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La Somme du feu
(Philippe Païni)
Mare Nostrum
(Bluma Finkelstein)
Ballades solitaires
( Iléna Lescaut)
En Chemin/Unterwegs
( Rome Deguergue)

Obscurité des visages
( Bruno Berchoud )

 

Paroles Perdues
( Louis Moëllic)
Glane de blés d'or
( Henry Tournier)
À l'Heure de tes naissances
( Serge Ritman)
Le Parfum des pierres aveugles
( Isabelle Guigou)
Coups de griffes coups de canifs
Révoltes et rébellions

(Laurent Di Léo)
Instants des bas-champs
(Isabelle Guigou)
Moires
(François Migeot)

La Question des couleurs
( Françoise Delorme)

Anne-James Chaton :
- Autoportraits
- In the event / événement 19

Les Langues du soleil
Récit à plusieurs voix
(Jean-Michel Chavin)

 
Alain Jouffroy
- Vies précédé de Les Mots et moi
Patrice Llaona
- Soleil des Êtres
Patrick Beurard-Valdoye
- La Fugue inachevée
P.N.A. Handschin
- Déserts
- L'Aurore
Louis Moëllic
- Regards d'Outre Tombe
François Migeot
- Valse
Françoise Ascal
- L'Arpentée
Émile Raguin
- Le Printemps des cigognes
Timothée Laine
- Balbutiements

Ezra Pound
- Lettres de Paris

Richard Palascak
- Des mélodies du silence

Pierre-Jean Laforêt
- La Vie va

Collectif
Dix ans de Jeudis
(1994-2004), un recueil,
Martine Cotin :
- Vue
- Sium Arche d'Eau
Jacques Moulin :
- Escorter la mer
Christophe Fiat :
- Qui veut la peau de Harry ?
Collectif
Ulysse fin de siècle
Marc Blanchet
Cheval Blanc
Annelyse Simao
Dans un corps éloigné de mémoire

Pier Paolo Pasolini
Le Dada du sonnet

Valentine Verhaeghe, Julien Blaine, Viviane Duvergé
En dansant la Sumida

Francis Jeanneret-Gris
Épaves

Rose Ausländer
Kreisen/Cercles

Mustapha Kharmoudi
Vagabondage

Henricolas François
Hymne à l'amour

Jacques Pautard
Duos d'une seule voix
(quatre saisons d'un Noir « marron » dans le Comté de Bourgogne)
Jacques Ferry
Les Écrits mystiques de Vicence
Emmanuel Laugier
Mémoire du mat
Bertrand Degott
Battant
Matthieu Messagier :
- Une Sorte d'indicible petit discours poétique et ridicule
- Album en lent
- Les Transfigurations
- L'universelle & L'idiot irrompu
- Fond de troisième oeil , Flammarion, 2005
- Siège de la tirelire blanche, L'Arachnoïde, 2005
Jean-Claude Pirotte :
- La Boîte à musique et Dame et Dentiste
- Fougerolles
Alexandre Voisard :
- Fables des orées et des rues
- Poésie 1
- Poésie 2
Une Sorte d'indicible petit discours poétique et ridicule

Cet ouvrage, de belle réalisation graphique en linotypie, associe sept poèmes de Matthieu Messagier à sept couleurs pour livre en linogravure de Michel Collet. Pour vous donner envie de découvrir les six autres, voici le début du deuxième poème, annoncé d'un monochrome rouge et intitulé « la féerie de chevaux de poupées des glaces » :

alors, est-ce écrire que couiner
de ses grincements personnels
par le col et la langue
par la constance monstrueuse
qui toise le vide et la supplique ?

À noter, trente exemplaires signés et numérotés ont été tirés avec des sérigraphies originales de Michel Collet.

Ouvrage publié avec le concours du Centre régional du Livre de Franche-Comté et de la Région Franche-Comté.


Matthieu Messagier
Avec des tableaux de Michel Collet

Éditions Æncrages & Co
Parution : 2 e trimestre 2008
48 pages, 15€
I.S.B.N. : 978-2-35439-007-5
http://aencrages.free.fr

 

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Mare Nostrum

Figure majeure de la littérature israëlienne francophone contemporaine, Bluma Finkelstein opère dans ce recueil un tour poétique et religieux autour de la Mare Nostrum. De très belle facture et construits autour d'énumérations puissantes, ses poèmes remontent les siècles et les religions et dénoncent les intolérances.

Messes et indulgences, jeûnes et mortifications, la langue peut pourrir dans la bouche, mais les mots en nous restent vifs comme le mercure, s'enfoncent dans la mémoire, dans les crevasses de la conscience, remplissent la forteresse ruinée de la foi.

Née en Roumanie, vivant en Israël depuis 1963, Bluma Finkelstein est professeur à l'Université de Haïfa. Elle a publié 25 recueils de poèmes, une Anthologie  de poésie et des essais sur le dialogue judéo-chrétien.

Ouvrage publié avec le concours du Centre régional du Livre de Franche-Comté et de la Région Franche-Comté.


Bluma Finkelstein

Traduit par Rüdiger Fischer
Éditions En Forêt / Verlag Im Wald
Collection Sources
Parution : février 2008
Site : www.verlag-im-wald.de

 

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Ballades solitaires

Ce recueil réunit vingt-deux poèmes d'Iléna Lescaut, peintre et poétesse roumaine, née en 1966 à Bucarest et vivant depuis 1989 en France. À ses mots répondent en écho les photographies de Noël Giamarchi. Balancement entre le Soi et l'Autre. Solitude existentielle de l'homme, soit, mais où le monde s'appréhende par l'altérité. Au gré des anaphores, des énumérations et des oppositions, les mots tissent des liens entre l'ici et l'ailleurs, le ciel et la terre nous conviant à un itinéraire spirituel et poétique. Ces textes et photographies ont été présentés en mars 2008 lors de la troisième édition du colloque international La Francopolyphonie, qui rassemble des établissement universitaires et académiques, des maisons d'édition et des structures artistiques de France, du Canada, de Belgique, de Roumanie et de Moldavie.


Iléna Lescaut
Photographies Noël Giamarchi
Traduit de l'anglais par Dana Badulescu

Éditions Gunten
Collection Espace Livres
Parution : février 2008
48 pages, 10€,
I.S.B.N. : 978-2-914211-63-5
Site : www.editionsgunten.com

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En Chemin/Unterwegs

Dans ce recueil En Chemin, le regard de Rome Deguergue nous invite au voyage : voyages sous différentes latitudes au gré d'oiseaux poético-langagiers, ou déambulations intérieures de la mémoire des jardins. D'Oslo à Pékin, du pic épeiche de Portland au goéland d'Arcachon, cette évocation sensible interroge inlassablement l'être au monde. À la circulation/fixation des premiers poèmes répond l'impermanence faite jardin des seconds. Et la langue qui partout se mêle aux sensations et aux énergies :

La vision inchangée des crêtes vient au secours de la parole
nue transitoire
Le long voyage a commencé par un seul cri.
Par un seul pas. Par une idée.

Enfant, Rome Deguergue, de mère allemande et de père français, déchiffrait amusée, par-dessus l'épaule de son grand-père allemand, les textes en gothique de l'Ancien Testament, ceux de Hölderlin, Novalis, Goethe (...) et s'imaginait le cosmos comme un immense terrain de jeux.

 


Rome Deguergue
Traduit par Rüdiger Fischer

Éditions En Forêt / Verlag Im Wald Collection Sources
Parution : janvier 2008
69 pages, 7€
I.S.B.N. : 978-3-929208-98-6
Site : www.verlag-im-wald.de

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Obscurité des visages

Le poète Bruno Berchoud promène un regard humaniste et sensible, mais sans concession, sur le monde qui l'entoure et les individus qui le composent. Il attrape l'être qui passe, épingle ses petites lâchetés, recrée son histoire et regarde sans fin son visage : visage de douleur, visage à recomposer, visages emmêlés des anciens, visage déchirure. Tu fouilles alors des yeux l'image, tu auscultes les visages. Et tout à coup le reconnais, lui, avec certitude (...). Mais l'autre toujours semble échapper ; c'est notre visage que réfléchit la pupille de l'autre. Discrets hommages à Platon, Lévinas, Rimbaud, Apollinaire, Baudelaire ou Pessoa.


Bruno Berchoud

Éditions Gros Textes
Parution : 1 er trimestre 2008
76 pages, 8€,
I.S.B.N. : 2-35082-073-4
Site : http://rionsdesoleil.chez-alice.fr

 

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Paroles Perdues

Louis Moëllic débute son recueil en forme d'art poétique sur ces « paroles perdues » comme des témoins d'un passé disparu, qui se sont assemblées comme s'assemblent les vestiges d'une errance lointaine pour se donner l'élan d'un souffle nouveau . Dans tous ces poèmes oeuvre le temps :   le temps ancestral ( Ce fut jadis, / Lorsque tomba d'une étoile / La première parole ), le temps désorienté , le temps des souvenirs qui toujours hantent, le temps qui pleure sur ses cascades , le temps qui est vieux . Et pourtant... s'ébauche le geste / Ultime / De l'espoir .

Louis Moëllic vit à Besançon et est entre autres l'auteur de Errances (1996), Sillages (1997) et de Regards d'Outre Songe (publié en 2003 par L'Atelier du Grand Tétras).


Louis Moëllic

Éditeur indépendant
Parution : septembre 2007
184 pages, 16€
I.S.B.N. : 978-2-35335-121-3

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Glane de blés d'or

Au gré des poèmes d'Henry Tournier, le lecteur glanera des sensations et des émotions qui ne manqueront pas de faire ressurgir souvenirs et images. Au fil des jours et des saisons, le poète célèbre avec lyrisme son pays natal et sa nature sublime : l'église du Russey, les Noëls d'antan, l'Angélus, l'acacia, les aurores, les ciels d'été et la neige. Le regard qu'il porte sur le monde est empreint de ferveur religieuse. Construits sur une anaphore, certains poèmes tendent à la litanie : Au nom des fragiles colchiques /// Au nom des brumes qui ondoient la vallée /// Au nom des écoliers aux blouses noires ou grises ...

Henry Tournier
Dessins au crayon de Marianne Leroux

Éditions L'Atelier du Grand Tétras
Collection Glyphes
Parution : septembre 2007
96 pages, 12€,
I.S.B.N. : 2-911648-19-6
Site : http://craac.free.fr

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À l'Heure de tes naissances

Le fourré s'épaissit, le champ s'élargit, et la langue de Serge Ritman court, prolixe, sans reprendre son souffle, portée par l'urgence, dans un rythme effréné, un mouvement perpétuel, en distorsion : je cherche une lisière / que le poème atteigne / l'orée que l'obscur reste (...) la poésie contracte / la poésie se contracte / masser cette contracture /// rhétorique à la cortisone. L'amour et les corps palpitent dans De l'ode pour sa nuit avec toi l'étrangère, comme ils traversent tous les autres poèmes.

La phrase de Montaigne mise en exergue du poème Sur des galets d'O  entre aussi en résonance : Toutes choses sont en fluxion, muance et variation perpétuelle . Cette « petite collection » s'échelonne sur la page dans un bel aller-retour du « je » au « tu » à la verticale et à l'infini (Je te suis dans le creux de ta main, je rayonne de ta force de vie ).

Ouvrage publié avec le concours du Centre régional du Livre de Franche-Comté et de la Région Franche-Comté.


Serge Ritman
Avec des lavis de Laurence Maurel

Éditions L'Atelier du Grand Tétras
Collection Glyphes
Parution : juin 2007
112 pages, 14€,
I.S.B.N. : 2-911648-18-8
Site : http://craac.free.fr

 

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Le Parfum des pierres aveugles

Au milieu de ces objets déposés par d'autres, au coeur de l'absence des
êtres qui
animèrent ce lieu
Je pense que plus rien ne reste
Je pense à ce qui devient réel au cours des mots.

À pas feutrés, dans une langue épurée et retenue, Isabelle Guigou nous mène sur les chemins multiples de l'enfance. Cette recherche des origines - Que cherches-tu ? [...] Cherches-tu l'enfant à l'ombre de ces vieux murs? [...] Renouer ? - prend la forme d'une déambulation rêveuse dans les lieux du passé, où murs et objets conservent en leur sein le souvenir des temps révolus et un petit pan d'éternité : les placards qui cachaient les secrets interdits aux enfants, les miroirs où se reflètaient des corps aujourd'hui disparus, les parfums, les volets disjoints, les malles pleines... Le corps s'agite à ces contacts, mêlant le dehors et le dedans, des âmes et des lieux :

Les murs sont surpris : ils n'étaient pas préparés à mon corps grandi, [...]
J'ai caressé l'épaule du passé, sa vieille chair fripée, cette poussière sur
mes doigts.

Isabelle Guigou, née à Sète, vit dans le Jura où elle enseigne les lettres.


