa a disparu, ainsi que son traité de géographie. Le 10 décembre 1853, un incendie ravage les entrepôts Harper, l'éditeur d'Herman Melville, et détruit tout le stock ; la demande étant insuffisante, aucune réimpression des romans de Melville ne sera faite de son vivant.

Notons que ce texte est d'abord paru « en feuilleton » dans l'excellente revue « If ».

Henri Lefebvre
Éditions Virgile
Parution : octobre 2004
Diffusion/Distribution : Belles Lettres
90 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-914481-31-4

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Bouquet autrichien

La collection Terres Neuves Littéraires est à coup sûr une initiative originale. Il s'agit, selon Jeanne Benay sa directrice, de proposer un concept traductif anthologique permettant, par des extraits de textes, de donner la parole à des auteurs de conviction, de sensibilité et d'écriture différentes, déjà distingués dans leur langue d'origine mais jamais encore traduits en français.
Ce parti pris anthologique implique parfois de ne publier que des extraits (c'est particulièrement vrai pour les romanciers), de sorte que cet ouvrage semble plus particulièrement destiné aux professionnels (les éditeurs pourront y faire leurs emplettes) et aux lecteurs de revues littéraires, habitués aux formes brèves ou inachevés et qui, il faut bien le dire, sont presque toujours des professionnels. Les auteurs ont entre 36 et 75 ans. Citons-les : Bettina Balàka, Alois Brandstetter, Lucas Cejpek, Manfred Chabot, Barbara Frischmuth, Margret Kreidl, Barbara Neuwirth, Andreas Okopenko, Annette Pehnt, Reinhard Priessnitz, Doron Rabinovici, Sabine Scholl et Peter Waterhouse.

Sous la direction de Jeanne Benay
Maé éditeurs
Collection : terres neuves littéraires
Parution : décembre 2004
Diffusion/Distribution : Vilo
190 p. 18 €
I.S.B.N. : 2-84601-716-6

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Lenz

Le 20, Lenz traversa les montagnes. C'est ainsi que commence ce court récit de Georg Büchner. Lenz se rend dans « la Sibérie Alsacienne » où un pasteur fait oeuvre de mission civilisatrice. C'est un mystique qui a perdu Dieu et souffre des disharmonies du monde et de la société des hommes. Il est fou, exalté, subit comme la foudre les malheurs des autres jusqu'à la sidération. Il fait corps avec la nature, aussi fragile que Werther ou que le jeune Jean-Jacques des Confessions .

Lenz est un livre qui est resté fiévreux malgré le temps ; inachevé, il porte en lui une manière si à vif d'être au monde, une sensorialité à la fois si dense et si malade que la charge émotionnelle du texte ne tarit pas à travers les années et que l'on en oublie, en le lisant, que ce monde n'est plus le nôtre ; l'intensité relationnelle de Lenz avec ce qui l'entoure révèle peut-être notre souffrance inconsciente de ne plus subir les choses elle-mêmes mais leurs images, leurs existences rapportées et lointaines. Auquel cas, ce serait alors paradoxalement son obsolescence qui ferait la modernité de ce texte. Lenz est comme un caillou jeté dans l'ascétisme et la glaciation des cités hautement technologiques.

Georg Büchner est un auteur connu pour un autre texte inachevé : Woyzeck, entre autres publié chez le même éditeur et régulièrement mis en scène.

Georg Büchner
Traduction : Irène Bonnaud
Éditions Les Solitaires Intempestifs
Collection :
traductions du XXIe siècle
Adresse : Château de la Bouloie, 1, chemin de Pirey -- 25000 Besançon
Site Internet : www.solitairesintempestifs.com
Parution : juin 2004
62 p. 7 €
I.S.B.N. : 2-84681-118-0

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La Mélodie préférée

La Mélodie préférée est celle d'un couple qui se sépare ; une musique qui scellait une histoire et en sublimait les beautés ; qui liait pour eux deux des événements et des nostalgies partagés. Le couple se sépare parce qu'il (François) n'aime plus elle (l'héroïne, le personnage du livre). Alors elle est désemparée ; elle se sent seule. Elle ne disparaît pas pourtant de la grande toile qui relie les êtres entre eux, du fait de leur proximité physique ou encore de leurs désirs. L'auteur dessine une sorte d'environnement humain pour son personnage, l'écriture déroulant dans le paysage comme après un ballon qui roule, pami les passants, les témoins, les autres : il y a Jean-Louis, le patron du bar où elle va boire son café et qui est secrêtement épris d'elle ; Marc, qui entre par hasard dans ce même bar. Et ces points de contact conduisent à d'autres. Marc a une femme, une maison nouvelle. Jean-Louis aussi est marié. Son bar accueille d'autres clients, un groupe de jeunes surtout, parmi lesquels on en distingue un plus particulièrement à cause de ses cheveux longs. Il y a aussi Laurent, l'ami de François, l'homme qui l'a quittée.

Arnaud Friedmann extrait les personnalités de cette ronde ordinaire pour les faire exister à tour de rôle ou ensemble, parfois furtivement, parfois de manière plus durable. La Mélodie préférée dit, l'air de rien, qu'il n'y pas le vide quand on croit au vide, qu'il y a toujours des regards dans lesquels se rattraper lorsque l'on tombe.

C'est le deuxième roman que publie Arnaud Friedmann, après Le Chemin au bord de la mer (Éditions Gunten, 2003) autre plongée dans une petite faille au bord du couple et qui s'amusait déjà des conséquences disproportionnées d'un acte.

Arnaud Friedmann
Éditions Gunten
Collection : Adélaïde
Adresse : 10, place Boyvin -- 39100 Dole
Parution : décembre 2004
238 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-30-9

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Pris au piège

On peut être tenté d'inscrire Pris au piège sur le fil autobiographique de son auteur, quelques décennies avant Le Drap, le précédent récit publié par Yves Ravey. Le petit garçon narrateur se nomme en effet Lindbergh, prénom plutôt rare et éthéré que portait déjà dans Le Drap, le fils confronté à l'agonie de son père, Carossa. Dans Pris au piège aussi, le père se nomme Carossa. Or, il ne faisait aucun doute que Le Drap résultait d'éléments autobiographiques. Mais le plus tentant est de réunir ces deux textes en un diptyque initiatique, chacun de ces deux épisodes consacrant l'avènement de l'écriture : du point de vue symbolique on dira alors que le Drap ultime tiré sur le corps du père « apporte » la page blanche sur laquelle écrire et les insectes invisibles de Pris au piège, les lettres, la graphie. Car il est question d'insectes dans Pris au piège comme nous le verrons plus tard. L'écrivain Lindbergh Carossa se construirait alors à travers deux scènes fondatrices, montrant respectivement un père mourant (dans Le Drap) et amant dans Pris au piège. L'hypothèse est séduisante. Il est vrai qu'à fouiller ce parti pris de lecture, on finit par trouver des similitudes dans la réception des événements, autrement dit, dans la manière dont la réalité est subie par Lindbergh. Pris au piège de son regard impuissant, d'une présence encore démunie de tous les outils nécessaires à la compréhension des adultes, Lindbergh voit le monde dans ce dernier livre comme il le voyait déjà dans le récit précédent d'Yves Ravey : à la dérobée. Ici, ce ne sont plus les présences muettes d'un père mais des scènes de voisinage qui entrent dans le champ visuel du petit garçon et avec elles, un certain parfum des années cinquante. Pris au piège est une sorte de huis clos avec jardin, une Fenêtre sur cour, un exercice de voyeurisme infantile qui se structure sur deux niveaux selon un procédé narratif que les éditions de Minuit ont un peu institué en marque de fabrique : en effet, pendant que nous assistons avec Lindbergh au pourrissement des relations conjugales d'un couple de voisin (les Domenico, rongé par le parasite de la jalousie), on s'interroge sur l'éventuel pourrissement des structures des maisons de quartier sous l'action d'une invasion de capricornes. Dans Montparnasse reçoit, la maison était envahie par les cafards. Comme dit Alfredo dans Dieu est un steward de bonne composition que l'auteur publie en même temps : de l'extérieur, tu n'as rien et dedans, c'est infecté.

Ou écrit, pourrait-on rajouter, en pensant aux regards de Lindbergh l'écrivain.

Yves Ravey est bisontin. Pris au piège est son dixième livre. Voir parmi les nouveautés, la présentation de Dieu est un steward de bonne composition.

Yves Ravey
Éditions de Minuit
Parution : janvier 2005
Diffusion/Distribution : Volumen
112 p. 10 €
I.S.B.N. : 2-7073-1897-3

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Le Silence

La disparition subite d'un homme, entre la gare et le domicile de son fils, plonge toute une famille dans l'angoisse. Le Silence est une histoire vraie, l'écrivain adoptant le point de vue de l'épouse pour décrire les événements et les sentiments qu'ont engendré ce drame.

Élisabeth Monnot
Éditions Gunten
Collection : Témoignages
Adresse : 10, place Boyvin
-- 39100 Dole
Parution : janvier 2005
168 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-27-9

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Le Tapisseau Byzantin

Nous sommes à Marseille de nos jours. Un homme, Aloxandre, que sa femme vient de quitter, emménage dans un nouvel appartement. Il a une petite fille, Marie, dont il partage la garde et travaille dans le service des archives. Suite à un drôle de hasard, il fait la connaissance d'une jeune femme, Gabrielle, doctorante d'origine italienne (par sa mère) et qui va devenir sa maîtresse. Le métier d'Aloxandre incite Gabrielle à faire des recherches sur sa famille dont elle connaît très peu l'histoire. D'autre part, il y a dans l'appartement d'Aloxandre, disposée sur un des murs, une vieille tapisserie effilochée faite à la main et à laquelle, Marie s'est attachée. Aloxandre est intrigué puis obsédé par cette broderie. Le nouveau couple décide alors de reconstituer l'histoire du Tapisseau byzantin ; d'en dénouer les fils originels pour parvenir, si possible, à découvrir la Pénélope qui se cache derrière l'ouvrage.