Isabelle Guigou

Éd. Clarisse
Parution : quatrième trimestre 2007
100 p., 10 €

I.S.B.N. : 978-2-912852-20-5
Site : www.editions-clarisse.net

 

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Coups de griffes coups de canifs - Révoltes et rébellions

Voici le troisième ouvrage de Laurent Di Léo publié à La Bartavelle éditeur. Son premier opus, paru en 2003, s'intitulait Trentenaire et traitait de l'amour et de la vie en quatrains rimés, tercets ou vers libres. Dans Portaits et caractères, publié en 2005, Laurent Di Léo continuait de creuser cette veine lyrique. Dans ce nouveau recueil, la douleur et la mélancolie traversent l'écriture ; les vers se ramassent sur eux-mêmes et deviennent tranchants, à l'image du titre :

Pressurisés/Pulvérisés/Atomisés/Dénigrés//
Remonter/Informer/Pourdésarçonner/Les pratiques insensées.


Laurent Di Léo

Éd. La Bartavelle
Collection Modernités
Parution : été 2007
144 p., 15 €
I.S.B.N. : 2687744-828-2

www.soc-et-foc.com

 

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Instants des bas-champs

Bas champs
Chants d'en bas
Une langue prend corps de regards alluvions, de coeurs roulés. 

Isabelle Guigou nous propose dans ce recueil de poèmes de fouler à ses côtés la croûte de terre sur fond inerte de craie et de silex afin de chercher, entre mer et terre, ce qui fonde notre être au monde. Ces poèmes, brefs et ramassés, fragments accrochés au gré du rythme sur les pages blanches sont soutenus par les peintures paysagères dépouillées de Jacques Trichet. De crêtes en flaques stagnantes, de digue en polder, de sillons en herbe fléchie, Isabelle Guigou dessine par ses vers des paysages où le mot se fait matière.


Texte : Isabelle Guigou
Illustrations : Jacques Trichet

Éd. Soc & Foc
Parution : mars 2007
48 p., 15 €
I.S.B.N. :978-2-9123-6045-5
Site : www.soc-et-foc.com


 

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Moires

 

Reste l'océan sans prises de la mélancolie. Les
courants de l'habitude qui persistent,
ils vont seuls, à tâtons, sans sujet,
au long des murs où tu manques.
Et ta voix gravée qui répond
encore aux appels
pour dire ton
absence



À l'image d'une ample phrase mélodique, les vers de François Migeot s'organisent sur la page, en un flux continu, celui de la vie et de la mort, et crée une longue vibration : lente et inexorable pulsation du monde et pouls de l'être qui disparaît peu à peu. Le poète affronte l'ineffable de la mort, du deuil et de la souffrance, sans excès lyrique ni pathos. Pour reprendre les mots d'Olivier Beetschen : Il faut ranger Moires parmi les livres où les mots cherchent avec le plus de justesse comment accompagner la traversée du Styx.

Le fil ténu qui lie l'absence et la présence est réinterrogé sans relâche par le travail sur la langue et par le phrasé mélodique :

Sur la page
il y a ce fil de cendres
les lieux noircis au souvenir
la fumée des heures sur les parois de l'âme

Le lecteur sort apaisé de ce voyage initatique en terres d'expérience limite (ce chemin de   terreur que refait seul celui qui reste vivant). De cette confrontation à la douleur et à la perte, naît l'espoir. La musique de l'écriture ouvre la voie à la réconciliation avec autrui et avec soi-même.

 


François Migeot

Éd Empreintes
Parution : printemps 2007
80 p., 17,40 €
I.S.B.N. : 978-2-940133-92-5

Site : www.empreintes.ch


 

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La Somme du feu

et nous aimons nous/parler/sans nous attacher/à ce qu'on dit la parole nous relie si/nous la dénouons/et nous vivons

Un beau recueil de poésie dans lequel les mots traversent nos corps, nous portent, nous recouvrent ou nous échappent, nous défont et nous fondent : nous recommençons le même alphabet/qui nous recommence. Dans le creux du « nous », se découpent des passages entre le dehors et le dedans, des passerelles sur le vide, des allers retours entre ce qui nous dissout et nous recoud, entre ce qui nous sépare et nous réunit. Rassembler, trier, dénombrer, superposer, répéter, déchiffrer, effacer, recommencer, traverser, creuser, s'émietter, oublier, regarder, retourner, dénouer, fouler, se césurer... La géométrie du triangle, du cercle et des droites, du zéro de la nuit dessine une étrange algèbre du feu [qui] nous déchiffre. Sous les mots, la viande vivante palpite, mastique et régurgite. Reste comme issue la figure de « l'autre », balancement du « je » et des « nous », qui porte une bouche qui parle pour la nôtre.

Ce recueil comporte aussi de belles encres de Marianne Leroux à contempler au fil de la lecture.

Ouvrage publié avec le concours du Centre régional du Livre de Franche-Comté et de la Région Franche-Comté.


Philippe Païni
Illustrations Marianne Leroux

Éd. L'Atelier du Grand Tétras
Collection Glyphes
Parution : octobre 2006
176 p., 15 €
I.S.B.N. : 2-911648-16-1
Site : http://craac.free.fr


 

Les Langues du soleil
Récit à plusieurs voix

Ô sphéricité de la terre paradoxe / Planète plate à l'infini / Qui revient sur elle-même / Comme la Folle dans son logis.

La langue de Jean-Michel Chavin fonctionne par diffraction : le regard émerge, les couleurs miroitent, l'espace se distend et le temps explose. Ces multiples voix (et voies, tant les chemins se multiplient), dessinent en creux et en négatif des paysages intimes, ceux de la mémoire, du père, de l'enfance, des corps, des villes du passé et des femmes aimées, des pays lointains et de leurs langues. Des reflets, aussi, de la Nature toujours déjà-là : les failles, la neige, l'odeur de la pluie, la solitude des sapins, la montagne mobile. Et là où les fils des montagnes cardent les nuées de la neige, se trouve la poésie car dans le rythme est la scansion du lac. La lumière se dessine par agrégats, de vers courts en phrasés amples, d'anaphores en pointillés, d'évocations en réminiscences.

Jean-Michel Chavin est revenu « au pays » après avoir parcouru le monde et enseigné de nombreuses années la langue et la culture française. Ce recueil est son deuxième titre publié à L'Âge d'Homme.


Jean-Michel Chavin

Éd. L'Âge d'Homme
Parution : octobre 2006
136 p., 15 €
I.S.B.N. : 2-8251-3699-9
Site : www.lagedhomme.com


 

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La Question des couleurs

La circularité, la lumière et les couleurs, constituent la trame de fond de ce recueil de poèmes de Françoise Delorme, qui s'organise autour du cycle des saisons.

Ce cercle, comme celui de notre corps qui ne reviendra pas et, printemps plus dociles, celui de ses images prismatiques, résulte de l'activité biologique. Comme vivant, il clôt pour l'ouvrir une demeure terrestre...

Tout est mouvement : les corps tremblent, les feuilles tombent, La lumière change [...] des couleurs s'effritent [...] Des vagues tombent [...] Le sang circule comme un arbre.
Les émotions naissent d'elles-même au contact de la langue épurée de Françoise Delorme :
Le soleil disparaissait une indécision
du corps ou l'équilibre instable d'une rime
la ligne phosphorescente au-dessus des arbres

Françoise Delorme est poétesse et céramiste dans le Haut-Jura. Docteur es Lettres modernes, sa thèse portait sur le lexique et les référents naturels dans la poésie contemporaine : le cercle (poreux) de l'univers.

Ouvrage publié avec le concours du Centre régional du Livre de Franche-Comté et de la Région Franche-Comté.


Françoise Delorme
Consonances graphiques de Fanny Gagliardini

Éd. L'Atelier du Grand Tétras
Parution : septembre 2006
112 p., 14 €
I.S.B.N. : 2-911648-17-X
Site : http://craac.free.fr


 

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Duos d'une seule voix
(quatre saisons d'un Noir « marron » dans le Comté de Bourgogne)

 

Et je pars enfonçant mon chapeau de gendarme/dans la nuit retrouver/ma vie à un fil, l'or confus d'un rêve

Duos d'une seule voix est à coup sûr un livre de souffrance, l'empreinte des blessures laissée au fil des jours sur le blanc du papier. Constitué de longs poèmes aux vers amples, le livre parle du quotidien d'un Noir « marron », franc-comtois de couleur, qui subit le racisme dans une profonde solitude ; orphelin, il vit en effet une enfance de rejet sans côtoyer le moindre pair et ne peut ainsi trouver ce réconfort indispensable de ne pas être seul. L'isolement, comme le racisme rencontré suintent de la mémoire et alimentent le stylo de l'écrivain. Il est vrai que les trottoirs abritent parfois des porcs. On ne peut rien pardonner à cette boulangère promettant de passer la monnaie tendue par l'auteur à la Javel ; ni à ces patrons de bar qui refusent de servir les nègres ; ni à cet autre commerçant qui appelle les noirs « la merde des Français ». Très tôt, les livres prendront la place du compagnon d'infortune puisqu'au fond, aucun vrai méchant n'aime les livres (ce qu'il reste tout de même à prouver) et qu'on les méprise, on les tourmente ici comme toi. Céline passe dans le paysage dévasté de l'auteur à seize ans. Il en demeure un beau gris et le goût des métaphores. Sans doute cette poésie vient elle aussi d'un romantisme moderne nourri autant des tristesses urbaines que des solitudes agrestes ; d'un regard qui sait s'attarder sur les zincs un peu crasseux des bars à peine ouverts et s'inventer une verticalité dans la fumée des cigarettes solitaires. Il y a parmi ces pages des plaines de plomb liquide, une vie à un fil et un or confus des rêves tout rimbaldien ; il y a aussi une peine au coin des lèvres que l'on oublie de rallumer et qui pleure comme un sanglot de Verlaine. Ailleurs, le port épluchait ses façades dans l'eau sale tandis que les lassos de la bruine fouettent les réverbères  ; dommage que ces beaux voyages du regard laissent une trop grande place à un discours désabusé encore humide de colère mais définitivement convaincu des défaites et condamné à poursuivre un rêve vide de soi. Dommage que ce livre ne soit pas plus concis, n'ait pas pris le parti d'être une chose dense, brillante et coupante, comme ces pierres précieuses dans lesquelles le visage de celui qui taille parvient aussi se refléter.

Jacques Pautard
Éditions Cêtre
Site Internet : http://www.editions-cetre.com
Parution : mai 2006
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
286 p. 20 €
I.S.B.N. : 2-87823-154-6
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Poésie 1 (L'intégrale)

Le premier recueil publié par le poète suisse Alexandre Voisard se conclut par cette phrase : l'amour marche la tête haute. Il est tout en exaltation, en ferveur, il est écrit avec un coeur flottant. Le deuxième recueil, toujours en prose courte mais au corps à peine plus allongé, marque une inclination pour la narration. Il plonge dans l'enfance, découpe sous plusieurs lumières la silhouette du père et ramène avec elle les paysages de l'enfance. Son troisième ouvrage s'ouvre sur une apostrophe à la terre et les derniers vers de ce premier tome, publiés en revue ou en plaquette, inscrivent la préoccupation du territoire, la richesse du regard qui sait reconnaître et l'oiseau et la branche de l'arbre, le rapport sensible et savant de l'homme avec son environnement comme des thématiques majeures.

Sont réunis dans ce premier volume : Écrit sur un mur, Vert paradis, Préface aux testaments de l'ermite, Chronique du guet, Épars .

Alexandre Voisard est né en 1930 à Porrentruy. Après des études qualifiées de « hachées » à Genève pendant lesquelles il s'essaie au théâtre, Alexandre Voisard revient s'installer dans le Jura où il publie, grâce à Pierre-Olivier Walzer, ses premiers livres. Il fut ensuite employé de bureau dans différentes entreprises et eut à Porrentruy sa propre librairie. Il a été très actif dans la lutte pour la création du Canton du Jura. Ses poèmes furent alors les fils électrifiés de la révolte. Figure haute de la victoire politique, il devient en 1979 le délégué aux affaires culturelles du nouveau canton ainsi que député socialiste au Parlement jurassien de 1979 à 1983.

Il vit aujourd'hui dans le territoire de Belfort. La parution de L'Intégrale d'Alexandre Voisard, en huit volumes, sous la direction d'André Wyss, a débuté au printemps 2006 et se terminera à l'automne 2007.

Alexandre Voisard
Éditions Bernard Campiche
Collection : camPoche
Parution : avril 2006
Diffusion/Distribution : Vilo 2
Site Internet : www.campiche.ch
176 p. 7,90 €
I.S.B.N. : 2-88241-171-5
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Poésie 2 (L'intégrale)

 

Liberté à l'aube, qui inclut des parties aux titres aussi éloquents que Chant du pays de peine et Ode au pays qui ne veut pas mourir est un exemple relativement récent (1967) d'une poésie engagée, d'un bouquet floral porté au bout de la colère. Alexandre Voisard exhale les chants de sa terre et exhorte à la construction d'un futur ivre d'un bond sans retour et farouche. Nous sommes à l'aube de la création d'un canton indépendant. Les jurassiens s'extraient de la tutelle alémanique et inventent leur avenir. La poésie redevient le nerf de lendemains étincelants. Alexandre Voisard lit à haute voix ses poèmes, devant le peuple jurassien qui les connaît par coeur. Les ouvrages suivants conserveront ce lyrisme dédié cette fois à une quête plus intime. C'est notamment le cas du recueil Les Deux versants de la solitude ou encore des textes en prose, Les quatre saisons.

À lire dans ce second volume, outre les ouvrages précédemment cités : La Montagne humiliée, Les Voleurs d'herbe, Feu pour Feu et des textes réunis sous l'en-tête Épars.

Alexandre Voisard
Éditions Bernard Campiche
Collecti on : camPoche
Parution : avril 2006
Diffusion/Distribution : Vilo 2
Site Internet : www.campiche.ch
208 p. 8,50 €
I.S.B.N. : 2-88241-172-3
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Mémoire du mat

La poésie d'Emmanuel Laugier est un corps souple, « dévertébré » une lame à même de s'immiscer dans les strates et les failles d'un extérieur-intérieur essentiel : une sorte d'entre-mots, d'entre-objets, d'entre-désirs. Cet espace du lien de soi au monde ne supporte pas l'à peu près chronique du dire comme du faire. Il est un objet d'investigation scientifique et littéraire. Ainsi, comme les behavioristes, qui, soucieux de renouveler la psychologie expérimentale avaient formalisé en leur temps le cerveau comme une boîte noire, Laugier utilise à son tour cette métaphore pour inscrire dans son questionnement la figure de l'expérience, à la fois mémorielle et sensorielle. Cette recherche admet le heurt, la brisure, le repli comme un rythme intrinsèque, un allant naturel.
C'est par essence âpre à la lecture. C'est incontestablement une quête singulière.

d'être sans yeux
avec les pieds mais
dans le noir entier à essayer
avec les mains une reconnaissance
ou bien ouverts les yeux
bien sûrs
cherchent à voir
quand dehors sur la place au fond
tout est noir tombé
sur tout avec
et plié le revenir dans le partir
d'un seul trajet veut dire
mais alors -- être vu

Emmanuel Laugier est né en 1969. Il vit et travaille à Paris et a publié 7 livres de poésie en édition courante (depuis L'oeil bande , Deyrolle éditeur en 1996, en passant par Son/corps/flottant , Devillez, 2000), a coordonné un ouvrage collectif autour de Jacques Dupin ( Strates , Farrago, 2000) et a publié plusieurs contributions théoriques aux éditions Prétexte. Homme de revue, il collabore régulièrement à de nombreux périodiques de création (L'Animal, Théodore Balmoral...) ainsi qu'au Matricule des Anges.

Emmanuel Laugier
Éditions Virgile
Collection : Ulysse fin de siècle
Parution : avril 2006
Diffusion/Distribution :
Les Belles Lettres
128 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-914481-46-2
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Les Écrits mystiques de Vicence

Jacques Ferry est issu d'une famille littéraire dispersée. Ses ascendances (reconnues) fréquentent les arrière-plans photographiques ; ce sont des gens assis sur des bords de chaises, à peine présents au banquet Dada ou surréaliste. Il y a, bien sûr, les collatéraux électriques (Matthieu Messagier, Michel Bulteau) mais allons au bout de notre idée : Jacques Ferry descend autant des bouvreuils, du silence, d'un cow-boy ou d'un mauvais garçon que de Jarry, Rodanski ou Darry Cowl. Il faudra bien passer par cette entorse aux lois généalogiques pour parler de l'auteur des écrits mystiques de Vicence ; admettre aussi qu'un livre peut-être un rendu inattendu de nos capteurs branchés sur le monde. Celui-ci est mis à sac par le langage, puis le sac est renversé. On ramasse les pièces du butin, on choisit ce qui brille, on s'émerveille et on s'amuse. Les écrits mystiques de Vicence sont une suite ininterrompue de phrases brèves, d'une syntaxe souvent primaire, peu ou pas liées sémantiquement les unes aux autres ; il y a toutefois comme des rappels, des correspondances parfois, des fondamentaux qui échappent aux changements ébouriffants de « phrases-décor ». Toutes ne possèdent pas une teneur surréaliste ou purement imaginative. Ferry joue avec un éventail plutôt large de sentences parmi lesquelles, le coup de griffe, le regard ironique ou élégant ont toute leur place. Comme Jarnac, il possède une botte poétique qui lui est propre et qu'il use à bon escient. L'humour est injecté selon des doses très variables. Ainsi Ferry se sert parfois d'allitérations : On prend l'apéro sur la ligne Maginot entre acolytes anonymes. Parodie : Ni fleurs ni neurones, qui rebondit plus loin grâce à un Ni fleurs ni voyelles. Distille sa dose de venin : Ici l'ombre, Les Français moyens parlent aux Français moyens. Ou encore : Je préfère le gâteau de semoule à l'anthologie de la poésie française. Ce qui est gratuit ne l'est pas puisqu'il est jubilatoire (On ne prête qu'aux biches, Touchez pas au grizzly... ) Dit quelque chose de soi : Le silence poursuit gratuitement ma carrière. Adresse des clins d'oeil : Même les extra-terrestres ne comprennent pas mes livres. Protège aussi, bien entendu : Quand on est foutu, ils disent qu'on revoit le film de sa vie pendant dix secondes, alors je vais m'arranger comme d'habitude pour entrer sans payer après l'entracte. En attendant, installez-vous tranquillement et choisissez une religion... On débusque des aphorismes, tranquillement embusqués sur la route du lecteur-cycliste : l'esprit porte involontairement une croix en refusant de se livrer à une autre activité. On accepte de s'égarer complètement : Le lynx-hêtre obtient du commerce des femmes la reddition des miroirs. Nous sommes tentés d'en citer énormément. Dans cette forêt qui ne cherche pas à faire signes, (nous sommes loin de l'association libre et la lecture psychanalytique me paraît être une fausse bonne idée) on notera que le mot « entracte » revient souvent ; « l'amour courtois » aussi. « Le coq mède », « la salamandre ». « Disque rayé », « locus niger » et « Karaté » ; « la maja desnuda ». Et puis « Les Français moyens ». Ils parlent aux femmes battues (p 54). Tandis que quatre pages plus loin, Les pyjamas parlent aux français moyens.

Jacques Ferry est né dans le Doubs en 1950. Certains auront remarqué son coup de pédale et ses envolées poétiques dans Le Dernier des immobiles , le film de Nicola Sornaga construit autour de Matthieu Messagier. Publié plusieurs fois en revue, Jacques Féérie, comme se plaisent à le nommer Zéno Bianu et Alain Jouffroy dans leur excellente préface à ce livre, n'avait fait paraître à ce jour que quelques ouvrages au tirage très confidentiel. Nous avions été à sa rencontre pour un dossier paru dans Verrières n°8. Deux livres sont annoncés tout prochainement aux éditions Musica Falsa, L'Étoile la plus proche d'elle-même et Un certain retour à l'extrême sauvagerie.

Jacques Ferry
Éditions Le Castor Astral
Parution : mars 2006
Diffusion/Distribution : Volumen
186 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-85920-639-6
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Battant

Bertrand Degott est un poète qui connaît sa rhétorique, aime ses classiques et sait jouer des formes fixes et des vers libres avec une dextérité certaine. À travers ses sonnets et ballades, il déploie toute une palette de couleurs et de sensations pour parler sans fard de l'amour et ses douleurs, de la femme aimée ou quittée, des paysages connus et des rues arpentées ou encore des fleurs cueillies et des saisons. Il y est également question du temps et du métier de vivre, d'errances, de voisins et d'enfants.

Oui, notre vie tel un ruisseau troublé de marne / dans la clarté du sous-bois où nous abritons / la mort, tandis que l'hiver par là nous décharne / par ici l'on effleure au printemps les tritons

Il est à noter que ce recueil s'ouvre sur un hommage à Jean-Baptiste Chassignet, poète bisontin méconnu qui en 1594 achève un ensemble de 434 sonnets (Le Mépris de la vie et consolation contre la mort), repérables pour leur réalisme, la grâce des images, l'âpreté du ton et leur ferveur mystique.

Bertrand Degott réside dans le quartier Battant à Besançon, ville dans laquelle il enseigne. Il a publié deux précédents ouvrages chez Gallimard (Éboulements et Taillis et Le Vent dans la brèche) ainsi qu'en revue.

Bertrand Degott
Éditions La Table Ronde
Collection : L'Usage des jours
Parution : février 2006
Diffusion/Distribution : GIE/Sodis
86 p. 13 €
I.S.B.N. : 2-7103-2822-4
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Siège de la tirelire blanche

Plus « vertébré » que la plupart des autres livres de Matthieu Messagier car composé de fragments numérotés de 1 à 119, ce dernier opus se donne ainsi à lire au fil des saisies successives que le poète exerce en son temps intérieur. 119 postulats de l'énigme d'être, dans le déjà petit miracle d'être là, vers que cite Renaud Ego, un des meilleurs connaisseurs de l'oeuvre du poète, dans son admirable livre, Matthieu Messagier, l'arpent du poème dépasse l'année-lumière (Jean-Michel Place, 2002).

Matthieu Messagier a commencé à écrire autour de l'âge de cinq ans. Il a vingt et un ans quand paraît, par la volonté de François Di Dio et la maison d'édition Le Soleil Noir, l'emblématique Manifeste électrique aux paupières de jupes dont il partage le sommaire avec ses compagnons « électriques » (c'est ainsi qu'on les désignera), Michel Bulteau, Zéno Bianu ou encore, parmi d'autres, son voisin de l'Isle-sur-le-Doubs, Jacques Ferry.

Capteur des densités du dehors si souvent étouffées, le poème vibre d'une pluralité d'influx, déploie les contours d'une présence que seul l'écran de la page peut accueillir. L'écriture de Messagier a sa temporalité agitée ou extatique ; au sortir de plongées lentes, les traits harmonieux du monde composent avec leurs accrocs. On est tenté de voir, dans ses assauts de matière, ces spirales de sens et de non-sens réconciliés, dans cet afflux d'éléments organiques, un prolongement du mouvement biologique originel, le contact des éléments chimiques engendrant leur précipité de couleurs vives, projetées, éphémères.

ces yeux effraient les ténèbres
cette bouche conspire au sublime
ce val recèle la chrysalide des songes
ô tant de millimètres à protéger murmure
pour l'abrupt à remuer les flammes
à s'éprendre impossible vers zéro peau
au coin précis les lèvres remontent l'horizon
et abrègent à la hâte ce recel d'images arrière

Matthieu Messagier est l'auteur d'une soixantaine de livres dont plusieurs figurent aux catalogues des éditions Flammarion, Bourgois, Fata Morgana... On trouve également dans sa bibliographie de nombreuses collaborations avec des peintres parmi lesquels Dado, Baj, Maggioni, Marcelle Baumann et aussi son père Jean ou son frère, Simon Messagier.


Matthieu Messagier
Éditions L'Arachnoïde
Adresse : 118 rue du Pica Talen -- 34980 Saint Gely du Fesc
Collection :
sous le signe du soleil noir

Parution : décembre 2005
58 p. 12 €

 

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Hymne à l'amour
  1. On ouvre un recueil de poésie.
  2. On apprend que le poète est amoureux.
  3. On lit des poèmes d'amour.
  4. Le poète fait l'amour.
  5. On lit des poèmes érotiques.
  6. Il n'est pas question d'Edith Piaf.
  7. De Miss Kabylie, oui.


Henricolas François
Les Éditions de Franche-Comté
Adresse : 31, rue Jean Jaurès -- 70000 Vesoul
Site Internet :
www.fc-edition.com

Parution : 4 ème trimestre 2005
96 p. 10 €
I.S.B.N. : 2-915402-32-9

 

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Ulysse fin de siècle
(vers et proses)

Ulysse fin de siècle fut d'abord une maison d'édition fondée en 1987 par François Dominique et Jean-Michel Rabaté avant de devenir en 2000, date programmée de sa disparition, une collection au sein des éditions Virgile, dirigées par Daniel Legrand. Cet ouvrage constitue une anthologie des auteurs publiés pendant vingt ans, essentiellement composée de contributions inédites pouvant prendre la forme de textes courts, de lettres, d'extraits, de dessins, de peintures... À noter le parti pris éditorial audacieux, qui consiste à accueillir les textes dans leur seule langue originale. L'ouvrage est un objet élégant, extrêmement léger pour son volume et qui s'ouvre sur un texte passionnant de François Dominique ainsi que sur des contributions plus brèves des deux autres éditeurs, Jean-Michel Rabaté et Daniel Legrand. Le territoire d'Ulysse fin de siècle est un drôle d'arpent composé d'un gros bout d'Etats-Unis (John Cage, Norma Cole, Louis Zukofsky, Ezra Pound, Michael Palmer, Ray DiPalma, Charles Olson), de modernités entêtées à dépasser leur siècle (Casanova, Rétif de la Bretonne, Mallarmé puis Blanchot mais aussi Maurice Roche), de références indiscutées (Rainer Maria Rilke, Robert Walser) et de candidats références pour le siècle naissant (Christian Prigent, Bernard Noël), de valeurs très très sûres (Démosthène Agrafiotis , Claude Louis-Combet, Roger Laporte, Pierre Bettencourt, Roger Lewinter, Jacques Borel, Daniel Oster, Pierre Oster, Franck André Jamme, Jacques Rebotier...), d'étoiles filantes (Christophe Tarkos, Pierre Madaule, Roland Hélié), de noms connus, de noms discrets, des noms d'écrivains singuliers (Gérard Arseguel, Marie Étienne, Alain Coulange, Alain Lance, Roger Lewinter, Josée Lapeyrère...) ; beaucoup d'autres noms encore que certains souhaiteront voir insérés dans les parenthèses précédentes, étrangers et que nous ne connaissions pas mais aussi traducteurs, plasticiens ou qui cultivent un bout de terre à part...
Faisons cet effort minimal de les citer sans exception : Serge Gavronsky, Gabriel Josipovici, François Deck, Chantal Chen, Song Lin, Richard Sieburth, Joel-Peter Shapiro, Arden Quin, Auxeméry, Fulvio Testa, Marc Camille Chaimowicz, David Mus, Nivaria Tejera, Alfieri Gardone, Alain Jadot, Dezsö Tandori, Cécile Mainardi, Pierre Lartigue, Catherine Marchadour, Andràs Gyöngyösi, Katy, Nadine Boucheron, Christian Rosset, Michel Lagrange, Christof Meckel, Antonin Moeri, Liang Yang, Beryl Schlossman, Suzanne Roth, Valérie-Catherine Richez.