Christelle Ravey a conçu son roman comme un morceau d'étoffe, entrelaçant au fil des pages les différents motifs de son récit. Ainsi, les chapitres font alterner les époques et découpent des bouts d'histoire, celle de la famille de Gabrielle, d'une certaine Cassiopée, celle aussi du Marseille d'avant-guerre, de l'émigration grecque et de la création dans le sang de la république Turque.

C'est le deuxième roman de Christelle Ravey, bisontine de naissance, après De couleur...mauve, édité également par Ancre et Encre.


Christelle Ravey
Éditions Ancre et Encre
Adresse : 49, cours Tolstoï
— 69100 Villeurbanne
Site Internet : http://www.ancretencre.com
Parution : février 2005
270 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-914029-25-x

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XOO le Primate

Un jeune homme sort d'une très longue période d'hibernation dans une grotte du Jura. Accompagné de deux jeunes (nouveaux amis), il va bientôt retrouver ses esprits, acquérir notre langue et développer des pouvoirs très supérieurs à ceux que l'on prête à nos ancêtres. Xoo et son frère Faa, revenu à son tour à la vie peu de temps après, sont investis d'une mission. Ils ont huit millions d'années. Mais avant d'exercer leur pouvoir pour le bien être de l'humanité, ils vont devoir échapper à la police, convaincre les instances politiques planétaires et venir à bout d'une mystérieuse organisation clandestine.

C'est le premier livre de Michel Louis, par ailleurs ostéopathe dans le Jura.

La Société des écrivains est une maison d'édition à compte d'auteur.

Michel Louis
La Société des écrivains
147, Boulevard Saint-Honoré -- 75001 Paris
Parution : juillet 2004
294 p. 21 €
I.S.B.N. : 2-7480-1843-5

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Lettres de Paris

À Paris, entre septembre 1920 et février 1923, Ezra Pound rédige, pour un journal américain avide d'informations européennes, de nombreuses lettres (dont douze sont ici publiées). Sans complaisance, il loue « l'intelligence » des dadaïstes, évoque le goût trop « domestiqué » de La Nouvelle Revue Française incarnée par Proust, Gide ou Valéry ou, encore, décortique la récente publication et rapide censure de Ulysse du « génie » Joyce.
Jean-Michel Rabaté, dans sa brillante introduction, écrit que « presque tous les grands poètes américains du vingtième siècle ont commencé à écrire les yeux tournés vers la France : T.S. Eliot (...), Wallace Stevens (...) et Pound, enfin, qui plaçait au sommet des vertus nécessaires à l'artiste complet une intelligence critique à la française, et qui, plus que Stevens ou Eliot, était familier des milieux littéraires et artistiques parisiens, avait depuis toujours caressé l'idée de faire de Paris la capitale de la nouvelle renaissance pour laquelle il avait milité sans relâche à Londres. »

À la fois lucide, cinglant et rageur, Pound, à travers ses lettres, montre déjà (tandis qu'on le voit confronté à son oeuvre-vie : Cantos) son amertume et ses futures positions radicales.

Ezra Pound
(traduction de Marie Milési)
Éditions Virgile
Parution : mai 2004
Diffusion/Distribution : Les Belles Lettres
160 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-914481-25-X

 
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De couleur... mauve

Anette est une vieille dame qui veille sur Lucile, la petite fille aux parents absents (en voyage ? morts ? indisponibles ?) et qui à chaque veillée de Noël invite une personne en piochant son nom au hasard dans l'annuaire. Après plusieurs années, un petit noyau soudé s'est constitué d'artistes et d'égarés (Rodolphe, Marcus, Loïc...) qui maintiennent une affection au milieu d'eux comme on attise le feu d'une cheminée. La petite fille papillonne parmi ce petit monde et c'est son regard qui dessine le livre et ses couleurs. Le monde est habitée d'une âme enfantine (la nuit est une grande personne qui tombe sur la ville alors elle cache la lumière) et les situations, comme les histoires entre les adultes sont des devinettes, des choses mystérieuses dont on ne connaît que les couleurs.
De couleur... mauve est le premier roman (attachant) de Christelle Ravey, native de Besançon et aujourd'hui installée à Lyon.

Christelle Ravey
Éditions Ancre et Encre
Adresse : 49, cours Tolstoï
— 69100 Villeurbanne
Site Internet : http://www.ancretencre.com
Parution : mars 2004
188 p. 7,80 €
I.S.B.N. : 2-914029-21-7

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Chronique d'un Barbare

Nous avons déjà dit d'Edmond Dulongrais qu'il était un distrait. Nous pourrions ajouter qu'il était aussi un timide ou plus exactement un incertain. En homme habitué à toujours envisager dans une situation le « pour et le contre », à ne juger les comportements de ses semblables qu'à partir de critères dûment analysés et par conséquent contradictoires, Edmond Dulongrais eût aisément passé pour un être un peu falot comme du reste semblait l'être Jean-Luc.

Chronique d'un barbare est une intrusion dans le quotidien d'un homme parvenu aux années crépusculaires de son existence et aux prises avec l'éloignement progressif des désirs et du monde ; veuf, père de deux enfants qui ont l'âge de quitter le foyer familial et de devenir différents de leur père, Edmond enseigne à l'université et vit douloureusement le recul du savoir comme valeur. Les couloirs de la faculté seront d'ailleurs le théâtre de quelques mauvais coups et ambitions tricheuses de trop ; elles suffiront à moucher la dernière lueur qui animait le vieux prof de Grec, « le barbare », comme est désigné celui qui n'adhère pas aux codes et aux rêves de la cité.
Edmond vit dans la contemplation des ruines : celles de ses croyances et de sa vie. Si l'auteur soigne cet aspect doux-amer, son ton ne bascule jamais dans la noirceur ; son personnage n'est pas aigri et trouve des compensations à l'ingratitude de l'existence dans la force de sa pensée. Le quotidien, une fois libéré des plus hautes ambitions, sait encore distiller de beaux moments. Edmond apprend en quelque sorte à s'arrêter et on s'attache à sa compagnie grâce à la finesse de l'écriture de Marie-Odile Goudet qui dessine à merveille sa silhouette un peu courbée et les traits de sa pensée vivace et désabusée.

Marie-Odile Goudet
Éditions Gunten
Collection : Adélaïde
Adresse : 10 lace Boyvin -- 39100 Dole
Parution : septembre 2004
184 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-24-4

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Le Silence des roses
(un été 1944)

Ce récit s'articule autour d'un épisode dramatique de la résistance et prend place lors des jours particulièrement sanglants qui ont accompagné la débâcle et le retrait de l'armée allemande en Franche-Comté. L'auteur part d'un fait réel, l'exécution par les SS de deux jeunes gens juste avant la Libération, et veille, dans sa reconstitution des jours qui précèdèrent ce triste événement, à rendre à l'Histoire et aux sentiments des hommes qui la font, toutes leur complexité. C'est déjà là la force d'un livre que de ne pas se laisser séduire par la seule émotion de son propos. Roger Faindt s'emploie donc à tisser les motifs secondaires avec autant de conviction qu'il en met à raviver la mémoire des protagonistes de son récit. Il dépeint l'inexpérience des maquisards (souvent âgés de moins de dix-huit ans), et ses conséquences dans quelques situations critiques ; il questionne le machisme des dirigeants de la résistance au travers l'affrontement « du chef local » et d'une femme engagée à ses côtés ; il décrit les liens pas toujours simples qui se sont tissés entre occupants (non SS) et occupés, mais aussi entre occupés et résistants sans que ce refus du manichéisme ne laisse planer le moindre doute sur le point de vue moral de l'auteur. Enfin, son style sait restituer le mélange de peur et de bravoure chez tous les protagonistes et rendre palpable l'angoisse de tous les instants, comme si la présence de la mort mouillait le paysage, les minutes intenses, la tessiture des voix.

Roger Faindt est né en 1956 à Besançon. Le Silence des roses est son sixième roman publié après Le Souffle du passé, Quand les ombres s'allongent, La Lettre de Charlotte, Le Pays des Ilithyes et Délivre des maux, parus respectivement aux Éditions Marie-Noëlle, Caracter's et Aréopage (pour les trois derniers cités).

Roger Faindt
Les Éditions du Sekoya
Parution : septembre 2004
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
208 p. 19,50 €
I.S.B.N. : 2-84751-026-5

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Cigarettes littéraires

Cigarettes littéraires, premier titre de la toute nouvelle collection de l'éditeur dolois Gunten (soeur jumelle de la collection « un endroit où aller » chez Actes Sud) dresse avant tout le portrait de Martial, professeur de français cultivé mais bavard, didacticien ergoteur, bon orateur de mauvaise foi et prêt à retourner sa veste pour séduire la toute nouvelle recrue, Véra Diamanti, ex plus-jeune-agrégée-de-France. Les discussions (dissertations ?) vont bon train et les sujets ne manquent jamais avec lui : faut-il aimer Chateaubriand ou Stendhal, que penser de l'emploi de l'imparfait chez Proust et chez Flaubert, doit-on emmener avec soi lors d'un voyage scolaire de fin d'année Suétone ou Tacite ? Malgré toute cette science accumulée, Martial est un homme comme les autres qui parfois sait reconnaître ses erreurs : On échoue toujours à parler de ce qu'on aime, dit il. Il s'imposa de traiter des auteurs qu'il n'aimait pas et, pour ceux qu'il aimait, les extraits qui lui plaisaient le moins.

Daniel Destarac
Éditions Gunten
Collection : Adélaïde
Adresse : 10 lace Boyvin
-- 39100 Dole
Parution : septembre 2004
172 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-26-0

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Le Médecin de Lhassa

Betty Bloch est une universitaire spécialiste de l'histoire tibétaine aux airs de Fantomette ou de Tintin. Elle se rend à Katmandou pour son travail et trouve, dans les affaires d'une mendiante enlevée sous ses yeux, une peinture religieuse d'une valeur inestimable. Cette relique conduira notre apprentie détective sur les traces d'une peu scrupuleuse compagnie pharmaceutique et l'amènera à croiser la route hautement dangereuse des services secrets chinois.

Comme dans ses précédents livres parus dans la collection Mystère et boule d'Opium (L'Affaire du manuscrit tibétain, Le Mystère des cinq stupas, Une vengeance tibétaine) Bernard Grandjean tisse la toile d'une intrigue pour mieux nous faire partager sa passion pour la culture tibétaine. Cette virée à Katmandou nous permettra donc de croiser un Mani-pa, de s'initier à l'art du thang-ka et de consulter à plusieurs reprises un médecin tibétain qui connaît par coeur, entre autres, les vertus aphrodisiaques de la dactylorhiza hatagirea.

Bernard Grandjean est franc-comtois d'origine. Il vit aujourd'hui à Strasbourg.

 

Bernard Grandjean
Éditions Kailash
Parution : 2004
Diffusion/Distribution :
Harmonia Mundi
242 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-84268-106-1

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D'île et de mémoire

Claude Louis-Combet poursuit avec D'île et de mémoire son voyage vertical, ce projet autobiographique dans lequel il configure les expériences majeures de [s]on enfance et de [s]on adolescence afin d'en dégager une signification (...) dans l'espace du texte. Dans ces six courts récits, il déplie la mémoire d'un être absent du monde, habité par la tentation, le sentiment de culpabilité et l'incapacité à s'insérer mais qui en trouvant refuge dans le rituel de l'écriture est parvenu à assumer son existence retirée de l'oppression du silence. Il interroge ainsi son enfance (rêveuse), son adolescence (découverte du corps/plaisir et du corps/souffrance), son expérience monacale (entre sacré et profane) et son entrée dans l'âge adulte (où l'acte d'amour se rapproche de la mort). Le recours à l'écriture, avec son luxe de fictions et ses avancées de poèmes, prit une allure de nécessité intérieure. Par définition la solitude nous isole de l'autre (...) je lis dans l' insula du latin comme dans l'isola de l'italien, la racine de solitude qui a disparu de l' île du français. Le sentiment d'abandon, l'état de manque, le silence et la dissimulation rendent le solitaire inadapté à la société de communication. Mais, comme Pascal Quignard dans les Ombres errantes (Sans solitude, sans épreuve du temps, sans passion du silence, sans excitation et rétention de tout le corps, sans titubation dans la peur, sans errance dans quelque chose d'ombreux et d'invisible, sans mémoire de l'animalité, sans mélancolie, sans esseulement dans la mélancolie, il n'y a pas de joie. Claude Louis-Combet, nous démontre qu'il n'y a pas de fatalité. Parce qu'il sait ce que le silence contient, le solitaire (en création) doit trouver dans le silence des mots sa réponse à l'inflation verbale. L'application à l'écriture en toute sa rigueur de forme et en sa discipline morale, entretient le recueillement, le goût du silence, l'attention du coeur, le respect de la langue, le renoncement à l'extériorité.

Claude Louis-Combet est né en 1932 et vit à Besançon. Il a écrit et publié plus d'une trentaine de livres d'artiste, nouvelles, poèmes, romans, essais. Son dernier livre, Terpsichore et autres riveraines, est paru chez Fata Morgana en 2004. Il dirige, en outre, la collection « Atopia » aux éditions Jérôme Million qui a pour vocation de rééditer des textes mystiques ou spirituels anciens. Le premier numéro de la revue Verrières, deuxième série vient de lui consacrer tout un dossier en écho à l'hommage qui lui a été rendu au printemps dernier à Paris.

Claude Louis-Combet
Éditions Corti
Parution : 3e trimestre 2004
Diffusion/Distribution : Seuil / Volumen
90 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-7143-0880-5

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Le Vrai Faux Carnet de Saddam Hussein
(chronique des derniers jours de liberté)

Grâce à ce roman de politique-fiction, nous apprenons (nous sommes en 2327) que le déclin de l'Empire américain a débuté en Irak, que Bush a perdu les élections de novembre 2004 et que la Chine est devenue la première puissance mondiale. Tout commence donc à Tikrit, quand le narrateur (historien) découvre dans une cache souterraine le carnet rédigé par Saddam Hussein durant sa fuite. Et Saddam en avait des choses à dire : sur la politique internationale, les USA, les femmes, l'Europe, les militaires, la France, les supermarchés, la télévision, Louis XIV, Napoléon (Tikrit est ma Sainte-Hélène), Castro ou encore Staline (Je revendique le titre de dernier chef d'Etat Stalinien.) Depuis son antre, il jauge, il juge (ses références et modèles sont très français), s'amuse à compter les morts, fait de la psychologie, de la sociologie, en attendant la libération qui ne viendra qu'après une dernière trahison.

Stéphane Babey
Les Éditions du Sekoya
Parution : septembre 2004
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
116 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-84751-024-9

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Avant l'éclipse

Les six nouvelles qui composent ce livre ne disent jamais je. Le récit est conduit par le tu, le vous, une fois par un on. Ce sont des moments d'extrême lucidité, d'extrême solitude parfois, si bien que l'on sent rapidement que sous ces apostrophes (tu ou vous) parle avec élégance un je qui ne croit plus en lui. Ou plutôt à cette singularité qui fait naître la ferveur. Avant l'éclipse n'est pas triste. Il compose avec la ferveur enfuie.

Dans le premier récit, Vous est témoin d'une éclipse à Porto ; puis vous est un facteur qui ne distribue plus le courrier. On s'avance dans l'été, deux fois, tandis que Tu appartient à la nuit moite et à l'alcool qui l'enrobent de ses futurs connus, Tu est l'autre traversant les paysages mornes et puis une nouvelle fois la nuit le prend, pour conclure ce recueil sur une insomnie. La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil écrivait Char ; si près qu'elle en provoque l'éclipse.

Il s'agit entre ces lignes et au-delà des récits, de jauger une distance entre soi et le monde ; de l'un au monde, reflétée dans la matière molle et lente d'une insomnie, d'une attente, d'un effondrement de la clarté ordinaire. La vie s'organise peut-être bien comme le ciel : entre enfer et paradis il y a les limbes ; Avant l'éclipse est un livre des limbes. Dans ce lieu où il est dit que les enfants morts avant d'être baptisés errent à l'infini, doit bien également errer cette désillusion qui appuie sur nos épaules, plus fort avec l'âge passant. Doit bien se perdre celui qui ne dort pas et dont la pupille s'est accommodée à l'irrésolu comme il s'accommode de la pénombre ou d'un jour atone : flotter comme une épave dans les eaux vides du dimanche dit le texte qui distille harmonieusement les nappes de lucidité issues de la combustion des heures charnières.

François Migeot est enseignant-chercheur à l'université de Franche-Comté. Son dernier livre paru s'intitule Ambiguité et glissement progressif du sens chez Alain Robbe-Grillet.


François Migeot
Éditions Virgile
Parution : octobre 2004
Diffusion/Distribution :
Belles Lettres
92 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-914481-32-2

Trois Figures du Malin

Trois figures du Malin est le dernier recueil de nouvelles publié par Christian Cottet-Emard aux éditions qu'il dirige lui-même, Orage-Lagune-Express. Son précédent livre, Le grand Variable, (éditions Éditinter, voir Verrières n° 8) montrait très bien son talent à fouiller le quotidien dans sa matérialité ordinaire, la chétive vie à hauteur de comptoir, d'ennui ou de railleries anti-sociales. Ces trois nouvelles donnent l'occasion à l'auteur de gambader dans un nouveau territoire, celui de la cinquième dimension (certains diraient) ou tout au moins de l'extraordinaire.

Christian Cottet-Emard vit aux confins du Jura et de l'Ain. Il est né en 1959 et pratique tous les genres littéraires (poésie, nouvelle, essai, roman...)

Christian Cottet-Emard
Orage-Lagune-express
Adresse : 30, rue Pierre Dupont
—  01100 Oyonnax
Site Internet :
http://www.orage-lagune-express.com
Parution : janvier 2004
50 p. 6 €
I.S.B.N. : 2-913901-09-3

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La Poursuite du Passé

Un Alsacien, d'abord enrôlé de force dans l'armée allemande puis volontaire pour combattre « les bolcheviques » dans la division Charlemagne, s'est refait une identité et une vie en Franche-Comté jusqu'au jour où, dans les années 50, des anciens compagnons d'uniforme lui demandent de les aider dans leur fuite. L'homme s'exécute et exécute des agents des services de renseignements israéliens remontés jusqu'à lui sans qu'aucun remords ne vienne troubler son nouveau bonheur conjugal. D'ailleurs personne ne troublera ce bonheur-là. Même pas l'adjudant-chef de gendarmerie qui aura recollé toutes les pièces du puzzle. Le livre s'accommode tranquillement de sa chute immorale sous prétexte que tout homme a en lui quelque chose de foncièrement bon capable de racheter le reste. Les SS sont peints sous des traits plutôt sympathiques. Les agents du Mossad sont ridiculisés. On est pour le moins perplexe.