 


Collectif ; textes de présentation signés François Dominique, Jean-Michel Rabaté et Daniel Legrand
Éditions Virgile
Parution : novembre 2005
Diffusion/Distribution :
Les Belles Lettres
188 p. 20 €
I.S.B.N. : 2-908007-67-3

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Vagabondage

Une forme poétique fixe, le quatrain, auquel Mustapha Kharmoudi confie la tâche de véhiculer ses sentiments doux amers sur l'exil, les batailles politiques, la nostalgie amoureuse.
On retiendra celui-ci, intitulé Je t'attends  :

La grisaille blesse l'espoir et les quais de la ville
Il n'y plus de vin chaud mais juste un rêve fragile
Il pleut sur Besançon et je t'attends pour danser
Sur le pont impatient de cette rivière indocile.

Ou encore Nos enfants  :

Il n'est plus de révolte de fougue ni de passion
Nos enfants vont et vaquent à de sottes frustrations
De petits « je » en « Nike » les utopies se retirent
Et la vie se dérobe sans la moindre sommation.

Mustapha Kharmoudi, est né dans l'arrière-pays de Casablanca. Il a fait ses études supérieures à Besançon où il vit actuellement. Il a publié deux romans au manuscrit.com : Le temps des chacals et Une petite vie marocaine ainsi qu'un autre recueil de poésie : D'exil et de peine.


Mustapha Kharmoudi
Éditions Le Manuscrit
www.manuscrit.com
20, rue des Petits-Champs
-- 75002 Paris
Site Internet : http://www.lemanuscrit.com
Parution : août 2005
68 p. 10,90 € (le livre), 4,25 € (en format PDF)
N° I.S.B.N. : 2-7481-6592-6

 

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Kreisen/Cercles

Des formes brèves lapidaires ; des évocations simples : les arbres, le foin, une bulle de savon, les cercles. Une clarté de sens. Qu'est-ce qui sourd de ces courtes pages, qu'est-ce que convoquent les arbres, le foin, la bulle de savon, les cercles dans le bois pour que nous soyons, en lisant, emmenés si loin et si convaincus ? Il arrive que les épreuves, la souffrance, la perte, deviennent si constitutives de soi que soi ne les appelle plus guère ; le passé de l'auteur devient une gravité transparente sur le paysage de ses poèmes.

L'écriture de Rose Ausländer est celle d'une femme née en 1901 ; d'une enfance dans un pays aujourd'hui disparu, la Bucovine, située alors au Nord Est de la Roumanie. Elle vient de la « Mitteleuropa » à la mythologie peu à peu perdue, de la Shoah et des camps.

Lorsqu'elle écrit ces poèmes en 1970 elle ne dit pas tout cela. C'est là, c'est évident, c'est elle. Et ce qui est sublime, c'est que non seulement Rose Aüslander évoque la simplicité d'un monde, s'attarde, après ce désastre d'un siècle qu'elle a éprouvé dans sa chair, sur deux cerises sur leur tige ou encore sur des pommes de terre sur la braise , mais qu'elle le fait avec cet apaisement qui devient un état sublime lorsqu'il touche ceux qui ont vraiment souffert. Certains poèmes peuvent alors évoquer la mort, ils le font avec la constante douceur qui habille tout le livre :

Tu penses le
torrent de ta journée
nages péniblement

Contre l'eau des heures

La nuit
te pense
d'étoile en étoile

Dans le souffle somnambule
tu ne remarques pas
que tu dis adieu

Notons que dans sa livraison d’octobre 2005, la revue If publie également des poèmes de Rose Ausländer écrits durant la même période. La traduction est signée Sylvie Leblois-Dumet et Catherine Weinzaepflen. (If : 32, rue Estelle — 13006 Marseille).


Rose Ausländer
Traduit de l'allemand par Dominique Venard
Æncrages & Co
Adresse : 6, rue Ernest Nicolas -- 25 Baume-les-Dames
Site Internet : www.aencrages.com
Parution : septembre 2005
64 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-904247-95-5

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L'Aurore

Bernardin de Sienne vit s'approcher un DC 10 vint s'écraser sur la villa d'Este fut assiégée par le 6 ème bataillon mussolinien débarqua à Utah Beach Yahvé apparut à Lamartine sous la forme d'un buisson ardent et lui enjoignit de conduire hors d'Amazonie les plébéiens attaquèrent le noeud ferroviaire de Shaduzup fut atteint pas un missile Exocet tiré par un Mirage F1 iranien se crasha contre la tour Eiffel...

On connaît la pratique collective du jeu dit « Cadavres exquis » depuis les premières expérimentations surréalistes : Breton, Desnos et consorts écrivaient sur un même papier et à tour de rôle, un bout de phrase qu'il masquait, avant de faire passer la feuille à un autre et ainsi de suite, tout cela pour s'émerveiller, ensuite, des enchaînements sujet-verbe-complément oniriques obtenus en dépliant la feuille.
On dira donc que P.N.A. Handschin joue aux « Cadavres exquis » tout seul. La lecture, prise d'un gentil vertige au bout de quelques pages, glisse tour à tour d'une attention particulière accordée aux noms propres, à une ivresse du mouvement et de l'action. Pour reprendre l'exemple cité plus haut, il arrive que Bernadin de Sienne, Villa d'Este, Utah Beach, Yahvé, Lamartine, se voient relégués au second plan par la puissance évocatrice de vit s'approcher un DC 10, vint s'écraser, fut assiégée, de sorte que c'est face à une planète affolée que nous nous retrouvons plutôt qu'à un volume d'un Who's who international et plusieurs fois millénaire. Mais si Breton et ses partenaires composaient des cadavres exquis avec des lambeaux de leurs rêves, Handschin, lui, se sert dans le pot commun de l'histoire, manière de dire trois choses au moins :

-- Votre Histoire est plus délirante que mes fantasmes.

-- Vous n'arrêtez pas de gigoter, massacrer, mourir, courir.

-- Le monde est fatigué et moi aussi.

L'humour, évidemment, sort grand gagnant de ces collisions et « collusions », prenant nettement le pas sur l'ambition et l'audace qui dominaient plutôt dans le premier livre de Handschin, Déserts . On attend la suite de cette entreprise baptisée Tout l'Univers sur le modèle d'une ancienne collection de fascicules pour enfant, naïve et ambitieuse. Chaque volume devant se lire, nous sommes désormais avertis, comme une nouvelle variante d'un jeu de quilles très personnel.

P.N.A. Handschin, né bisontin, vit toujours dans cette ville. Déserts et L'Aurore sont ses deux premiers livres.


P.N.A. Handschin
Éditions P.O.L.
Parution : mai 2005
Diffusion/Distribution :   C.D.E./Sodis
116p. 14 €
I.S.B.N. : 2-84682-077-5

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Escorter la mer

Le paysage d'Escorter la mer est celui du pays de Caux dont l'auteur avait déjà fait l'objet d'un livre précédent, Valleuse. Le livre, large et ouvert comme une plage normande, porte haut les bavardages de la mémoire, ses bégaiements, ses naïvetés et ses temps emmêlés. Il déroule une volée de petites proses qui cahotent parmi les pierres, les odeurs, les ascendances et l'enfoui ; il gonfle l'espace de rondeurs poétiques, glisse ses coulées de paroles dans les rigoles du passé. Le projet nourrit une grande ambition car Escorter la mer est une tentative pour épuiser un motif : celui de l'origine, de la terre de l'enfance soumise au grand vent du large et du temps. La mémoire est ainsi moulue, crayeuse, elle possède des ressacs et des éclaboussures, des retraits longs qui font courir loin en arrière, des effluves que l'on pourra partager avec l'auteur, conviés comme nous le sommes dans son musée d'air et de sel, à la météo changeante. Mais notre hôte ne tient pas en place, la langue est collante, la langue et le vécu collent trop : Caux mon pays de Caux un pays pas chaud le pays de Caux on l'appelle Caux pour ça Caux comme Kald quelque chose comme ça chez les Vikings ceux qui sont venus par en dessus du Grand Nord Mon pays n'est pas chaud mon pays est de Caux Kald pas de Cocagne. Il y a aussi des proses friables comme la pierre de la valleuse et un glossaire dense comme le coffre d'un marin ; des poèmes drus comme des phares et des lignes d'écriture qui font de grands écarts entre mer et mère avec le vent dans la figure. Quant au tracé du livre, son dessin dans le paysage, il pourrait ressembler à l'intérieur d'un phare :

La fuite d'escalier tourne rond au creux du phare qui monte jusqu'au tout-haut girouette à eau qui fait la ronde dessus les marches. Dessous ça fore - vertige aussi - comme ces forets qui vont pointus au fond des eaux mangeant le phare toujours posé un peu comme ça sur le roulis. Mais la cambrure prend l'escalier pour s'appuyer d'un degré plus vers le mirage qui fait lumière après la fuite. Sortie dessus. Larme dans l'oeil.

Jacques Moulin vit à Besançon. Il est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages, pour une part en édition courante (Marron, éditions de l'Envol, 1997), Valleuse et Arènes 42 (Cadex Éditions, 1999 et 2001)... Il réalise aussi des livres d'artiste avec le graveur François Ravanel (Façades, Marques, Mélèzes, Atelier Dutrou, 1998, 2000, 2004).

 


Jacques Moulin
Éditions Empreintes
Adresse : case postale 93
CH-1510 Moudon
Suisse
Parution : printemps 2005
106 p. 17,40 €
I.S.B.N. : 2-940133-81-6

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Épaves

Pour que la langue soit vivante, les mots acceptent de mourir : la mémoire est parsemée de ces débris sonores dont le sens éventré ne résonne plus. Ce sont parfois de grandes carcasses, parfois de petits chuintements. Francis Jeanneret-Gris les nomme Épaves  :

Fossiles trop récents, ces mots appartiennent pourtant à une mémoire qui s'estompe et se délite inexorablement comme nos corps qui, avec l'âge, perdent de leur substance et de leur chair. Cette écriture n'essaie non de les sauver -- l'opération serait sans intérêt, si ce n'est pour la dialectologie --, mais d'en recueillir un dernier souffle, un dernier sens (jubilatoire, si possible) -- modestes gloses de paille, de neige, de vin, d'amour et de soleil, comme il convient ici -- devant un monde qui voit sans les voir son naufrage et ses épaves s'amonceler. Et le vrai silence qui vient.

Sans les utiliser (sont-ils si morts ?), mais en s'en inspirant, l'écrivain prête à ces mots du passé un petit texte à la suite d'une brève définition. Un nu fragmenté à l'encre de Chine ouvre des espaces à thème pour en tout 474 épaves, de Abergeant à Pintoiller.

Exemple : Meuler (v.a. Répéter ressasser, quelque chose ; importuner).

Faces cachées de la lune, je me souviens que nous avions, plein les cheveux, des révolutions. Il ne nous reste que des lotions capillaires. Comme rêve et ove.

Francis Jeanneret-Gris est né et vit dans le Jura neuchâtelois.

 


Francis Jeanneret-Gris
L'Atelier du Grand Tétras
Parution : avril 2005
Diffusion/Distribution : auto
208 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-911648-12-9

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Balbutiements

Balbutiements sont-ils littérature ? Improvisations sont-elles livre ? Souffle survit-il au papier ? C'est la problématique autour de laquelle s'enroule le volume Balbutiements , cinquième livraison de la collection poétique Glyphes proposée par les Éditions du Grand Tétras. « L'idéateur », le lecteur et l'illustrateur (Aki Kodoka), ainsi que Timothée Laine, en sont convaincus. Ce qui donne un texte en trois grande parties : - Un prologue (À la force de midi) où ce dernier expose la démarche créative, à savoir le passage de l'improvisation orale au livre par la transcription graphique, la lecture critique et le rendu public, une deuxième partie constituée par l'essentiel des textes ainsi obtenus et un épilogue sous forme de j'ai lu untel à, j'ai dit une telle à, reflet lointain du "Kaddish" de Ginsberg ou du "Je veux pas crever" de Vian, avec quelques échos de Ponge. L'ensemble est constitué de pages criblées de blancs et de trous et des séquences - tantôt bruine tantôt bourrasque qui vont de l'excellent arbres de pierraille entre l'or et la chair, de l'étonnant Cognent in der Nacht/ Cognent, cognent / Dire que der Krieg / Die war pointe aux brochettes de mots sans suite - force et faiblesse de l'inspiration, en passant par le rédhibitoire nous allons reprendre le poème, il y a un petit problème technique. Lire, dire, pour écrire, conclut Timothée Laine ; pour un public religieusement assis dans une salle de lecture. Ou pour ceux que la littérature laisse sans voix ?