C'est le deuxième livre de Didier Tarin aux éditions Cêtre après Te souviens-tu d'un dimanche à la campagne ?

Didier Tarin
Éditions Cêtre
Parution : mars 2004
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
216 p. 18,80 €
I.S.B.N. : 2-87823-129-5

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Les Friches heureuses
et
Au fil du fer

Olivier Bleys et Fabienne Pasquet sont deux auteurs accueillis en Franche-Comté pour des résidences d'écriture mises en place par le Centre Régional du Livre avec l'aide du Conseil Régional. Celles-ci permettent à des écrivains de séjourner quelques mois dans la région. À l'issue de ces résidences, le centre Régional du livre s'engage à publier et à diffuser des textes écrits pendant ou en regard de cette période. Ainsi, Au fil du fer, récit construit autour de quatre générations de femmes a-t-il trouvé une partie de ses décors dans le Jura où Fabienne Pasquet, auteure entre autres de La Deuxième Mort de Toussaint Louverture aux éditions Actes Sud, a résidé durant l'automne et l'hiver 2003. Le livre Les Friches heureuses, paru suite à la venue à Bourogne (90) d'Olivier Bleys (Pastel, Le Fantôme de la tour Eiffel, L'Épître à Loti ...) et illustré par Benjamin Bozonnet, relève plus quant à lui d'un réflexion sur le temps, la vie en dehors des villes et le devenir des utopies nées des philosophes comtois Fourier et Proudhon.
Les ouvrages publiés par le Centre Régional du Livre sont gratuits et peuvent être obtenus sur simple demande. Rappelons les autres titres encore disponibles dans la même collection : Renaud Ego, S'il y a lieu, Sandra Moussempès, Hors Champ, Robert Piccamiglio, On a à faire à l'existence, Christophe Blangero, D'un possible retour à fil perdu, Yves Laplace, Dits et songes du mur.

 

Les Friches heureuses
Olivier Bleys
40 p. Gratuit.
I.S.B.N. : 2-913474-15-2

et

Au fil du fer
Fabienne Pasquet
56 p. Gratuit.
I.S.B.N. : 2-913474-16-0
 
Deux publications du Centre Régional du Livre de
Franche-Comté
Parution : avril 2004

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Les Enfants de la Vouivre

Just Mouthier travaille dans son atelier de reliure rue Battant à Besançon. Entre deux gorgées de café, il repense à son enfance et revient sur la terrible tragédie familiale quand, à quinze ans, il rencontre Maurine Lucas, fille unique du nouveau châtelain. Il est alors l'aîné d'une famille de paysans du Haut Doubs. Ils s'aiment. Mais leur histoire d'amour va tourner au cauchemar lorsque le père de Just (tandis qu'il revient en cachette au château récupérer un papier qui lui appartient) reçoit dans le dos une balle tirée par le domestique du père de Maurine. Just ne revoit pas Maurine et son père meurt. Il doit désormais venir en aide à sa famille. Il part à Besançon, apprend son métier d'homme et devient relieur. Mais il n'a toujours pas digéré la mort de son père qu'il espère venger même si, par ailleurs, il n'attend qu'une chose : revoir Maurine.

Michel Dodane aujourd'hui vit à Paris. Originaire de Franche-Comté, il revient, à travers ce roman, dans la région qui l'a vu naître.

Michel Dodane
Éditions Albin Michel
Parution : mai 2004
Diffusion/Distribution :
Albin Michel / Hachette
300 p. 19,50 €
I.S.B.N. : 2-226-15114-1

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Amer Chocolat

Amer chocolat, c'est celui que goûte Michel et Thérèse à l'automne 44, dans le train qui, affrété par la Croix-rouge, les conduit dans la région de Zurich. Ils ont laissé leur famille du côté de Belfort, dans cet Est où l'armée allemande se regroupe, à la veille de sa débâcle. Les enfants fuient les bombardements et la famine. Michel a 14 ans. Thérèse 6. Il est son oncle, son copain, son protecteur, celui qui doit assumer toutes ses petites bêtises mais qui puise aussi de la force dans l'innocence qui les provoque. L'histoire est celle des années d'occupation et des mois passés dans des familles d'accueil, de l'autre côté de la frontière. Celle aussi de l'auteur.

Les derniers livres publiés de Marie-Thérèse Boiteux l'ont été aux Éditions France-Empire ; ils ont pour titres Les Neiges de la Sainte-Catherine, Les Renards cuisent au four et Les Planches du Roi.

Marie-Thérèse Boiteux
Éditions Sekoya
Parution : avril 2004 Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
194 p. 19,50 €
I.S.B.N. : 2-84751-023-0

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Le Moine noir

Le maître de conférences Kovrine, à qui l'on promet une belle carrière universitaire, s'est tant démené qu'il a sacrifié sa santé à l'idée. Epuisé, il choisit de partir en villégiature chez son tuteur. Mais les foudres de l'amour, les visions hallucinées d'un moine noir et les premiers signes de la tuberculose ne le laisseront pas en paix. Ce texte écrit en 1893 est, pour deux raisons, troublant. D'une part, on prétend que Tchekhov aurait vu en rêve par une belle après-midi d'été un moine noir, qu'il aurait été hanté par cette vision et qu'il aurait écrit cette nouvelle pour s'en débarrasser. Par ailleurs, écrit Françoise Morvan, les dix années qu'il lui restait à vivre, Tchekhov allait les passer à se révolter contre les soins qui sont exactement ceux que l'on impose à Kovrine, (…) tout est ici à la fois prophétisé et mis à distance.

Cette nouvelle traduction de Françoise Morvan et André Markowicz a été créée au Théâtre Royal de Mons, Belgique, par Denis Marleau.

Anton Tchekhov
Éditions Les Solitaires Intempestifs
Collection : Traductions du XXIe siècle
Château de la Bouloie, 1, chemin de Pirey — 25000 Besançon
Site Internet : www.solitairesintempestifs.com
Parution : janvier 2004
96 p. 9 €
I.S.B.N. : 2-84681-075-3

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La Chaîne cassée

Une jeune fille est retrouvée morte sur une plage. Le livre reconstitue le réseau relationnel de la victime en s'appuyant sur le déroulement de l'enquête policière ; l'auteure rassemble donc les pièces d'un puzzle et relate minutieusement les événements qui séparent le meurtre, du procès d'un coupable présumé. Pourtant, au fil des pages, nous comprenons que cette trame n'est qu'un motif secondaire dans le canevas élaboré par Marie-Thérèse Renaud ; un contrepoint pour mieux souligner que c'est bien les liens qui nouent les vies entre elles qui est la plus fascinante des énigmes.
La Chaîne cassée comme le premier roman de l'auteure, Raconte Grand-Mère, chemin de vie (Éditions Cabédita), est un portrait de groupe avec une figure féminine dominante, en l'occurrence ici, Marie-José, dont la mort de la jeune fille inconnue va interroger et ééprouver l'édifice de sa vie.

Marie-Thérèse Renaud
Éditions Cêtre
Parution : mai 2004
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
206 p. 19 €
I.S.B.N. : 2-87823-133-3

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Les Mémoires de Caramel

La vie d'un couple vue par leur chien (Caramel) et sous forme d'une suite de saynètes proche du show télévisuel avec tous les petits piments de la vie à deux : un préfère la ville et les boutiques tandis que l'autre rêve de campagne, un se lève tôt et l'autre jamais avant midi... Le texte use de tout le lexique intime pour se faire aimer, distille au fil des pages les petits noms affectueux, véritable fourre-tout des tendresses et des agacements et construit ses effets comiques autour des scènes ménagères, du four micro-ondes, des courses au supermarché, des déménagements et des loisirs (rêvés en) solitaires.

José Gauderon
Empreinte Éditeur
Adresse : La belle étoile, — 25770 Franois
Collection : Onirique
Parution : juin 2004
118 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-913489-31-1

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L'Adieu aux abeilles
et autres nouvelles

Alexandre Voisard est né en 1930 à Porrentruy dans ce qui deviendra l'État-canton hélvétique du Jura au terme d'une lutte à laquelle il prendra toute sa part. Poète et prosateur, il a à ce jour publié plus d'une vingtaine d'ouvrages aux Éditions Empreintes, Bertil Galland, l'Aire et Bernard Campiche. C'est sous l'habit toujours aussi soigné et élégant de ce dernier que Voisard publie ce court recueil de nouvelles au ton libre, enjoué, parfois percutant. Ces histoires qui mettent en scène un apiculteur moribond, un artiste éconduit, un pêcheur bredouille et solitaire, un facteur amoureux, une prostituée très engagée politiquement, un peintre aux prises avec ses alcools et ses souvenirs et un employé à qui le costume étroit sied hélas à merveille, n'ont pas à proprement parler de lien entre elles si ce n'est la manière dont le chef cuisinier Voisard dose sa sauce dans laquelle mijote doucement ses personnages. Le livre brille de cette juvénilité si particulière (avec son soupçon de cabotinage, sa gourmandise, son zeste d'amertume, sa pincée libidinale, son côté débraillé du " ho ! vous savez à mon âge ! ") qui rattrape un jour certains hommes à un âge qu'on dit aussi " certain ".

Voilà comment je cahote. Je frôle jour après jour les abîmes où je souhaite que mes souvenirs disparaissent plutôt que ma peau et mes os. Peut-être les ivrognes ont-ils, après tout, une espèce de grâce semblable à celle des somnambules dont on dit qu'il ne peut rien leur arriver lors de leurs balades nocturnes sur les toits, « à condition qu'on ne les réveille pas » ?