Timothée Laine est né en 1956 en Franche-Comté. Auteur dramatique, il travaille également sur la poésie orale et se produit partout en France de La Villette en Avignon, et du Marais à la bibliothèque d'Évry.

 


Timothée Laine
L'Atelier du Grand Tétras
Parution : avril 2005
Diffusion/Distribution :
Solitaires Intempestifs Diffusion
216 p. 16 €
I.S.B.N. :   2-911648-14-5

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En dansant la Sumida

Ce livre est la trace d’un événement conçu et vécu un matin, sur le site de la rivière l’Arc, non loin d’Aix-en-Provence. Il mêle danse, poésie et essai, longe et traverse la rivière et les siècles, soucieux de donner une réplique à un drame nô de notre neuvième siècle. Celui-ci, présent dans le livre par un large extrait ainsi que par un texte explicatif de Viviane Duvergé, évoque l’errance d’une mère au bord et au travers la Sumida, rivière et lieu de passage allégorique de ce lointain Japon. Ils sont deux, appliqués à être chacun seul et ensemble traversés par ce souffle, à dessiner seuls et ensemble une figure à ce lien : Julien Blaine poète performeur universel et Valentine Verhaegue, danseuse solitaire résident en Haute-Saône mais qui a depuis longtemps pris pour scène de ses improvisations, le tout terrain du vaste monde.
Un livre chargé de perpétuer l’éphémère d’une rencontre qui eut lieu sous l’éclairage d’une matinée provençale et d’un drame nô. Avec photographies, poèmes et éléments de réflexion.

Valentine Verhaeghe, Julien Blaine, Viviane Duvergé
éditions NèPE
Adresse : Moulin de Ventabren — 13122 Ventabren
Parution : avril 2005
Non paginé ; 9,14 €
I.S.B.N. : 2-84571-007-0

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Fond de troisième oeil

Fond de troisième oeil est, comme chaque livre de Matthieu Messagier, un univers entier, celui des mots, des paysages, des trouvailles, du très simple et du très complexe ; il est né dans le pays de Trêlles très précisément, qui est une maison, un jardin et une centrifugeuse poétique ; territoire imaginaire possiblement situé dans le département du Doubs, lieu de la famille Messagier. Peut-être parce que son auteur est immobile à cause d'une sale maladie, encore que cela date probablement d'avant mais disons le ainsi : peut-être parce que son auteur est immobile à cause d'une sale maladie, les mots sont « invités à venir », à parcourir cette longue distance qui sépare « l'univers entier » et le point fixe du pays de Trêlles. On croit percevoir cette injonction faite à la langue, une sorte de geste précis à laquelle elle se plie. Messagier est un apiculteur des mots, écrivant dans le nuage épais et virevoltant de ses essaims revenus des lointains ; ses mots portent chacun une poussière d'exotisme sous les ailes, comme un peu de pollen.

Mais l'écrivain aime aussi travailler avec le tout proche, dans le moule de ce que l'on pourrait nommer le grand vrac des lieux communs de la parole : empilons ici des matériaux aussi divers que le proverbe, la réflexion sur le temps qu'il fait, le poème naturaliste mais aussi le journal intime, le récit de jeunesse, la formule branchée, tout cela bien sûr non pas pour les dynamiser ou les moquer mais simplement pour les faire sien, réaliser ainsi la sauce personnelle dans la vieille marmite populaire. Or, l'opération est contre-nature puisque à un état de langue dépouillé par essence de subjectivité et d'imaginaire, Messagier substitue sa moisson non seulement personnelle mais immédiate et inreproductible. C'est particulièrement vrai ici dans une sorte de journal-éphéméride :

Mardi,
furieuse allégresse
fouettant au cerveau
curiosité d'écrire en borgne
mire caché dans les souvenirs gelés
encore ces yeux répandent
la terminaison tragédienne
se plaît journal tend à la pile du pont
furet et visionnaire de grammaire collée
au sens de la chenille
se content des merveilles

Cette tension, cette saisie brute d'une origine de la pensée, d'une essence plurielle, cette tentative pour restituer à la seconde son paysage entier, intérieur et extérieur réunis dans une possible fusion, est une marque forte qui rend la lecture parfois euphorique, parfois en plan. Bouleversée ou sourde. Il peut tout arriver dans un livre de Matthieu Messagier. Qu'on trébuche, qu'on râle, qu'on ne sente pas. Qu'on adore, qu'on rêve, qu'on soit saisi. On fait tout librement ; en lecture comme en promenade, avec des paniers plein les bras.

Encore deux petites (merveilleuses) choses :

Des minéralités dépassent des idées/sur la troisième voie/d'autoroutes astrolyriques .

Et plus loin,

le ciel se désordre en pluie.

Matthieu Messagier a écrit une cinquantaine d'ouvrages, parfois très épais (Oran, Fond de troisième oeil) parfois ténus et rares (Elvis Presley sa navigation, Faut payer pour voir), le reste du temps de taille et de diffusion plus habituelles (Le Désespoir aux quatre fleuves, À l'ancre d'achronie).


Matthieu Messagier
Éditions Flammarion
Parution : avril 2005
Diffusion/Distribution : U.D.
300 p. 18,50 €
I.S.B.N. : 9-78208-0688217

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Dans un corps éloigné de mémoire

Un corps éloigné de mémoire désigne celui de la femme enceinte. Ainsi, le titre du dernier recueil de poèmes d'Annelyse Simao exclut l'appel au souvenir : femme enceinte ne nourrit pas la mémoire ; elle devient étrangère à mère nouvelle. La poésie, qui n'est rien sans rupture et toute entière « re-création », s'impose ici comme un recours face à l'expérience gardée « hors mnésie » de la grossesse. Pour cela, Annelyse Simao met son corps en jeu dans le texte, dans un style différent mais sans plus de compromis que des romancières très médiatisées comme Christine Angot et Chloé Delaume, entre autres ; les deux derniers livres de Simao sont ainsi centrés sur les questions du désir (Pas tes mains mais ma bouche) et de la grossesse (Dans un corps éloigné de mémoire). Poésie de l'amour physique et maternel donc, ne trichant pas avec la perméabilité des deux. Cette perméabilité d'ailleurs, beneficie de l'effet conducteur d'une écriture, charnelle, heurtée, travaillée parfois au couteau parfois comme pétrie et qui affiche sa belle constance de livre en livre.

Pour exemple de cette « continuité singulière », voici des citations empruntées aux deux ouvrages :

Mon cri de volcan, je l'étreins par politesse
Envers tous ces voisins, à minuit d'été douce.
Contre la pierre de vieux murs, tu viendras vite
Relever ma jupe et m'embrasant le sommet :
Tu te souviens de la montagne où tu m'avais
Renversée ? sous toi je vidais mes grandes eaux.

(Pas tes mains mais ma bouche)

Tout de suite, et peu à peu, les os s'écartent.
Dans le fond des muscles s'élargit une place
Indolore. Alentour parfois des nerfs chicanent.
Réceptive s'incarner. Percevoir une force lente,
puissante et vitale, à ce long cheminement des jours.

(Dans un corps éloigné de mémoire)

Deux livres à lire à la suite et liés par l'attention à l'organique, comme par le rythme de la phrase ; traversés par le halètement du corps et des mots.

Annelyse Simao vit à Besançon.


Annelyse Simao
Éditions La Dragonne
Adresse : 3, rue Chanzy
-- 54000 Nancy
Site Internet : www.editionsladragonne.com
Parution : mars 2005
Distribution : Les Belles Lettres
90 p. 13,50 €
I.S.B.N. : 2-913465-37-4

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Le Dada du sonnet

Le Dada du sonnet, traduit de l'italien et présenté par Hervé Joubert-Laurencin, pourra surprendre les lecteurs habituels de Pasolini. Cet ensemble de sonnets fait écho à Dante et à Pétrarque, même si Béatrice et Laura sont en l'occurrence remplacées par un jeune homme aimé de Pasolini et parti. D'Eros en Thanatos, les 112 sonnets de ce recueil parfois désuet (Je me moque de vous pour la misère « petite bourgeoise »/que votre amour vous impose et vous fait redécouvrir/le repas chez les parents de la bourgeoisie,/les dimanches au cinéma, l'idée de partir... {in le sonnet 77}) -- nous aident à le connaître mieux et à vivre à ses côtés un enfer d'émotions « humaines/trop humaines » entre sacré et sacrilège. Indispensable pour les idolâtres : Gaziella qui brusquement prenant/son courage à deux mains, me dit : /Ninetto est ainsi, pendant quelque temps.../Il peut rester sans venir... Un peu moins pour les admirateurs des Écrits corsaires. À noter que ce texte n'a jamais été publié du vivant de l'auteur.

Voir aussi de Pasolini, Théâtre 1938-1965.

 


(Édition bilingue)
Pier Paolo Pasolini
Traduit de l'Italien par H. Joubert-Laurencin
Éditions Les Solitaires Intempestifs
Adresse : Château de la Bouloie, 1, chemin de Pirey -- 25000 Besançon
Site Internet : www.solitairesintempestifs.com
Parution : février 2005
252 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-84681-132-6

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Cheval blanc

Être le frisson bien sûr. La pierre qu'on entaille. Pierre-coeur-tête. Être la mélodie enfantée par la main chauve. Bien frottée aux misères qui exhalent. Pierre-coeur-rien. Être la marionnette qui remonte les fils. L'odeur des mères au lavoir. Pierre-rien-rien. Être le bref. L'inodore sans saveur. Dansant juste. Rien-rien-rien.

Parfois aussi, a contrario de ce rien, la poésie de Marc Blanchet prétend au tout, un tout qui ne résulterait pas d'un rêve de toute puissance, mais qui serait dilué, circulant, transvasé, un tout mystique qui inonde le sujet, l'incorpore, une sorte d'accolement du corps et de son alentour, un tout du désordre comme en fabriquent le mouvement et la course, les vertiges d'une ivresse à exister. La poésie de Marc Blanchet oscille entre la prose et le vers certes mais plus profondément entre l'engagement et le dérèglement. La bouche qui parle est la même qui boit à la gourde, avide, trop avide pour ne pas générer la folie de quelques gestes et le fantasme de l'immense. La langue a maintenu vaille que vaille son lyrisme, l'exhortation des puissances, malgré la mise en lambeaux des grands rêves et de l'épique. On est plus proche d'une sensualité électrique que de l'éclat, des frottements que du combat. On vagabonde dans l'abondance des impulsions, des paroles, des fertilités.

Marc Blanchet est l'auteur d'une dizaine de livres, poèmes, essais, monographies, photographies, dont plusieurs parus ou à paraître en 2005 : Les Amis secrets (José Corti), Trophées, cinq récits mythiques (Farrago), Jean-Gilles Badaire, monographie (Le Temps qu'il fait) et Miroirs du double (Virgile).


Marc Blanchet
Éditions Virgile
Collection : Ulysse fin de siècle
Parution : février 2005
Diffusion/Distribution : Les belles Lettres
62 p. 14 €
I.S.B.N. : 2-908007-68-1

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In the event
événement 19

Les 7'55 que dure The track 2 #, in the event de ce CD livre constituent pour Anne-James Chaton la fin d'une enjambée entreprise, de l'espace de la poésie sonore à celui de la scène musicale. Sur cette plage du disque, son texte rencontre la voix, la présence, la guitare de the ex, groupe multi décadaire de la scène alternative (melting-pot improbable d'engagement punk, de folie noise, d'improvisation jazz et de sensibilité ethnique). Le croisement fonctionne très bien à l'écoute, la sobriété récitante de Chaton coupant de manière « très classe » l'énergie dégingandée de The Ex. Cela ajoute un étage neuf à la structure sonore de l'auteur, bien éprouvée maintenant depuis deux CD et 19 « événements ». Chaton enregistre et publie des listes qui épuisent l'empreinte écrite du monde qui l'entoure. Ainsi, d'un instant passé devant un café assis à un guéridon de bistrot, ne demeure dans le sas des « événements » que le texte imprimé in extenso sur le ticket de caisse et sur le paquet de cigarettes posé à côté. L'écriture joue à l'extrême les termes d'une époque où domine le code barre, projetant la subjectivité dans une sorte d'état à la fois pauvre et neuf, envahissant et écrasé. D'autant que, si le quotidien (et donc le « je ») subsiste parmi les numérotations, inscriptions, slogans, mode d'emploi ou additions, son espace déjà saturé se raye d'allusions lancinantes et brèves à l'actualité (Bill Gates, Tchétchénie, Rwanda...) qui reviennent à la fois comme des anathèmes politiques et une contre-plongée désespérante vers l'ex-ailleurs poétique.

Anne-James Chaton, né à Besançon, vit aujourd'hui à Montpellier. Il codirige actuellement le festival de poésie et musique « Sonorités ».

 

Anne-James Chaton/The Ex
Éditions Al Dante
Parution : décembre 2004
Diffusion/Distribution : Fédération/diffusion / Union Distribution
30 p. (+1 CD) ; 20 €
I.S.B.N. : 2-84761-059-6

 


 

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Fougerolles

Dans son nouveau recueil de courts textes poétiques, Jean-Claude Pirotte célèbre la cerise, véritable richesse du pays Fougerollais, au travers des souvenirs des hommes qui l’ont cultivée. Des vergers blancs qui inondent le village au printemps, jusqu’à la distillation hivernale du kirsch, en passant par le temps de la cueillette, la cerise fait battre le cœur des habitants au rythme des saisons. Témoignant ainsi d’une véritable civilisation autour de ce fruit, l’auteur évoque avec beaucoup de nostalgie les images, musiques et senteurs d’un monde rural en voie d’extinction.

Jean-Claude Pirotte est l’auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages, parus pour l’essentiel à la Table ronde et aux Éditions Le Temps qu’il fait. Poète, romancier, éditeur depuis peu (puisqu’il dirige sous cette même enseigne du Temps qu’il fait, une collection intitulée Lettres du Cabardès), Jean-Claude Pirotte est aussi peintre ; nomade venu de Belgique par des chemins de traverse, il a aujourd’hui posé quelques affaires à Arbois dans le Jura, où il réside une partie de l’année. Il est l’auteur de plusieurs livres remarquables : Fond de cale (1991), Récits incertains (1992), Un voyage en automne (1996) ou encore La Légende des petits matins (1996). Fougerolles est un livre de la collection Suites de sites. Voir, pour plus de détails sur cette collection, les notules concernant Fabrique de Faulx et La Traversée de l’Europe par les forêts dans la rubrique romans, récits et nouvelles.

Jean-Claude Pirotte
Éditions Virgile
Collection : Suite de sites
Parution :
4 e trimestre 2004
Diffusion/Distribution : Belles Lettres
58 p. 10 €
I.S.B.N. : 2-914481-27-6

 


 

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La Vie va

Des poésies en rime, pour exprimer la passion de la nature et des drames de l'existence.


Pierre-Jean Laforêt
Les Éditions Sekoya
Collection : Poésies d'hier et d'aujourd'hui
Parution : septembre 2004
Diffusion/Distribution : Maison du Livre de Franche-Comté
94 p. 14,50 €
I.S.B.N. : 2-84751-027-3

 

 

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Les Transfigurations

Parfois ça déroule en courbe sur cinq vers toboggans (My own private sorcier m'avait filé/des graines de courges -- pour la prostate --/ les prunelliers commençaient à fleurir --/ avec consigne absolue d'en mâcher huit/ par jour -- moi j'ai fini le paquet dans la journée). Parfois cela s'achève dans une impasse avec en face comme un mur (La motion, il se trop de môles/pour faire la forêt). La poésie de Matthieu Messagier est cette refonte draconienne avec collisions luxuriantes et empilements d'images, embardées bucoliques avec impasses et oasis, asphyxie du sens ou au contraire, fabriques d'azur. Le poème dégringole comme un sac qui se vide par terre et qui dessine sa géographie avec du matériel prélevé du grand large (Un origani de giboulées), des pièces recyclées (Il faut l'impur/pour révéler l'essence du pur) ou encore les deux (Les grandes literies donnaient sur des pinces/ intérimaires, elles disaient « est-ce qu'on peut/ avoir la sensibilité et l'argent de la sensibilité ? »). Il y a tellement tout dans ces Transfigurations, que l'on peut démouler un commentaire du poème dans le poème même. Ainsi, pour faire le portrait de ce drôle d'oiseau, l'on peut simplement citer ceci :

que les pépites se noient dans l'eau qui les nettoie

ou encore cela, à la toute merveilleuse fin :

la kyrielle de tout, à base d'abats de poésie bouillis,/et à transformer ce que l'on est en ce que l'on écrit/et à incinérer ce que l'on écrit en ce que l'on est...

Les Transfigurations ont été écrites pendant le tournage du film, Le Dernier des immobiles que Nicola Sornega a réalisé autour et dans l'univers de l'écrivain.

Matthieu Messagier vit dans le Doubs. Poète de la génération des « électriques » (cf. Manifeste électrique aux paupières de jupes, Soleil noir, 1971), il est l'auteur de plus de trente-cinq titres dont un certain nombre sont repris dans la compil (1964-1974), paru aux Éditions Flammarion en 2000. Michel Collet a réalisé un entretien de l'auteur pour Verrières n° 4. La revue CCP que publie le Centre International de Poésie de Marseille a publié un dossier autour de ce poète dans sa sixième livraison et Renaud Ego lui a consacré un livre L'Arpent du poème dépasse l'année-lumière (Jean-Michel Place, 2002).

 

Matthieu Messagier
Préface de Thierry Beauchamp et de Nicola Sornaga
Éditions Castor Astral
Parution : juin 2004
Diffusion/Distribution : Diff.Edit.
58 p. 12 €
I.S.B.N. :   2-89046-869-0

 

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Sium Arche d'Eau

Dans les poèmes de Martine Cotin, peu de place est réservée à l'humain. Ses évocations sont urbaines. Chargées de couleurs où les pierres épousent le lierre et l'eau, ses vues, entre Rhin et Rhône, indiquent un passage, celui du spirituel dans un univers végétal, minéral et aquatique. Et soudain le poète se fait peintre. Férue de germanisme, d'allers et retours au coeur de l'Europe et de lectures tibétaines, la langue de Martine Cotin est comme tressée, son lyrisme retenu et le verbe précis ou savant. Selon Antonin Artaud (lit-on en quatrième de couverture) « un peu de ce que nous avons été et surtout de ce que nous devons être gît obstinément dans les pierres, les plantes, les animaux, les paysages et les bois. » CQFD.

Ce recueil comporte également six calligraphies de l'auteur.

Poète résidant à Besançon, Martine Cotin a publié aux éditions Le Galion, Vue, en 2003.

 

Martine Cotin
Éditions L'Atelier du Grand Tétras
Adresse : Au-dessus du village — 25210 Mont de Laval
Parution : juin 2004
64 p. 9 €
I.S.B.N. : 2-911648-11-0


 

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Des mélodies du silence

Richard Palascak est un étudiant vésulien qui a semble-t-il convaincu l'éditeur régionaliste (ou départementaliste devrait-on dire) Pascal Magnin, de « perdre de l'argent » en éditant de la poésie. Voilà donc son troisième opus qui paraît sous l'enseigne Franche-Comté édition sans qu'il ne soit question du moindre paysage haut-saônois ; Les poèmes de Richard Palascak sont courts, séquences de six ou huit vers de deux ou trois syllabes dans la plupart des cas, sorte de ruisseaux ricochant sur des sonorités récurrentes, clapotis souvent ordinaires de la langue et qui tentent, avec cette partition, de s'inventer une musique singulière.

 

Richard Palascak
Franche Comté Édition
Adresse : 1, rue de Franche-Comté -- 70000 Vesoul
Parution : 3e trimestre 2004
68 p ; 10 €
I.S.B.N. : 2-915402-18-3


 

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Le Printemps des cigognes

Émile Raguin pratique une poésie classique et ne cache pas son admiration pour Lamartine. Cet exercice a toujours ses limites : les impératifs formels contraignent tant le dire qu'il ne peut guère exprimer que des sentiments simples et univoques : l'émerveillement, la nostalgie, l'innocence.

Saint Augustin disait : « Puisque le créateur
Nous a fait pour aimer, j'aime aimer ». Ta présence,
De cet état d'esprit reflète l'innocence,
Aimante elle fait naître un poème enchanteur,
Celui que j'aime écrire et relire en silence...

Émile Raguin
Franche-Comté Édition
Adresse : 1, rue de Franche-Comté -- 70000 Vesoul
Parution : 3e trimestre 2004
102 p ; prix non spécifié
I.S.B.N. : 2-915402-18-3

 


 

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L'universelle & L'idiot irrompu
(poème et full contact)

Les éditions Dumerchez ont peut-être réussi le plus bel objet littéraire de l'année : la couleur du papier et son grammage, l'illustration tentaculaire de Yvon Taillandier — qui, comme une luxuriance exotique rouge et verte recouvre couverture et rabats, la liberté des vers de Messagier à courir dans cette jungle, fabriquent du vrai bonheur pour le lecteur. Voilà un luxe, un petit miracle ; un objet de consommation qui récuse tous les adjectifs et les sentiments suspicieux qu'évoque le commerce du XXIe siècle.
Le contenu, bien entendu, plaide sans retenue pour ce côté OVNI de l'objet pourrions-nous dire, si les OVNI n'étaient pas eux-mêmes devenus   si banals, si désuets et surtout, si souvent invoqués. Une fois encore, Matthieu Messagier tresse une poésie à l'image du monde tel qu'il est le plus probable de l'envisager : autre, étranger, épineux avec des fulgurances, obscur à nos projections intimes mais zébré de clartés d'une beauté inouïe. Les livres de l'auteur sont des fenêtres instables et ouvertes sur la littérature qu'il faut voir comme un torrent ininterrompu (ou irrompu) fougueux, annexant, faisant sur le rivage autant de jolies découpes que de dégâts. L'auteur témoigne d'un débordement des sens à la peine dans les modèles de société en cours de promotion. Cela demande au lecteur de se défaire de ses manies passives et de son envie de rentabiliser ses lectures. Il faut plonger dans ces livres, ne pas hésiter à se frotter au noir. Certes tout n'est pas à prendre et tout de ne sera pas pris. Mais chacun éprouvera à un moment donné ou à un autre de sa lecture un frisson rien qu'à lui.

Le roulement régulier
Des nuages noirs de mai
(flanqués de leur
personnel arc-en-ciel)
sur l'orage tendu à l'extrême
(comme un roc
construit des chaleurs
exaspérées par l'heure)
produisait l'effet
d'une pierre-à-feu
sur le chemin encore laiteux
d'une adolescence à l'assaut
 
Nul doute que Cette mélancolie harassée disperse/l'impression de masque superficiel.

Auteur d'une quarantaine de livres, Matthieu Messagier fut, en compagnie de Michel Bulteau et de Jacques Ferry notamment, un des poètes que l'on nomma électriques au début des années 70. La compil, publiée par Flammarion en 2000, Les Chants Tenses, Les Grands Poèmes Faux, À l'ancre d'Achronie, Le Dernier des immobiles ou Les Transfigurations, donneront de magnifiques illustrations de cette voix singulière, issue et demeurant quelque part dans la verdure sauvage du département du Doubs.

 

Matthieu Messagier
Éditions Dumerchez
adresse : 2, rue du château, B.P. 0218 -- 60332 Liancourt cedex
Parution : juin 2004
128 p. 19 €
I.S.B.N. : 2-84791-026-3


 

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Lettres de Paris

À Paris, entre septembre 1920 et février 1923, Ezra Pound rédige pour un journal américain avide d'informations européennes de nombreuses lettres (dont douze sont ici publiées). Sans complaisance, il loue « l'intelligence » des dadaïstes, évoque le goût trop « domestiqué » de La Nouvelle Revue Française incarnée par Proust, Gide ou Valéry ou, encore, décortique la récente publication et rapide censure de Ulysse du « génie » Joyce.

Jean-Michel Rabaté, dans sa brillante introduction, écrit que « presque tous les grands poètes américains du vingtième siècle ont commencé à écrire les yeux tournés vers la France : T.S. Eliot (...), Wallace Stevens (...) et Pound, enfin, qui plaçait au sommet des vertus nécessaires à l'artiste complet une intelligence critique « à la française », et qui, plus que Stevens ou Eliot, était familier des milieux littéraires et artistiques parisiens, avait depuis toujours caressé l'idée de faire de Paris la capitale de la nouvelle renaissance pour laquelle il avait milité sans relâche à Londres. »

À la fois lucide, cinglant et rageur, Pound, à travers ses lettres, montre déjà (tandis qu'on le voit confronté à son oeuvre-vie : Cantos) son amertume et ses futures positions radicales.

 

Ezra Pound
(traduction de Marie Milési)
Éditions Virgile
Parution : mai 2004
Diffusion/Distribution : Les Belles Lettres
160 p. 15 €
I.S.B.N. : 2-914481-25-X


 

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Dix ans de Jeudis
(1994-2004), un recueil

Les Jeudis de Poésie ont pris place en 1994 dans le cadre de l'université ouverte. Le désir de ses créateurs était d'instaurer à Besançon un rendez-vous régulier avec la poésie. Les manifestations prennent donc place de préférence le jeudi, consistent en des débats, rencontres ou lectures (le plus souvent les trois) avec des poètes ou des universitaires parlant de poésie. Dix ans donc que cela dure, le moment était venu du salutaire regard en arrière. Il prend la forme de ce recueil de textes et de poèmes inédits, signés de la main de 42 poètes invités un de ces jeudis des dix derniers années.
Citons tout le sommaire : Bertrand Degott (préface), Max Alhau, Olivier Apert, Marie-Claire Bancquart, Jean-Marie Barnaud, Pierre Chappuis, Jacques Charpentreau, Judith Chavanne, Pascal Commère,   Pierre Dhainaut, Pierre Garrigues, Emmanuel Laugier, Camille Loivier, Jean-Claude Pinson, Max Pons, Bernard Pozier, Alain Rochat, James Sacré, Pierre-Alain Tâche, André Velter, Jean-Pierre Verheggen, Jacques Ancet, William Cliff, Claude Michel Cluny, Fabienne Courtade, Heather Dohollau, Bluma Finkelstein, Guy Goffette, Henri Heurtebise, Christian Hubin, Jean-Pierre Lemaire, Yvon Le Men, Philippe Marchal, Jean-Yves Masson, Alberto Nessi, Gilles Ortlieb, Pierre Oster, Jean-Baptiste Para, Anne Perrier, Richard Rognet, Jean-Luc Sarré, Franck Venaille, Jean-Vincent Verdonnet, Alexandre Voisard.