Alexandre Voisard vit actuellement à Courtelevant dans le Territoire de Belfort. Paraît simultanément chez le même éditeur un recueil de poésie intitulé Fables des orées et des rues.

Alexandre Voisard
Bernard Campiche éditeur
Parution : novembre 2003
Diffusion/Distribution   : Vilo 2
Site Internet : www.campiche.ch
100 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-88241-133-2

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Une étrange odeur d’absinthe

Une grande quantité d’alcool est dérobée à Montbéliard. Elle doit être écoulée dans la région marseillaise sous forme d’absinthe. De la cuve au verre, il y a un long chemin, la guerre des gangs et les douaniers.
Par André Besson, romancier et historien prolixe, auteur d’une quarantaine d’ouvrages.

André Besson
Éditions Mon village
Adresse : 1085 Vulliens (Suisse)
Parution : septembre 2003
Diffusion/Distribution : Maison du livre de Franche-Comté
190 p.
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Le Chemin au bord de la mer

L'histoire se passe au bord d'une route, face à la mer, en Italie. Elle se tisse en quelques jours sur une durée de presque vingt ans et lie entre eux plusieurs destins : ceux d'une prostituée italienne, d'un Allemand et d'un couple de français. Ce chemin au bord de la mer s'inscrit de manière indélébile dans chacune de ces vies et dans une autre à venir, à naître précisément de cette coïncidence des désirs et des lieux.

Arnaud Friedman a choisi l'unité géographique comme cadre à ce premier roman publié ; s'y retrouvent des hasards forcés, décisifs ou gommés par le temps, les tourbillons de l'adolescence et les mensonges des couples qui choisissent de ne pas se quitter.

Arnaud Friedmann
Éditions Gunten
Parution : novembre 2003
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
160 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211.17.1

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Le Faux Identique !

Le Faux Identique ! est un vrai-faux premier roman. Si ce texte de Benoît Deville est le premier édité à compte d'éditeur, d'autres textes ont été écrits et auto-édités depuis longtemps déjà.

Tout commence par un suicide. Un homme, après avoir réglé sa note dans un restaurant, se tire une balle dans la tête. Pendant ce temps, tandis qu'une jeune Lolita se confronte à la chair triste, la police recherche un tueur en série.

D'emblée Benoît Deville impose un style bien à lui et un univers qui n'est pas sans rappeler celui de la littérature cannibale italienne : mélange d'érotisme, de polar métaphysique et de coups de gueule à l'encontre d'une société bien formatée. Les personnages, engagés dans une course poursuite morbide et mortelle, sont entraînés dans une spirale boueuse et sanguine avant d'être conduits vers la sortie : le siphon. Sans repentirs, sans atermoiements, l'héroïne de ce roman règle tout à coups de lame — le «  tranchant des chaînes  ». La solution semble simple pourtant : il suffirait de ne jamais croiser la route de cette Lolita, d'éviter les auto-stoppeuses et de ne jamais héberger chez soi une inconnue. Mais comment savoir qui manipule qui ? Car derrière ces scènes sadiques, l'auteur ne chercherait-t-il pas à nous dire autre chose. Ces âmes noires ne cachent-elles pas un manque : quête du père, perte d'affection ou trop bruyante solitude ?

Benoît Deville vit à Besançon. Tous ses autres textes (poèmes, nouvelles, romans...) peuvent être consultés sur son site : http://benoitdeville.free.fr

Benoît Deville
Le Manuscrit
Parution : décembre 2003
Diffusion/Distribution : manuscrit.com / Sodis
65 p. 8,50 €
I.S.B.N. : 2-7481-3348-X

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Trois Petites Histoires de jouets

Passavant la Rochère

Aller d'amont

Les Musées des techniques et cultures comtoises, en collaboration avec le Centre Régional du Livre sont à l'origine d'une collection de livres, « Suite de sites » riche aujourd'hui de six livraisons. Chaque ouvrage interroge à sa manière la mémoire d'un site industriel de Franche-Comté.
Après trois livres parus aux éditions de l'Imprimeur en 2001 (Les Forges de Syam de Pierre Bergounioux, Médaillon pour Salins de Philippe de la Genardière e t Les Lampes de Ronchamp par Jean-Paul Goux) trois nouveaux titres paraissent au mois de février 2004 sous la belle couverture des éditions Virgile qui assureront désormais la pérennité de la collection.
Ils concernent les sites de Moirans-en-Montagne (musée du jouet), de Passavant-la-Rochère (souffleries de verre) et de Bois d'amont (les boisselleries). Les trois écrivains invités ont livré des textes de factures très différentes. Ainsi William Cliff saisit-il dans la cadence régulière, à peine bousculée de ses vers obstinément rimés, le trait bref des paysages ferroviaires, la chaleur des ateliers, l'enchaînement rapide des gestes et des respirations des souffleurs (Passavant la Rochère). Philippe Claudel publie Trois petites histoires de jouets, trois moments lourds insinués dans des vies passées, à trois époques différentes par un jouet derrière une vitre, un tour dans un atelier que l'on ne peut plus empoigner, le souvenir d'un dimanche matin qui raya d'un coup tous les rêves d'enfant. Enfin Pascal Commère fait l'aller jusqu'à bois d'Amont, (Aller d'amont) dans ce coin du Haut-Jura où les liens de bois rivalisent en force avec les liens de sang. Il travaille à observer les outils, l'alentour de ce lointain de neige et d'arbres et ainsi soupèse le devenir du savoir manuel sous les coups d'accélération de l'histoire industrielle.

William Cliff est né à Gembloux en 1940. Il publie son premier livre de poèmes Homo sum dans la collection blanche de Gallimard en 1973. C'est sous cette même couverture que paraîtront Écrasez-le, Marcher au charbon, America, En Orient, Fête Nationale et Journal d'un innocent. Il a également publié aux Éditions La Table Ronde L'État belge et La Sainte Famille, aux Éditions Le Rocher, Adieu Patries, Le passager et La Dodge ainsi que Le Pain austral aux Éditions Tétras Lyre, Conrad Detrez (Le Dilettante), Aspre Borée, (La Cécilia) et Autobiographie (La Différence).
William Cliff a collaboré à la première livraison de la revue Verrières.

Philippe Claudel est né en 1962 et vit à Nancy. Il a reçu en 2003 le Prix Renaudot pour son roman Les Âmes grises, paru chez Stock. Il a publié aux Éditions La Dragonne Le Café de l'Excelsior et Barrio Flores, aux Éditions Aencrages Pour Richard Bato, La Mort dans le paysage et Mirhaela, aux Éditions Balland, J'Abandonne, Meuse l'oubli et Quelques-uns des cents regrets. Il est également l'auteur de : Au revoir Monsieur Friant (Phileas Fogg), Nos si proches orients (National Géographic), Le Bruit des trousseaux (Stock) et Les Petites Mécaniques (Mercure de France).

Pascal Commère est né en 1951 en Bourgogne où il vit toujours. Il a publié Les commis (Folle Avoine), Lointaine approche des troupeaux à vélo vers le soir (Folle Avoine), Jardins tout au fond du jaune les yeux (Thierry Bouchard), Fenêtres la nuit vient (Folle Avoine), Chevaux (Denoël), Dijon (Champ Vallon), La Vache automatique (Le Dé bleu), Ode à l'absence (encore) et à l'herbe du soir (Hautécriture), D'une lettre déchirée en septembre (Tarabuste), De l'humilité du monde chez les bousiers (Obsidiane), Solitude des plantes (Le Temps qu'il fait), Le Grand Tournant (Le Temps qu'il fait), La Vache (Favre), Vessies, lanternes, autres bêtes cornues (Obsidiane), Honneur au fantassin G., conscrit en Meuse (Le Dé Bleu), La Grand'soif d'André Frénaud (Le Temps qu'il fait), et Bouchères (Obsidiane).

Trois Petites Histoires de jouets
Philippe Claudel
78 p. 10 €
I.S.B.N. : 2-914481-22-5

Passavant la Rochère
William Cliff
64 p. Non disponible
I.S.B.N. : 2-914481-21-7

Aller d'amont
Pascal Commère
64 p. 10 €
I.S.B.N. : 2-914481-23-3

Éditions Virgile
Parution : février 2003
Diffusion/Distribution : Les Belles Lettres
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La Trace au Louis

Quand on habite dans une vallée retirée, la Combe en Haut en l'occurrence, près de Lajoux et Mijoux dans le Jura, où les hivers sont rigoureux et les routes enneigées, il vaut mieux être bien équipé -- une brique chaude pour la nuit, un fourneau sur quoi compter le matin, une bonne paire de skis. Nous sommes en 1903. Louis est facteur. Marc Forestier, qui est son petit-fils, tente à travers le portrait de cet homme de faire revivre une région et une époque. Il agrémente son livre de très (trop ?) nombreuses locutions et expressions locales et s'attache donc au quotidien de ces gens, souvent isolés les uns des autres et pour qui la visite du facteur constituait le seul lien social. À ce propos, l'auteur écrit qu'aujourd'hui quelques habitants se refusent toujours à installer une boîte aux lettres en bordure de route, considérant la visite chez eux du facteur comme la dernière humanité du service public. Ce livre ne serait donc pas seulement un simple roman mais peut-être aussi un énième cri d'alarme...

Marc Forestier
Éditions Arts et littérature
Parution : décembre 2003
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
240 p. 20 €
I.S.B.N. : 2-912351-39-1

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Les Planches au Roi

En 1680, les francs-comtois voient d'un mauvais oeil arriver des muries (charognes) qui vont bientôt rattacher la région au royaume de France et ainsi asservir les Comtois. Pierre fait partie de ceux que le roi va désigner en 1688 par tirage au sort afin de rejoindre la milice à Besançon. Pendant deux ans, Pierre travaillera à la construction des remparts de la ville, travail colossal, imaginé et dirigé par Vauban. Au terme de cette période, Pierre revient dans son village -- Valoreille, décimé par les guerres successives ; ses frères et soeurs, sa tante et sa vieille mère ne cachent d'ailleurs pas leur haine des nouveaux maîtres et il faudra attendre que Cupidon s'en mêle pour voir le pays se remettre un peu de ses années noires.
Les Planches au Roi couvre une période de   presque soixante-dix ans et mêle fiction, faits historiques et chronique rurale.
Marie-Thérèse Boiteux est l'auteur des Neiges de la Sainte Catherine et des Renards cuisent au four publiés chez le même éditeur ainsi que d'autres romans plus anciens publiés par des éditeurs régionaux.

Marie-Thérèse Boiteux
Éditions France-Empire
Parution : octobre 2003
Diffusion/Distribution : Inter Forum (V.U.P.)
350 p. 19 €
I.S.B.N. : 2-7048-0967-4

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Au pied de la lettre
Louis Hémon, chroniqueur sportif

Louis Hémon est connu pour être l'auteur d'un seul livre, Maria-Chapdelaine, classique incontournable de la littérature romantique, sans cesse réédité depuis sa parution en 1916. Geneviève Chovrolat, écrivain, éditrice et enseignante à l'Université de Franche-Comté, publie, sous la couverture de l'édition associative Prête-moi ta plume, un recueil de textes courts de Louis Hémon -- pour l'essentiel inspirés ou consacrés à des pratiques sportives. Cette parution fait suite à un essai consacré l'auteur de Marie Chapdeleine, Louis Hémon, La Vie à écrire que Geneviève Chovrolat a signé en 2003 aux éditions Peeters.

La thèse défendue par l'auteure et qu'illustre d'une certaine manière cet ensemble, est que la publication posthume de Marie Chapdelaine enferma Louis Hémon dans une image d'écrivain traditionnel, « prêchant le catéchisme de tradition » alors qu'il abhorrait cela, lui qui, toujours selon Geneviève Chovrelat, était un jeune homme révolté, « rimbaldien », dont tous les écrits furent refusés de son vivant par les éditeurs et qui mourut pauvre, exilé, dans des conditions mystérieuses, à 33 ans au Québec.

Ces textes, pour l'essentiel des nouvelles, sont dans leur grande majorité parus dans les périodiques Le Vélo (1904-1905) qui devint Le Journal de l'Automobile, du Cyclisme & de tous les Sports, puis L'Auto et la revue Force. Leur présente édition est précédée d'une préface qui est à la fois une présentation critique de la production de l'auteur ainsi qu'une bibliographie de Louis Hémon.

Édition présentée par Geneviève Chevrolat
Prête-moi ta plume
Adresse : 9, rue Jeanne D'Arc -- 90300 Valdoie
Mel. : association.prete-plume@wanadoo.fr
Parution : octobre 2003
216 p. 18 €
I.S.B.N. : 2-914271-03-4

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Petites Nuits

C'est sous le titre Petites Nuits et sous un noir de couverture que paraissent les carnets 2000-2002 d'André Blanchard. L'écrivain vésulien, fidèle à son éditeur concitoyen, Maé-Erti, continue de consigner les éléments du décalage qui fonde sa relation au monde sous forme de notes ou de récits concis. Chroniqueur impitoyable des désastres minuscules, de l'affaissement social et du corps vieillissant, Blanchard fête ses cinquante ans en notre compagnie et inventorie les bosses inévitables que le temps lègue à celui qui survit. En pétard quelquefois, il cède à la contemplation des reflets narcissiques et à ceux des ciels agités. Il aime renifler les fleurs nées du printemps, respirer dans les livres de quelques aînés (citons Flaubert, Stendhal, Mauriac, Boylesve, Vialatte, Renard..) et flâner à Besançon. L'actualité politique pointe en fond de ces chroniques ; elle joue sa partition lointaine et provisoire derrière la mort de son chat, ses démêlés avec l'A.N.P.E. et la silhouette de sa fille qui grandit de livre en livre.

Tentons de donner les tons dominants du livre en quelques citations :

Après avoir lu Céline secret, je me suis dit qu'il est miraculeux que personne ne soit venu lui faire la peau une fois de retour en France. Sinon saignante, il eût pu ne pas couper à une mort douteuse, à la Zola. Peut-être fut-ce parce que la justice d'État était passée, même enrayée par l'amnistie, que la vengeance privée s'abstint ? En somme, Céline comme preuve qu'on est au pays de la Loi, c'est aussi gigantesque que lui !

De toute façon, avec mes vertiges, je deviens périmé, impropre à toute fréquentation. J'en suis arrivé à souffrir de claustrophobie et d'agoraphobie. C'est parfait -- comme paraphe à ce qu'aura été ma place : entre deux chaises.

Il y aurait des écrivains sniffeurs...
Hé quoi, pas un jour sans une ligne, non ?

Quand le ciel en est un qui met les nuages à l'index, tout ce que nous attendons de ce bleu qu'il déroule, c'est une invite à notre sérénité : qu'elle se montre, et soutienne la comparaison.

Petites nuits est le cinquième tome des Carnets d'André Blanchard, tous parus chez le même éditeur, sauf Entre chien et loup (avril-septembre 1987) paru chez Le Dilettante.
Il a également publié deux ouvrages qu'il range dans la catégorie Chroniques  : Impressions, siècle couchant 1 et 2 chez Erti puis Maé-Erti.

André Blanchard
Carnets 2000-2002
Maé-Erti Éditeurs
Parution : mars 2004
Diffusion/Distribution : Vilo 1, Vilo 2, Maison du Livre de Franche-Comté
162 p. 22 € 
I.S.B.N. : 2-84601-13-1

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Obsidio

Faerie Hackers

Johan Heliot est un homme en forme qui multiplie les parutions, les genres, les collections. Il sait tout faire, disent les spécialistes : roman populaire, policier, fantastique ou de science-fiction (cyber-punk, steampunk, uchronie, cyber-fantasy,…) à travers nouvelles, récits ou romans. Rien ne semble en effet plus l’arrêter, notre jeune franc-comtois exilé depuis peu en Bourgogne.

Ses dernières productions montrent une fois encore son éclectisme et son inventivité. Si les trois récits d’Obsidio nous plongent dans la moiteur et la noirceur de notre monde et de ses règlements de comptes, Faerie Hackers, aux frontières de la fantasy et du roman noir, explore avec humour les interrogations liées aux univers virtuels électroniques et pose un regard décapant sur les névroses du monde moderne.
Johan Heliot a publié cinq romans à ce jour, dont La Lune seule le sait, récompensé par le prix Rosny-Aîné 2001 du meilleur roman de science-fiction francophone.

Johan Héliot

Obsidio
Éditions Denoël
Parution : avril 2003
Diffusion/Distribution : Sodis
465 p. 20 €
I.S.B.N. : 2-207-25326-0

Faerie Hackers
Éditions Mnémos
Parution : avril 2003
Diffusion/Distribution : Harmonia Mundi
348 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-911-61899-8

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À la recherche de Rita Kemper L’action se situe à Los Angeles en novembre 2007. Une journaliste spécialisée dans les faits divers plaque tout après que son mari ait été tué dans un accident de voiture alors qu’il enquêtait sur la mort étrange d’une chanteuse de rock. Rita Kemper, déjà star mythique de son vivant, l’est devenu davantage encore en se suicidant sur scène devant près de 10000 personnes. Le corps a disparu. Le FBI et le gouvernement puritain américain profitent de l’occasion pour faire d’elle une incarnation du Mal et ils l’accusent d’avoir été une dangereuse psychopathe à l’esprit trop subversif pour que ses disques puissent rester en vente libre. Les fans deviennent l’objet de poursuites. D’autres morts ou disparitions jalonnent cette étrange croisade. Le FBI montre à son tour des travers diaboliques et l’opinion publique ballotte mollement dans le sens des indications données. Ce roman publié en septembre 2002 a valeur de fable et d’allégorie. Les résonances sont multiples. Un premier roman noir d’une jeune bisontine qui aura su mélanger meurtres, surnaturel et politique fiction.
Luna Satie
Éditions Gallimard
Collection : Série Noire
Diffusion/Distribution : Sodis
Parution : septembre 2002
287 p. 9,95 €
I.S.B.N. 2-07-042420-0
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Hiver Noir

Confronté à une épidémie foudroyante et inexpliquée qui frappe Paris de plein fouet, le docteur Madigan va mener l’enquête pour connaître l’origine de ce fléau et tenter de l’endiguer. Car cette forme singulière de grippe n’est pas née des seuls caprices de la nature. Tenter de faire la lumière sur les raisons de cette mutation c’est aussi prendre le risque d’approcher dangereusement le bioterrorisme et la raison d’Etat. Madigan est suffisamment dévoué pour le faire et il va peu à peu prendre la mesure d’une effroyable vérité dépassant de loin tout ce qu’il avait imaginé. Hiver Noir est le premier roman policier (publié à compte d'auteur) d’un bisontin, médecin de profession, qui parle ici d’un sujet qu’il connaît bien.