Les Jeudis de poésie ont été inventés et coordonnés par Bertrand Degott, Jacques Moulin.

Collectif
Parution : mai 2004
Une publication du Centre Régional du Livre de Franche-Comté
Adresse : ici
106 p. gratuit
I.S.B.N. : 2-913474-17-9

 

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Qui veut la peau de Harry ?

Le 2 avril 2003, Harry le démocrate arrive à Los Angeles, dans un espace chargé de mythes et de clichés, au cœur même du air conditionned nightmare. Parce que tout naît et meurt rapidement, Harry, à l’aide de son appareil Kodak jetable (la mitraille, / il n’y a que ça de vrai.), photographie tout ce monde faussement paradisiaque, peuplé d’impérialistes égocentriques et surarmés. Par ailleurs, Harry est obsédé par les ébranlements. Comme Los Angeles est une terre à séismes, il attend. Mais le tremblement insupportable mais discret, / presque dissimulé a eu lieu ailleurs et son épicentre n’est pas à Los Angeles mais à Bagdad, / en Irak. Et ça fait trembler / la terre entière / depuis 10 jours. Ce texte dit entre autres l’indéfectible fascination/répulsion qu’éprouve l’européen pour l’étasunien et comment cet étrange continent / déclenche / plus de réminiscences / que d’émotions — d’où son obsession pour les chansons (L’Amérique de Joe Dassin, On the beach de Chris Rea), la littérature américaine (John Fante, Hubert Selby Jr, Charles Bukowski, Ernest Hemingway), le cinéma Hollywoodien (Mais qui a tué Harry ?, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?) ou les films X tournés dans la vallée / de San Fernando. S’il poursuit encore sa technique du cut-up et reste fasciné par les clichés que renvoient nos sociétés droguées aux médias et aux marques, Christophe Fiat, avec ce texte, effectue un pas de côté — préférant ici un travail sur la mémoire et la légitimité de la littérature aujourd’hui à une théorisation philosophico-poétique assommante. (De toute façon, c’est bien d’aller à Los Angeles / pour recouvrer la mémoire. / Non pas la mémoire des origines / mais celle de l’avenir.)

Christophe Fiat est né en 1966 à Besançon. Il est écrivain et fait des lectures performances. Il dirige avec le graphiste Vincent Menu la revue littéraire revueMI.com.


Christophe Fiat
Inventaire/Invention
Parution : avril 2004
Diffusion/Distribution : Inventaire/Invention
(www.inventaire-invention.com)
66 p. 5 €
I.S.B.N. : 2-914412-35-5

 

 

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La Fugue inachevée

La Fugue inachevée est le quatrième et imposant volume de « la pentalogie » Le Cycle des exils de Patrick Beurard-Valdoye (autour de 500 pages chaque élément !), à paraître aux éditions Al Dante/ Niok. Le thème de la captivité, traité ici à hauteur de l'homme seul, ramené aux pas perdus désespérés des prisonniers pendant la guerre (les dernières pratiquées face-à-face, armées allemandes contre françaises) travaille le livre à la manière d'un appel d'air sous le torrent verbal, rassemblant les courants d'une langue composite, poèmes, proses, lettres authentiques, journaux de captivité, le tout déroulant sa syntaxe malmenée ou étale. Deux photographies d'époque surnagent dans cette abondance. Comme il est dit en quatrième de couverture, Le plus souvent, le poème -- en prose ou en vers -- s'appuie sur des témoignages oraux et des documents d'archives. Parfois le document est désigné poème. Parfois le montage fait poème. Sept passages pour appréhender le réel selon des points de vue -- et donc des formes -- différents.

Patrick Beurard-Valdoye est né au bord de la Savoureuse, dans le Territoire de Belfort, où il a séjourné jusqu'à 18 ans. Il est aujourd'hui enseignant à l'école des beaux-arts de Lyon et a publié une vingtaine d'ouvrages dont Le Secret des limbes intercepté, devenu partie intégrante de cette Fugue inachevée.

Patrick Beurard-Valdoye
Éditions Al Dante/ Niok
Site Internet : http://www.aldante.org
Parution : mars 2004
Diffusion/Distribution :
Fédération-Diffusion/U.D.
472 p. 25 €
I.S.B.N. : 2-84761-032-4

 

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La Boîte à musique
et
Dame et Dentiste

le soldat du monument / ressemble sous son vieux casque // à des souvenirs d’enfance /
que je préfère oublier

Il est souvent question chez ce poète d’hommages. S’il s’amuse à honorer les Saints du Jura, le fromage et le Savagnin ainsi que son pays d’origine (les Ardennes, la Belgique), l’hommage est ailleurs, dans les livres et vers l’enfance du poète et ses fantômes. Chez lui, la mort entoure l’enfant et les fantômes deviennent des veilleurs, (les « phares » chez Baudelaire). Ils se nomment Artaud, Perros, Reverdy, Thomas et semblent veiller sur lui. Mais le poète n’aime pas le pathos. Il préfère user de comptines, retrouver la gouaille d’un Villon, la musique d’un Brassens ou bien encore jouer avec les expressions populaires qu’il détourne et deviser avec les fantômes comme il le ferait au comptoir, un verre de rouge à la main. Également plasticien, il vient de réaliser (poésie et peinture) un chemin de croix en compagnie de Sylvie Doizelet (Chemin de croix - La Table Ronde, mars 2004, I.S.B.N. : 2-7103-2697-6 - 16 €)

comment va le poète ? / ah dit la dame il baisse / de jour en jour il s’enlise /
il s’étiole il s’enténèbre / il s’épuise à recoller les éclats / de verre de sa petite lampe / de poète il devient tendre / comme un mou de veau sous la mère /
oh c’est triste il avait / dit le dentiste / la dent dure cependant

Jean-Claude Pirotte réside régulièrement dans le Jura.


Jean-Claude Pirotte

La Table Ronde
Parution : janvier 2004
Diffusion/Distribution : Sodis
144 p. 16 €
I.S.B.N. : 2-7103-2650-7

Dame et Dentiste
Inventaire/Invention
(www.inventaire-invention.com)
Parution : avril 2004
40 p. 5 €
I.S.B.N. : 2-914412-29-0

 

 
Fables des orées et des rues

Alexandre Voisard est né en 1930 à Porrentruy, dans ce qui deviendra l'État-canton helvétique du Jura, au terme d'une lutte à laquelle il prendra toute sa part. Poète et prosateur, il est à ce jour l'auteur de plus d'une vingtaine d'ouvrages aux Éditions Empreintes, Bertil Galland, l'Aire et Bernard Campiche. Fables des orées et des rues paraît simultanément à un recueil de nouvelles L'Adieu aux abeilles (cf. rubrique Roman). L'ouvrage est constitué de brefs portraits et de quelques « contes et récits » (tout aussi brefs, les poèmes sont constitués d'une strophe unique n'excédant pas une dizaine de vers), le tout dans la trame bucolique dont Voisard a fait sa palette. Sur ce fond (sur cette terre et parmi les arbres de la promenade) Voisard choisit d'avancer d'un pas soutenu et la contemplation n'est guère de mise tant il y a de pensées à débusquer sous le calme et le théâtre des jours. Partout où sont les forêts les esprits malins ne sont pas loin ; la phrase pourrait désigner toute l'entreprise poétique ayant présidé à l'écriture de ce livre. Et comme il est dit en conclusion d'un « avant-dire », l'affabulation fait feu de tout bois pour éclairer dans la porte les fentes les plus utiles à l'entendement de l'indicible. Chaque écolier égrène ses couplets que ponctue le refrain du merle soi-disant persifleur. Tout marinier interroge l'horizon où sombrent les soleils, où en secret mijote la queue des fables.

Retenons sur notre toile, Le Bûcheron au matin

Aura-t-il assez de salive

le bûcheron épris de sa forêt
jusqu'aux larmes
pour faire vivre
une semaine ou même une heure
la pousse de chêne que sa femme
au matin lui aura glissée
entre les lèvres ?
« sois heureux et fécond
toute la journée mon amour »
lui a-t-elle murmuré.

Voir aussi du même auteur le recueil de nouvelles L'Adieu aux abeilles

Alexandre Voisard
Bernard Campiche Éditeur
Parution : novembre 2003
Diffusion/Distribution : Vilo 2
Site Internet : www.campiche.ch
130 p. 12 €
I.S.B.N. : 2-88241-132-4

 

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Déserts

Déserts fait partie des livres illisibles. Tout du moins inhabitables, arides. Normal, c'est désert. C'est voulu. Ce premier livre d'un jeune auteur bisontin au prénom a priori compliqué (P.N.A. ?) ne se lit pas intégralement, à moins d'opter pour un cheminement très lent, quelques propositions par jour tout au plus. C'est, après tout, (presque) le cas de références illustres La Bible, le dictionnaire Littré ou encore Le Monde et France Football. L'âpreté d'un livre n'est pas un gage d'universalité, bien sûr, mais disons que l'hostilité de ces Déserts est voulue ; elle n'est pas le fait d'un ratage comme souvent mais celui d'un entêtement plus que sympathique, c'est déjà ça. Venons en au fait :

Première partie (Résolution), début : je conduis le cuirassé Potemkine jusqu'à Odessa, je témoigne de la mort de Condorcet, je m'engage dans la Royal Air Force, je rode ma master class à l'antenne dublinoise du Massachusets Institute of Technology.... (48 pages).
Deuxième partie (Cluster) : William Alanson White part visiter La Modelo de Bogotà Austin Powers habite l'Afrikanerstrasse Lord Lucan explique la pensée poétique de Celan Michel Kelemenis est incarcéré à Fleury-Mérogis...(68 pages).
Troisième partie (Torsion) : Chuck Norris est l'un des hommes de la garde rapprochée d'Achim Freyer Achim Freyer appelle à voter Eduardo Serra Eduardo Serra engage une procédure pour abus de bien social contre Jean Bodon Jean Bodon est économiste chez Goldman Sachs tout comme Arturo Toscanini... (82 pages).

Les propositions citées sont représentatives de la masse serrée de celles qui les suivent sur le nombre de pages indiqué. Les anachronismes et les situations absurdes sont bien plus nombreux que les révélations crédibles comme le prévoient les statistiques, deux individus donnés par exemple dans l'histoire de l'humanité (ou un individu et une structure) ayant en effet bien plus de chance d'exister dans des lieux et des époques différentes que simultanément à la même place. Écartons l'hypothèse d'un parti pris humoristique. Même s'il nous arrive de sourire à ces collisions en chaîne, Déserts est incontestablement autre chose qu'une grimace à la face de la grande et de la petite histoire. Déserts est forcément pluriel car c'est là la revanche de tous les livres qui récusent la lecture et donc l'appropriation. Ceux-là inspirent le lecteur qui frustré par son renoncement au cheminement ligne à ligne se paye en jouant activement sa partition. En balayant toute identité, Handschin passe l'Histoire à l'épreuve d'un grand jeu de chaises musicales ; le livre devient apocalyptique et créé un immense vertige. La masse liquide de propositions a toute latitude pour engloutir le lecteur qui se découvre Robinson. Or ce type d'expérience, consommé avec modération, ne peut être que vivifiant.
Parmi toutes les pistes citons celle-ci : Déserts est l'opposé des livres qui tirent à la ligne. Chacune de ses propositions pourrait constituer le début ou le motif d'une nouvelle. À chacun de se servir.
Commençons  donc : Je conduis le cuirassé Potemkine jusqu'à Odessa. La brume étouffait la côte et il faisait très froid...

P.N.A. Handschin
Éditions P.O.L.
Parution : novembre 2003
Diffusion/Distribution : C.D.E./Sodis
19 € 220 p.
I.S.B.N. : 2-86744-976-6

 

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Regards d'Outre-Songe

À l'époque, ils étaient nombreux ceux qui pensaient que la mort de Saint-John Perse signait la fin d'une certaine poésie, le néo-lyrisme, (qui lui avait d'ailleurs valu le Prix Nobel de Littérature) et que le poète de l'exil mourrait sans descendant. Le dernier recueil de Louis Moëllic semble être l'exception qui confirme la règle : Perse inspire encore et son ombre plane, fière et orgueilleuse, sur ces chants d'ailleurs primés. Si haut que fût le vent (Prix Charles d'Orléans 2002) et ces huit suites donnent d'emblée le la. Musique du vent, souffle de l'errance... Les éléments ici se mêlent jusqu'à se confondre aux souvenirs qui parfois prennent l'eau, aux courants d'air souvent marins des rêves, la mémoire étant elle-même trouée. La terre et la mer jouent la dichotomie poétique pendant que le souffle traverse les deux camps. La posture du poète est droite sur son seuil. En bon persien, il se tient aux aguets, prêt à quitter ses terres reculées (ses sillons, sa source) pour rejoindre (par le songe, le souffle) le lieu d'origine, la mer et ses sillages. Dans une autre lumière (Grand Prix 2002 Paul Valéry et Louise de Vilmorin), le poète revient sur ses thématiques, accentuant encore la présence de la nuit, fenêtres ouvertes, portes fermées – sur le songe. Là aussi l'esprit ne sait s'il doit prendre le large (océan, îles, oiseaux de mer, vagues, sel marin...) ou rester dans les terres enclavées. Heureusement rêver permet de parcourir des distances phénoménales sans fatigue, sans peine. Cette posture rappelle par certains côtés l'histoire de cette rivière qui rêvait de devenir océan, de cette eau douce qui rêvait de sel et qui n'avait de cesse de draguer les vents, offrant ses yeux doux au premier souffle venu, quel que fût le prix, pourvu qu'il l'emmenât.