Benoît Coulon
Empreinte Éditeur
Parution : février 2003
302 p. 18 €
I.S.B.N. 2-913489-25-7
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Érotique du mensonge

Un roman érotique qui s’achève par un mariage. L’excellent, le héros un peu décalé de ce jeu de l’oie orgiaque, traverse une sorte de palais de glace du désir en quête d’une femme, La, lâchant souvent la proie pour les caresses incertaines de Lo, Li et Lu. Les scènes de sexe sont souvent immortalisées par la vidéo d’un artiste post-surréaliste et l’on croise une fois Samuel Beckett sur un trottoir mais très à l’écart de toutes ces bacchanales.
Serge Filippini est né en 1950 à Pontarlier. Il a déjà publié chez le même éditeur L’Amant absolu (1999), des romans chez Phébus (L’Homme incendié, Haut Mal, notamment) ou encore chez Régine Desforges (Angèle, 1986) et plus récemment aux Éditions Grasset (Le Roi de Sicile, 1998 et Un amour de Paul, 2000).

Serge Filippini
Éditions Le Cercle
Parution : mars 2003
Diffusion/Distribution : Hachette
170 p. 15, 99 €
I.S.B.N. : 2-913563-70-8
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L’Arpentée

L’arpentée, court texte de Françoise Ascal écrit dans l’ombre et la lumière d’un jardin de Melissey (70, dans la maison familiale) raconte son présent fugace qui éblouit, s’obombre, disparaît, rejaillit derrière le noyer et la mémoire, derrière les petites taches de mémoire qui brouillent un peu le regard passant ainsi justement de l’ombre à la lumière, dans le jardin de la maison familiale.
Ce texte sera lu le 3 août prochain par l’auteure accompagnée de la musicienne Sylvie Moquet, lors du festival " Musique et Mémoire " qui a lieu chaque année en Haute-Saône. Françoise Ascal, originaire de la région des Mille-Étangs, vit aujourd’hui près de Paris. Elle a publié une quinzaine d’ouvrages, pour la plupart aux éditions L’Atelier de la Feugraie.

Françoise Ascal
Éditions Wigwam
14, boulevard Oscar Leroux — 35200 Rennes
12 p.
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Le Secret des limbes intercepté Le secret des limbes intercepté est celui, minutieusement glané, en 1916 par un soldat français évadé d’Allemagne. Patrick Beurard-Valdoye décrit la longue marche du retour en six petits textes. Le livre est une sorte de cartographie de la fuite. La présence d’une vieille photographie anonyme de soldats en frontispice invite le lecteur à une sorte de passage clandestin dans le champ du témoignage et du réel. C’est Montagne Froide, sise Villa du savant Calberg à Montbozon (70) qui en signe l’édition.

 

Patrick Beurard-Valdoye
Montagne Froide
adresse : Villa du savant Calberg — 70230 Montbozon
Parution : mars 2003
16 p. 7,60 €
I.S.B.N. : 2-9518588-1-7
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Raconte Grand-Mère
(Chemin de vie)
Tout en transportant de la vaisselle, Madi pense que la vieillesse commence quand on a dans la tête et dans ses souvenirs plus de morts que de vivants. Mais si l’on pense , en plus, qu’on a été plus aimé par les premiers qu’on ne le sera par les seconds, alors, c’est que le grand âge est là. Puis elle se gourmande mentalement. La présence d’Anne-Sophie à ses côtés est bien la preuve que l’amour pousse encore autour d’elle. Simplement, elle se savait connue depuis toujours de ses parents et grands-parents alors que pour ses chères têtes blondes et brunes, elle se sent un peu une étrangère venue d’un monde évanoui.
Un livre bien mal nommé, tant la personnalité des personnages, les situations traversées pendant les quelques jours que couvre la narration sont loin du cliché immanquablement associé aux termes du titre. Une vieille dame, veuve d’un député élu en 1981 avec la vague rose, fête son quatre-vingtième anniversaire au milieu d’une descendance aux prises avec les hostilités et les rancœurs banales qui dorment sous la lisse photographie de famille. La leçon de vie ne triche pas avec la gamme des sentiments humains, qui courent de l’attachement, à la jalousie, à la haine et surtout, accepte de composer avec l’irrésolu. La vieille dame n’est dupe de rien, accepte d’apprendre. Je sais une chose. Je sais qu’on ne sait jamais marmonnait sur fond musical le vieux Gabin…
Marie-Thérès Renaud
Éditions Cabédita
Site Internet : http://www.cabedita.ch
Parution : mai 2003
Collection : Archives vivantes
Diffusion/Distribution (pour la France) : Maison du Livre de Franche-Comté, Rando Diffusion et Éditours.
160 p. 23 €
I.S.B.N. : 288295-382-8
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Du sang dans les yeux

Du sang dans les yeux est constitué de deux nouvelles écrites à quinze années d’intervalle : Le Chef de Saint-Denis paru pour la première fois aux Éditions Ulysse fin de siècle (dont Virgile est la continuation) en 1987 et Belzébuth et son frère, jusqu’à ce jour inédite.
Ces deux textes évoquent, sur un fond de souvenirs personnels, l’angoisse et la culpabilité et la fascination pour la douleur physique chez un adolescent tout entier replié dans l’intériorité de son expérience religieuse.
Et je sais, je m’en souviens comme d’hier, que tout ce temps, je l’occupais en un dialogue avec mon âme, la vraie, celle qui a droit au salut ou à la damnation. Et il y avait, en cet instant, quelque chose qui se trouvait fort près de me bouleverser : que mes mains, liées à la tentation et au mal, pussent aussi me recueillir en moi-même, m’isoler et me protéger — en quelque sorte que mon front, qui abritait ma pensée, pût s’alléger de son poids entre les instruments mêmes de son tourment et de sa pesanteur. Parvenu à un certain point d’immobilité, alors que le monde tournait autour de moi sans que je m’en aperçusse, comme autour de son axe, je n’étais que cela : l’arc tendu de mon crâne, par-devant, et le support élastique de mes doigts. Plus tard, j’évoquai l’horizon achevé d’une planète entre les branches d’un compas. Mais alors, le drame avait déserté la scène. Celle-ci était vide. Et le cœur qui ne battait plus pour son Dieu se retenait de battre.
Une dalle de plus dans la construction " mythobiographique " entreprise de livre en livre par l’écrivain bisontin Claude Louis-Combet, né à Lyon en 1932. Cette œuvre compte aujourd’hui plus de cinquante titres (poésie, roman, essai…). L’écriture de Claude Louis-Combet possède une présence singulière dans le champ littéraire actuel, nourrie de philosophie, de psychologie, travaillé par un mysticisme profond, un désir d’introspection sans concession à la lampe d’une écriture puissante, capable d’entreprendre n’importe quelle part obscure de l’être, n’importe quel précipice intérieur et de le rendre à la feuille comme on le ferait à une lumière.

Voir aussi du même auteur, Via crucis.

Claude Louis-Combet
Éditions Virgile
Parution : mai 2003
Diffusion/Distribution : Les Belles Lettres
48 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-914481-05-5
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Gueule d’Amour

André Beucler est né en 1898 à Saint-Pétersbourg d’un père originaire du Pays de Montbéliard. Il suivra d’ailleurs ses études à Besançon. Mobilisé en 1917 il sera rapidement blessé au front. En 1925 il fait paraître en revue une nouvelle, Un nouvel amour, puis chez Gallimard, La Ville anonyme, son premier roman. En 1926 paraît, à nouveau chez Gallimard, Gueule d’Amour, roman qui le rendra célèbre et qui sera adapté dès 1937 au cinéma par Jean Grémillon, avec Jean Gabin notamment. Antifasciste, résistant, chef des informations sur Radio Nice, créateur de l’émission Bureau de poétique sur la RTF, André Bleucler aura durant toute sa vie noué de nombreuses amitiés et aura rencontré le « Tout Paris » dès la première guerre mondiale jusqu’à sa mort : Léon-Paul Fargue, Jean Cocteau, Jean Giraudoux, Emmanuel Bove ou encore Antoine de Saint-Exupéry compteront parmi ses plus fervents amis. Il meurt en 1985.
Comme les cinéaste et scénariste du film Gueule d’Amour n’avaient pas aimé la construction moderne et elliptique du roman éponyme d’André Beucler, ils ont évincé le narrateur de leur version. La lecture du roman redonne donc toute sa place et toute sa légitimité à ce narrateur délicat, romantique, mélancolique parfois et sensible aux sentiments des autres personnages souvent séducteurs et menteurs, cruels et écorchés vifs, instigateurs de drames conjugaux et extraconjugaux. La force d’André Beucler tient aussi au fait qu’il ne juge pas ces personnages-là ; il les laisse s’exprimer, joue beaucoup de la parodie aussi ; lui qui aimait tant les femmes, il les dépeint d’ailleurs souvent gracieuses, charmeuses, affranchies, autoritaires, farouchement rebelles et modernes : des Antigone. Beucler aimait les femmes, écrit Marie-Laure Picot, et décrivait si bien leurs charmes qu’on jurerait avoir déjà croisé ses belles héroïnes. Elles ont ceci de fascinant qu’elles n’ont pas d’état d’âme, elles sont libres, insaisissables, vivantes.

Un extrait : Je suis un peu faiseur de romans et j’aime les inconnus, je leur prête une très grande facilité à vivre des aventures, pour peu qu’une indication quelconque me les montre au moment d’un drame, ou encore sous le coup d’une émotion. Je leur sais gré aussi de me tenir compagnie dans un endroit où le hasard nous met en présence et qu’ils n’ont pas plus l’habitude de fréquenter que moi. (pp. 27-28)

Outre les titres cités, citons d’autres œuvres disponibles (42 volumes au total) :
— Souvenirs :
De Saint-Pétersbourg à Saint-Germain-des-Prés (Gallimard, 2 tomes, 1980 et 1982)
Dimanche avec Léon-Paul Fargue (Le temps qu’il fait, 1997)
Vingt ans avec Léon-Paul Fargue (Mémoire du Livre, 1999)
Les Instants de Giraudoux (Le Castor Astral, 1995)
— Nouvelles :
Entrée du désordre (Phébus, 1995)

Un dossier consacré à l’auteur est disponible dans la première livraison de la revue Verrières.