« Eau pure de mes orages
Toi seule peux encore surprendre
L'éclair éteint dans mon regard ! »

Né en 1928 à Neuilly sur Seine, Louis Moëllic publie son premier recueil en 1977 (Les Orgues de Mortefontaine) suivi d'Interférences en 1982, d'Errances et Sillages chez Caractèr's (1996 et 1997) et, depuis, a pris l'habitude de recevoir différents prix de poésie. Il vit en Franche-Comté.

Regards d'Outre-Songe constitue le troisième recueil de la collection Glyphes à l'Atelier du Grand Tétras consacrée à la poésie, après Glyphes ou l'esprit du temps de J.F.Mura et Enigme des pierres de Patrice Llaona.

Louis Moëllic
Illustration de Gilles Erny
L'Atelier du Grand Tétras
Adresse : Au-dessus du village - 25210 Mont de Laval
Parution : septembre 2003
160 p.
15 €
I.S.B.N. : 2-911648-10-2

 

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Autoportraits (+1 dvd) Anne-James Chaton est un poète sonore. Trentenaire. Bisontin. Brun. Vit à Montpellier. Fume des Chesterfield. Boit surtout des cafés et des bières. Est inscrit à la bibliothèque de l’Université de Franche-Comté. N’a pas de problème de santé révélé par des analyses sanguines mais a pratiqué une analyse sanguine. A dû donc suspecter un problème. Est inscrit au Assedic. Lit beaucoup de philosophie. C’est entre autres ce que nous apprennent les autoportraits d’Anne-James Chaton. On peut donc rajouter cette autre information. Il vient de publier un livre accompagné d’un dvd. On pourra toujours qualifier de photographique le procédé d’écriture, au sens où il opère une coupe à un instant t. Au sens aussi où il pratique une mise à plat du motif, où il épuise l’espace qu’il prélève. Mais les autoportraits d’Anne-James Chaton sont des non-images. L’émulsion fige avant tout de l’écrit, des mots. Que le lecteur constitue des images à partir de ce qu’il lit est en quelque sorte son affaire et celui de la langue. C’est bien d’une autopsie du monde des lettres dont il s’agit. Ainsi, l’inévitable paquet de cigarettes qui traînent sur la table du bar à côté du personnage devient : 1 paquet de cigarettes "Chesterfield – Original AMERICAN BLEND CHARACTER – made under authority of an affiliate of Philip Morris Products Inc. ; Richmond ; VA ; U.S.A." contenant 6 cigarettes ;
La partie livre se présente donc sous la forme de seize rendus au rayon X, à la terrasse de quelques bars, devant des cartons de déménagement ou une bibliothèque. Manière de stèles au vivant après l’objectivisme à l’américaine et l’autofiction bien française. Un sourire décalé tout de même, qui trouve à se loger on ne sait où parmi l’inventaire, peut-être dans la silhouette sécable de l’écrivain et de son kit, à la manière de Ken, le copain de Barbie : Anne-James Chaton à Marseille. Anne-James Chaton aux cheveux courts. L’anniversaire Anne-James Chaton. La carte confinoga/Nouvelles Galeries d’Anne-James Chaton. Le quotidien finit par s’approprier le premier plan. Il est déductible de ce constat. Découpe son morceau de monde dans le gras d’une année récente.
Le discours traditionnel ambitionne de décrire une journée en sommant températures sous abri, kilomètres d’embouteillages, résultats sportifs, morts au combat ou sur un marché et cours du Brent. L’information telle qu’elle se pratique dans les médias est une histoire de chiffres. Ici nous avons à faire aux textes.
Avec le livret, un DVD constitue une extension visuelle et sonore au travail écrit. L’entreprise de recensement, descriptif, polyphonique, gagne à l’accumulation et prend bien sûr plus de relief dans la superposition des matières sonores et visuelles.
Ce livre est le prolongement plus large, plus mobile de Événements 99, parus il y a deux ans chez le même éditeur. L’auteur dirige par ailleurs la revue The Incredible New Justine’s adventures.

Anne-James Chaton
Éditions Al Dante
Parution : juin 2003
Diffusion/Distribution : Fédération/Union distribution
90 p.
20 €

 

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Vies précédé de Les Mots et moi

Après C’est aujourd’hui toujours et C’est, partout, ici, Alain Jouffroy publie, aux Éditions Gallimard, un troisième recueil de poèmes anthologique, Vies (précédé de Les Mots et moi) dans lequel comme dans les précédents, l’auteur rassemble avec quelques inédits, des poèmes parus de façon éparse ou confidentielle. Né en 1928 (un 11 septembre), auteur de plus d’une centaine d’ouvrages, Alain Jouffroy déroule ici les bandes de ces vies et déshabille du coup un peu le siècle. Le temps est rayé de colères, d’insomnies, d’amitiés et de révolutions tandis que des noms surnagent sur " des fleuves impassibles " ou non. C’est donc en compagnie que l’on voyage : avec André Breton, Wilfredo Lam, Matta, Isidore Ducasse, Rimbaud, Michaux, Hugo… et lorsqu’on ferme le livre, on relie le texte premier, Les Mots et Moi, magnifique bilan sans s’arrêter, dans le sens de la marche, de la ligne d’écriture qui ne tarira pas.
Alain Jouffroy est né à Paris en 1928. Il a séjourné pendant les années d’occupation en Franche-Comté, région à laquelle il est attaché, outre par son vécu, du fait de ses origines paternelles. Il rencontre très tôt André Breton et adhère un temps au groupe surréaliste. Vigie inlassable face à l’émergence de nouvelles voix comme à la partition politique et sociale d’un siècle, il est l’auteur d’une œuvre considérable, forte d’environ 130 parutions, roman vécu, poésie vécue, écriture vécue, pensée vécue… Alain Jouffroy évoque ses liens avec la Franche-Comté dans la quatrième livraison de la revue Verrières (téléchargeable en suivant ce dernier lien).

Alain Jouffroy
Éditions Gallimard
Collection : Blanche
Parution : mai 2003
Diffusion/Distribution : Sodis
180 p.
16,50 €
I.S.B.N. : 2-07-070426-2
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Album en lent

Reproduite dans sa forme originelle, manuscrite, la parole de Matthieu Messagier écrit son album en lent dans un cahier spiralé publié par les soigneuses éditions 23. Le poète installé dans le Doubs dont on vient de découvrir un film que lui a consacré (à lui, à ses lieux, à ses thèmes et à ses amis) le cinéaste Nicola Sornaga, libère une nouvelle fois ses ruches de mots, tantôt sortis pour butiner l’alentour et tantôt largement à même, à leur retour immobile, de tout réinventer.
(…)
à part que
ce matin
le vent à les hanches
les plus luxueuses
que j’ai jamais vu
le mal se taille
à la vitesse grand V
on peut juste l’apercevoir
s’évanouir là-bas
au coin des grands saules
et du tourbillon réunis
la bouche s’ouvre à ce vent
qui vous refait
une dentition spirituelle
en moins de deux,
bien plus belle que l’ancienne

(…)
Occident classé (extrait)

Matthieu Messagier
Éditions 23
adresse : 15, rue du bocage — 14880 Colleville-Montgomery
Parution : mai 2003
11,50 €
I.S.B.N. : 2-910905-12-8
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Vue

Poète résidant à Besançon, Martine Cotin précise dans sa note liminaire que son écriture se maintient entre expression et explication, par strates et de cette manière fait entrer un lieu en écriture pour que lui soit conféré le statut de lieu-écrit. Comme elle l’écrit un peu plus loin, la Vue présente comme une entité de référence à côté de la carte postale, du paysage, du symbole-échantillon ou tout autre dimension relevant du visuel : illustration, photo ou diapo, tableau, vision - souvenir à la loupe du début du XXe siècle, calligraphie, images numériques.
L’écrivain-promeneur qu’elle est (ce citadin constant qui intègre ses habitudes au déchiffrement, y aiguise le sensible sans relâche en vue de l’écriture) nous fait part alors de ses multiples promenades et autres allers et retours entre parcs urbains et ponts, ces instants uniques et pourtant répétés, qu’elle nomme " vue " : vues écrites, épaulées par Segalen, vues tracées, vues de nuit, de loin, vues d’hiver ou de printemps, vues matinales ou nocturnes, datées ou pas, pluvieuses ou pas, des vues bleu-nuit ou vert-buis, vues accompagnées par Butor, Celan, Pessoa ou Walser. Une vue de Besançon, omniprésente mais jamais nommée si ce n’est par le parc M., les rives du D. ou le pont de la R. (que tout bisontin reconnaîtra), ville minérale et élémentaire, rythmée au gré des pluies — puissance des eaux oblige, symbolisée par ses pierres lourdes et lumineuses.

La Vue s’endort sans lumière
comme une église vide et son décor ancien
une présence qui fait défaut
quand l’écriture ne démarre pas.

Martine Cotin
Éditions Le Galion
adresse : place de l’Église — 25660 Montrond-le-Château
Parution : mai 2003
Diffusion/Distribution : Le Galion
83 p.
12 €
I.S.B.N. : 2-8491-3005-2
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Soleil des Êtres

Patrice Llaona publie un nouveau recueil de poésie chez la toute jeune maison d’édition Le Galion, née et grandissant à Montrond-le-château, dans le Doubs. Les poèmes irradient leur lumière plurielle, issue du soleil ou de la présence des Êtres. Après Un pas tremblant dans le désert (L’Harmattan, 2001) et Énigme des pierres (L’Atelier du grand tétras, 2002) l’écrivain bisontin poursuit, à pas rapprochés, son questionnement des éléments. Soleil des Êtres est son neuvième livre publié.

Tu es un grand insecte douloureux
dans la toile crissante du monde-
tu te demandes ce que tu fais là,
dans le violent poème des origines,
le souffle arraché l’ivresse perdue

Patrice Llaona
Édition Le Galion
adresse : place de l’église — 25660 Montrond-le-Château
Parution : avril 2003
78 p.
12 €
I.S.B.N. : 2-84913-008-7
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L’Arpentée

L’arpentée, court texte de Françoise Ascal écrit dans l’ombre et la lumière d’un jardin de Melissey (dans la maison familiale) raconte son présent fugace qui éblouit, s’obombre, disparaît, rejaillit derrière le noyer et la mémoire, derrière les petites taches de mémoire qui brouillent un peu le regard passant ainsi justement de l’ombre à la lumière, dans le jardin de la maison familiale.
Ce texte sera lu le 3 août prochain par l’auteure accompagnée de la musicienne Sylvie Moquet, lors du festival « Musique et Mémoire » qui a lieu chaque année en Haute-Saône. Françoise Ascal, originaire de la région des Mille-Étangs, vit aujourd’hui près de Paris. Elle a publié une quinzaine d’ouvrages, pour la plupart aux éditions L’Atelier de la Feugraie.

Françoise Ascal
Éditions Wigwam
14, boulevard Oscar Leroux — 35200 Rennes
12 p.
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Valse

Format oblong, couverture en bois, des gravures orange et rouge-marron pour des danseurs aériens et charnels, désaxés et debout comme des hommes de Chagall. Le texte lui, d’un vouvoiement murmuré, s’enhardit dans la danse et fait comme une douce pression sur les silhouettes pour que les corps se couchent.

Depuis longtemps
peut-être
vous approchiez
dans l’indéchiffrable brouillon des nues,
dans le reflet des miroirs,
dans les couloirs
où le dehors se glisse
à tâtons par les fenêtres
entrouvertes du printemps,
dans les craquements
à la pointe des feuilles,
dans le bâillement des premiers tiroirs
qu’on ouvre pour libérer les linges,
quand les robes descendent des cintres
et se mettent en chemin vers les bals

François Migeot est né en 1949. À propos de son travail d’écrivain, il écrit [qu’il] est centré sur la poésie, sur une prose poétique dont le souffle reste l’objet même si elle passe par un fil narratif, sur la conjonction des arts (sculpture, peinture, gravure, musique, mis en résonance avec des textes), sur des écritures expérimentales engagées au sein du discours "communicatif" de l’époque.
François Migeot, enseignant-chercheur à l’Université de Franche-Comté est également traducteur d’espagnol et plus particulièrement de poésies sud-américaines. Il est l’auteur d’une quinzaine de livres.

François Migeot (poème)
Yannick Charon (xylographie)
(commander à : Yannick Charon, 10, boulevard de la liberté — 94170 Le Perreux-sur-Marne.
Téléphone : 01 43 24 00 18)
10 pages + un triptyque indépendant de trois gravures
tirage : 72 exemplaires numérotés
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