André Beucler
Éditions Gallimard
Collection : Folio
Parution : mai 2003
Diffusion/Distribution : Gallimard / Sodis
240 p. 5,10 €
I.S.B.N. : 2-07-042862-1
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L’Étoile et La Croix

Un enfant découvre pendant l’occupation, en jouant à celui qui pisse le plus loin avec ses copains, qu’il est circoncis et que cela relève d’une situation qu’il faut tenir secrète. Il est élevé par la branche de sa famille qui est catholique mais rend parfois visite à ses grands-parents polonais, découvre l’étoile jaune qui est cousue sur le manteau de sa cousine, grandit alors plus vite, parmi les derniers soubresauts cruels de la guerre et du nazisme.
Une histoire autobiographique que l’auteur a voulu accompagner de recettes de cuisine cosmopolites, aux saveurs mélangées des origines.

Daniel Susterac
Éditions Cêtre
Parution : juin 2003
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
238 p. 19,80 €
I.S.B.N. : 2-87823-125-2
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Qu’ai-je fait au Bon Dieu pour autant plaire au Diable ?

Alors qu’elle prend le soleil au bord d’un ruisseau sur sa propriété sise près d’un village isolé du Jura, Sylvie Perrot, récemment divorcée, voit arriver un homme à cheval qui l’aborde et lui confie l’épier depuis quelques semaines. L’individu, nommé Jacques, ne lui plaît pas et se présente comme un nouveau voisin. Il est sans gêne, insistant et pose des questions qui ne le regardent pas. Sylvie qui doit déjà se débattre avec des pressions familiales teintées de chantage et qui compte sur le soutien de sa fille Delphine en train de réviser le bac, voit sa vie tourner au cauchemar. Jacques est en réalité complètement fou. C’est un manipulateur. L’histoire, drame psychologique qui utilise la notion de harcèlement moral ne pourra que mal finir.

Mireille Noroy
Éditions Gunten
Adresse : 10, place Boyvin, B.P. 144 — 39101 Dole cedex
Parution : juin 2003
285 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-14-7

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Un autre que Moi

Sept jours de la vie d’un adolescent, les heures lourdes et longues de l’internat que le sommeil et le travail rongent comme ils peuvent puis le retour le samedi dans la maison familiale qui demeure comme fermée à l’enfant, sans place pour poser son corps qu’il n’aime pas :
J’enlève mon imperméable, je cherche en vain un cintre libre dans le placard encombré, par-dessus une veste en velours et un anorak. Dans la chambre, je commence par dégager mon lit qu’Éric a accaparé pour étaler des photos de footballeurs et des paires de chaussettes.
Un autre que moi, " confession " d’un écrivain pour la jeunesse, fait entendre le bruit que fait à la source l’écriture comme jaillie d’un malentendu permanent, comme tentative d’ajustement d’une parole à soi : la page blanche devenue ce lieu créé, conquis, où se poser et avoir enfin une place.
Bernard Friot, auteur mais également traducteur de l’allemand (on lui doit le très bel album Le Berger Raoul de Eva Muggenthaler ), est installé à Besançon depuis quelques années. Voir aussi sur cet auteur Folle, C'est quoi ton prénom ? et Les Pieds de Pierre.

Bernard Friot
Éditions de La Martinière
Parution : septembre 2003
Diffusion/Distribution : Diff-Edit
156 p. 8,50 €
I.S.B.N. : 2-7324-30-19-6
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Public Enemy

La situation était bloquée. Jusqu’au jour où on viendrait les buter, dans six mois ou dans un an, une fois que leur vigilance serait retombée. Grémion ne pouvait pas en rester là, il le savait. Attendre c’était mourir. Un type qui a le cancer peut très bien se retrouver dans un état stationnaire, pour un temps, il n’est pas pour autant guéri. Pour Grémion, c’était pareil. Le cancer des événements. Il y avait quelqu’un, quelque part, qui ne l’oubliait pas. Quelqu’un qui pourrait décider, à tout moment, qu’il serait le nouveau cousin Edouard.
Comme dans tout roman d’espionnage, les situations semblent souvent bloquées. Mais celles-ci ne demandent qu’à être débloquées, un peu comme les portes qui sont fermées afin d’être encore mieux ouvertes. Voilà pourquoi les clefs ont été inventées. Ce roman est donc lui aussi à première vue verrouillé. Mais, heureusement, les auteurs de polars, en bons serruriers-braqueurs, ont eux aussi inventé les clefs afin de dénouer le sac de nœuds qu’ils ont eux-mêmes noué. Sauf qu’ici la clef peut être à la fois celle qui permet d’ouvrir la porte mais aussi la porte elle-même… Un véritable casse-tête quand les portes se mettent à se prendre pour des clefs.

Quatre partie et un épilogue auront pourtant raison des affaires douteuses fomentées par les forteresses et les châteaux forts de la politique étrangère et de la finance. Quatre parties qui ont chacune leur narrateur, leur héros, leur voix propre. Chaque personnage fera à sa manière, avec ses propres expériences et son propre langage avancer l’histoire : d’abord vers les ténèbres (cave, grenier) pour finir dans le clair-obscur, avec vue sur les cocotiers (jardin, terrasse). Agents très secrets et très spéciaux, jeunes paumés, journalistes internautes, chacun nous emmènera dans sa maison et ira visiter celle des voisins (à Besançon, à Paris, au Luxembourg, au Congo ou encore en Irlande) de gré ou de force d’ailleurs. Un conseil donc : pour le bon voisinage s’abstenir, surtout si le cousin Edouard habite là, surtout que le cousin Edouard se multiplie, se clone, se dédouble. D’ailleurs, c’est peut-être lui la clef, celui qu’on doit se mettre dans la poche avant qu’il ne soit trop tard.

Jacky Schwartzmann, bisontin d’origine, est passionné par l’univers mafieux des trafics internationaux. Il est depuis peu libraire à Lyon. Il publie là son premier roman et obtient d’ailleurs le prix Litteratura, prix décerné à l’occasion du salon " Les mots Doubs ", organisé par le Conseil Général du Doubs. Le livre est d’ailleurs édité avec le soutien du département du Doubs.

Jacky Schwartzmann
Les Editions du Sekoya
Parution : septembre 2003
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
254 p. - 15 €
I.S.B.N. : 2-84751-020-6
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Un Automne sur la colline

Un automne sur la colline est une suite de lettres qu'adresse l'écrivain Françoise Ascal à Simon, un artilleur sénégalais mort à proximité de Ronchamp en Haute-Saône pendant la guerre de 39-44 ou fusillé plus tard ou plus tôt, ailleurs, qu'importe au fond, il existe des Simon pour tous les destins sombres de soldats appelés à mourir sur des collines lointaines. Disons que Simon est cet autre, au visage incertain et une ombre au coeur du drame. L'auteur évoque le village de Champagney et rappelle le refus de l'esclavage dont témoigna sa population au moment de la Révolution française. Elle s'attarde souvent à Ronchamp, sur le site de la chapelle que dessina Le Corbusier.

Et moi je tourne autour d'une chapelle " affaissée ". C'est aussi de cette manière que certains visiteurs qualifient Notre-Dame du Haut. Là où il me semble voir le soulèvement dynamique, l'Élan vers le ciel, la proue en partance, d'autres aperçoivent la défaite du siècle, le poids infini des erreurs, le désastre courbant la toiture. Inclinaison due à un fardeau trop lourd. Horizontalité de qui a renoncé, loin des clochers anciens qui dardaient leurs pointes avec orgueil.

Françoise Ascal écrit au milieu des croix nues, au cours de soirs humides où ne demeurent que les dernières roses tachées de rouille ; elle se souvient des poèmes d'Apollinaire ou d'Aragon et du chagrin des autres. S'emploie à accueillir dans son écriture tout ce qui élargit les murs intimes.

L’auteur, originaire de Haute-Saône, vit actuellement plus près de Paris. Elle a notamment publié Fracas d’écume (Atelier La Feugraie/Éditions Le Noroît, 1992), Le Fil de l’oubli (Éditions Calligrammes, 1998), Le Sentier des signes, (Arfuyen, 1999) et tout récemment, l’Arpentée (Éditions Wigwan, 2003).

Françoise Ascal
Éditions Apogée
Parution : septembre 2003
Diffusion/Distribution : PUF
80 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-84398-138-7
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La Carrière et L’Enfant

La Carrière et L’Enfant de Claude Yves Bailly raconte l’histoire d’un sauvetage périlleux, celui de quatorze mineurs emmurés après un effondrement dans une carrière de gypse, dans les années 60. Le récit travaille à rendre la dimension profondément humaine de cette aventure où, sur le fond noir de l’angoisse se cultivent comme souvent des moments intenses de générosité et d’affection. Le livre étire un suspense poignant. L’action de sauvetage doit beaucoup à Moussa, l’ouvrier marocain et à Hans l’ingénieur allemand mais au-delà, à la mobilisation de tout un village. C’est publié aux Éditions Gunten. Il s’agit du deuxième ouvrage de Claude Yves Bailly, par ailleurs comédien et metteur en scène, après Les Tournesols ne meurent jamais.

Claude Yves Bailly
Éditions Gunten
Parution : septembre 2003
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
288 p. 17 €
I.S.B.N. : 2-914211-13-9
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